Diffusion le 14 avril 2025
Durée : 59 min - Réalisation : Craig Mazin
A l'instar de la Saison 1, c’est donc Craig Mazin qui ouvre les festivités en prenant les rênes de la réalisation. C’est le showrunner principal de la série HBO, il adore le jeu vidéo, il lui voue même un culte sans pareil, il le connaît par coeur, donc il sait très bien ce qu’il fait, et il nous l’a prouvé à de maintes reprises dans la première saison. Que peut-on justement retenir de ce premier épisode ? Sans doute une envie de rebattre les cartes, avec énormément d’éléments nouveaux et des choses qui ont été déplacées, ou même swappées, par rapport au jeu vidéo, au matériau d’origine. Je vous rappelle que dans le jeu de Naughty Dog, la structure est faite d’allers-retours narratifs, de flashbacks également, et de séquences qu’on doit au fil de l’histoire remettre bout à bout pour mieux comprendre l’impact émotionnel. C’est visiblement quelque chose que Craig Mazin, Neil Druckmann mais aussi Halley Gross ont décidé d’abandonner. Halley Gross qui est, je préfère le préciser, la co-scénariste du jeu The Last of Us Part 2 et qui a aussi participé à la réécriture de la série.
LE CHANGEMENT, C'EST MAINTENANT
Et cette envie de redessiner les choses, on l’a dès le début de cet Episode 1, et tout au long des 7 épisodes d’ailleurs, qui va tenter d’induire le joueur en erreur pour justement le surprendre. L’introduction par exemple avec ce plan sur les girafes et l’hôpital qui renvoie directement à l’une des scènes majeures du premier The Last of Us nous montre d’emblée le personnage d’Abby et ses amis également. Mais ce qu’il faut comprendre avec ça et ce gros plan sur le visage d’Abby et de l’actrice Kaytlin Dever, c’est cette volonté de changer les choses. Bien sûr que dans le jeu The Last of Us Part 2, on découvre Abby assez tôt, mais il y a cet effet de surprise. Quand on prend le contrôle d’Abby, on ne connaît ni son nom ni ses motivations et encore moins son passif. C’est l’effet de surprise de Neil Druckmann dont le plan est évidemment de nous faire comprendre les deux points de vue différents et cette dualité, cet effet miroire entre Ellie et Abby.
Sauf que là, l’épisode 1 de cette Saison 2 casse d’emblée l’effet de surprise, puisque non seulement le nom d’Abby est immédiatement évoqué, mais en plus, ses motivations sont instantanément révélées aussi. Elle est en effet accompagnée des autres membres de son escouade, à savoir Owen, Mani, Nora et Mel et tous font face à des tombes. Nora qui est d’ailleurs incarnée par l’actrice Tati Gabrielle, qui n’est autre que le personnage principal du prochain jeu de Naughty Dog : Intergalactic The Heretic Prophet. Quant à Mani, vous connaissez aussi le visage de l’acteur Danny Ramirez si vous suivez le MCU puisque c’est lui le nouveau Faucon depuis que Sam Wilson est devenu le nouveau Captain America.
UNE SÉRIE-TÉLÉ N'EST PAS UN JEU VIDÉO
Donc, très vite, on capte que les tombes sont celles des hommes que Joel a tué à la fin de la Saison 1 pour sauver Ellie, soit les derniers membres des Fireflies, Lucioles en VF, et parmi eux, on retrouve sans doute Marlene mais surtout Jerry Anderson, le chirurgien qui devait opérer Ellie et qui n’est autre que le père d’Abby. Et d’ailleurs, avant que le générique ne se lance, il y a ce plan qui avance légèrement vers le visage d’Abby qui se retourne pour expliquer qu’elle veut qu’on retrouve l’auteur de ce meurtre et qu’on le tue lentement pour que justement il souffre à son tour. Le cycle de la haine est donc lancé. Donc oui, la cassure, elle est là, par cette annulation de l’effet de surprise du personnage d’Abby et qui s’explique assez facilement. Etant donné que le jeu The Last of Us 2 est un jeu qui a cartonné, qu’il est aussi sans doute l’un des jeux vidéo les plus commentés sur Internet de part ses décisions scénaristiques qui ont divisé une partie des joueurs, jouer la carte de la surprise avec le personnage d’Abby ne fonctionne plus. Donc dans cette optique d’éviter de feindre la surprise avec un événement dont le monde de la pop culture est au courant depuis 5 ans, ils surprennent autrement, quitte à faire rager les 2-3 ayatollah du jeu vidéo puristes qui refusent de comprendre qu’adapter un jeu en série, c’est aussi se le réapproprier.
Puisque j’évoque les surprises, cet épisode 1 va d’ailleurs multiplier les petits changements pour induire le joueur en erreur, lui qui connaît tout par coeur. Quand Ellie est toute seule dans son garage et que quelqu’un frappe à sa porte, on s’attend à ce que ce soit Jesse, comme dans le jeu vidéo, mais non, c’est Dina. Est-ce que ça fausse le propos ? Pas vraiment et il faudra attendre la fin de la saison pour que vous puissiez faire le bilan, car je ne veux pas vous spoiler ce qui se passe après, mais comme la structure de la série n’est pas bâtie de la même manière que la série, certaines scènes, certains moments n’arrivent pas dans l’ordre qu’on l’imagine. Mais on y reviendra.
SUBTILITÉS
Il y a aussi la séquence entre Ellie et Tommy qu’on voit ensemble en train de s’entraîner au sniper, séquence qui existe dans le jeu vidéo, mais qui intervient bien après, lors d’un flashback dans le jeu, alors que c’est intégré dans la timeline classique de la série. On note d’ailleurs que la saison n’est pas la même, puisque dans le jeu, on est en plein été, alors que dans la série, c’est encore l’hiver. En fait, cette séquence de tir au fusil de sniper fait suite au combat dans la grande entre Ellie et un gros gaillard et qui a pour but de montrer qu’elle subit un entraînement intensif pour justifier être prête à affronter le monde extérieur. Ce n’est plus la Ellie un peu frêle du premier épisode, il a pris de l’assurance, de la puissance et surtout de la rage. Rage qui va évidemment se transformer en haine plus tard, on le sait bien.
De même, la scène du bal intervient dès l’épisode 1 alors que dans le jeu vidéo, c’est à la fin de l’arc Abby qu’on la découvre et sur le coup, on peut être surpris voire même choqué que ça arrive aussi rapidement, mais comme je l’ai dit dans ma vidéo des 7 épisodes, il faut juger sur l’ensemble, une fois que vous aurez le spectre global pour comprendre que narrativement ça se tient aussi de procéder à une structure plus linéaire. On est dans une série, pas dans un jeu où l’implication est plus importante. Il est important de développer les personnages, poser les enjeux aussi pour que ce qui arrive derrière devienne plus logique dans cette structure de série télé. Et ça permet aussi du coup de montrer la relation entre Ellie et Joel qui s’est complètement dégradée. Est-ce que ça veut dire que la Saison 2 ne jouera pas sur les flashbacks ? Absolument pas, il y aura des retours en arrière je peux vous le garantir, mais le déroulé en série télé a été étudié pour qu’il ait plus de sens et surtout plus de rythme que celui du jeu vidéo, qui est parfait en jeu vidéo mais qui ne pouvait pas fonctionner en série.
RELATION PÈRE-FILLE
En fait, l’intérêt premier de cet Episode 1, c’est de montrer la tension qui existe entre Ellie et Joel, et cette relation qui s’est dégradée va aussi prendre sens avec l’apparition d’un nouveau personnage qui n’existe pas dans le jeu vidéo, mais qui va avoir un impact important sur la série. Il s’agit du personnage de Gail, jouée par l’actrice Catherine O’Hara, que tout le monde connait pour avoir été la maman de Macaulay Culkin dans les films Maman j’ai raté l’avion. Elle joue donc le rôle d’une psychologue, qui est quelque chose que Neil Druckmann et Haley Gross ont voulu développer pour la série. Pour eux, dans un concept de monde post-apo, c’est un métier qui est important, pouvoir parler du traumatisme de vivre dans ce monde ravagé, et on voit d’ailleurs que dans ce nouveau système, elle est payé non pas avec de l’argent, mais avec d’autres nécessités et en l’occurrence de la beuh, des belles têtes que Joel lui donne. Et ce n’est pas un hasard qu’on introduit de la marijuana, puisque ça va permettre de faire le lien avec un autre personnage, celui de Eugene, qu’on apprend être son mari. Eugene, c’est un personnage qui est dans le jeu vidéo, mais qui est seulement évoqué, qu’on ne voit pas. On aperçoit sa planque, là où il faisait pousser ses plants de marijuana et c’est là que Ellie et Dina auront leur première relation sexuelle.
Sauf que dans la série, et principalement dans cet épisode 1, on apprend que Eugene a été tué par Joel et de manière plutôt sale, puisqu’elle lui en veut toujours. Il a été obligé mais c’est la manière dont ça été fait qui est impardonnable. Et ça, ça permet de retrouver une personnalité très controversée de Joel. On sait que c’est un survivaliste, qu’il n’hésite pas à tuer quand il le faut et ça permet de remettre en contexte des actes qu’il a pu commettre et ainsi montrer que notre héros n’est pas si un héros que ça… Et quand on sait que Eugene est joué par Joe Pantoliano dans la série, je peux vous garantir que sa présence ne sera pas vaine, bien au contraire. Je ne vous dis pas dans quel épisode Eugene apparaît, je vous laisse deviner, mais je peux vous dire que cet épisode est très fort dans les émotions qu’il suscite.
MUSCLE TON RYTHME
Autrement, dans cet épisode 1, on peut s’amuser à noter les subtils changements, comme le cadavre du grand élan qui a été remplacé par un ours. Ça n’en reste pas moins gore, mais ça permet surtout de faire comprendre que les infectés qui ont fait ça sont plus coriaces que les autres, et puis ça permet aussi de faire un sympathique jeu de mot, du moins si vous regardez en VO, c’est le fameux ‘Bearbecue”. En tout cas, ce qui est bien, c’est que dès l’épisode 1, on a une belle séquence avec des infectés et une séquence qui a été particulièrement bien travaillée. Non seulement elle dure 10 bonnes minutes, mais elle permet aussi d’introduire un nouveau typé de zombies, ce sont les Stalkers, ceux qui sont plus intelligents que les autres et qu’on reconnaît aussi par les tiges de champignons qui dépassent de leur visage. Cette scène va aussi permettre à Neil Druckmann et Craig Mazin de fusionner plusieurs scènes qui ont lieu dans le jeu vidéo, car rappelez-vous, quand Ellie et Dina partent en reconnaissance, elles fouillent plusieurs lieux, plusieurs endroits qui durent un certain temps. Là, tout a été regroupé en une seule séquence et ça fonctionne très bien, même si j’aurais bien aimé qu’on profite de cette séquence pour introduire les spores et donc l’usage des masques. On sait que cette Saison 2 marque le retour des spores, mais ça arrivera un peu après, je ne vous dis rien.
Voilà l’analyse qu’on peut en tirer sur ce premier épisode 1, très efficace, qui arrive en 59 minutes à nous remettre sur les rails après la fin de la première saison, de nous montrer l’évolution des personnages, d’introduire de nouveaux de manière très travaillée, de rester fidèle au matériau d’origine, tout en se ré-appropriant certaines choses, comme le timeline et le rythme qui s’adaptent mieux à ce format de série-télé.