Avant de se perdre dans les méandres émotionnels des épisodes 6 et 7, il convient de jeter un œil faux chiffres d'audience. L’épisode 7 de cette Saison 2 – Convergence – a réuni 3,7 millions de téléspectateurs dans les premières 24 heures. Un chiffre solide, mais qui accuse une baisse vertigineuse de 55% par rapport au final de la première saison (8,2 millions). Une chute brutale qui, selon The Wrap, ne trahit pas la qualité de l’épisode, mais plutôt un calendrier hasardeux : une diffusion en plein Memorial Day, jour férié sacré aux États-Unis, dédié à la mémoire des soldats tombés. Un moment de recueillement national, donc pas trop de binge-watching. Lucide, HBO Max parie donc sur un rebond progressif dans la semaine. Et ils ont sans doute raison. Car au-delà de ce reflux conjoncturel, la série reste un monstre d’audience : 90 millions de spectateurs cumulés, avec une moyenne de 37 millions par épisode, c'est effectivement un succès populaire, ce qui explique que la Saison 3 a été confirmée assez rapidement. De quoi faire taire les cris des détracteurs de Bella Ramsey, dont le bruit sur les réseaux sociaux est inversement proportionnel à leur influence réelle. Une minorité vocale, certes, mais numériquement insignifiante. Car dans les faits, The Last of Us a touché bien au-delà des seuls fans du jeu vidéo, devenant un phénomène transgénérationnel. Oui, la Saison 2 a ses failles, ses choix discutables. Mais sur le plan de l’audience, le débat est clos : c’est un succès.
EPISODE 6 : MEILLEUR EPISODE DE LA SAISON 2 ?
Retour en arrière. L’épisode 6, véritable cœur émotionnel de la saison, voit réapparaître Joel, incarné par un Pedro Pascal hanté, brisé, magnifique. Ce n’est pas une pirouette scénaristique pour remonter les audiences – non, c’est une fidélité méthodique à la structure narrative du jeu. Un flashback qui n’essaie pas de tricher, mais qui comble le vide laissé par la mort de Joel dans l’épisode 2. Quelques minutes de présence à l’écran, et pourtant un impact qui transcende le temps. Cet épisode, co-écrit par Halley Gross et mis en scène par Neil Druckmann en personne, est pour beaucoup le sommet artistique de la saison. Un condensé d’émotion brute, de justesse psychologique, et d’une maîtrise narrative rare. L’introduction d’Eugene – interprété par un Joe Pantoliano tout en nuance – enrichit l’univers au-delà des contours du jeu, ajoutant de la chair, du vécu, et une nouvelle facette au personnage de Joel. Il ne s’agit plus d’un simple flashback, mais d’un moment de grâce, mais aussi d’un chant funèbre pour un père perdu et une fille écorchée.
Le récit s’articule autour de trois anniversaires d’Ellie – 15, 16, 17 ans – qui tracent la courbe d’une relation en dents de scie. On y lit l’évolution d’un amour paternel vers l’amertume, la défiance, et l’éloignement. Joel tente de se rapprocher, maladroitement, incapable de gérer les tourments d’une adolescence heurtée par l’apocalypse. Drogue, sexualité, homosexualité : des sujets tabous pour lui, des révoltes nécessaires pour elle. Leur relation, si poignante, se fait miroir de tant de drames familiaux ordinaires. Pedro Pascal incarne un Joel vulnérable, désemparé, confronté à un rôle de père qu’il n’a jamais pu pleinement embrasser avec sa propre fille, Sarah. Et il y a ce papillon. Ce tatouage, ce symbole, cette métaphore vivante d’Ellie. L’espoir qu’il incarne se mue en douleur, en confusion, en malentendu. Il est le fil rouge émotionnel, discret mais omniprésent, de ce drame intérieur.
EUGENE, LE MOMENT DE VÉRITÉ
Mais le climax de cet épisode est sans doute l’introduction du personnage d’Eugene, absent du jeu original mais abordé via sa planque de weed, le lieu où Ellie et Dina auront leur première relation sexuelle dans le jeu. Et bien le fait que Eugene prenne vie, ça apporte une dimension supplémentaire, en traduisant les tensions et illustrant à quel point la violence humaine et les non-dits peuvent empoisonner les relations. Ça permet surtout de mettre la lumière sur la personnalité de Joel, cette maladie de mentir systématiquement à Ellie, non pas pour la trahir, mais pour l’éloigner de certaines vérités pour la préserver. Et oui, comme tout parent, il arrive de mentir à ses enfants pour ne pas les confronter à la violence de notre monde. C’est naturel, c’est humain et c’est parfois nécessaire. Sauf que forcément, quand Joel se fait griller, ça envenime la situation avec Ellie qui se sent trahie une seconde fois et c’est ce qui va justifier sa colère et son rejet envers son père adoptif. Et tout cela va apporter de la consistance au développement des deux personnages, c’est brillant.
EPISODE 7 : SOLIDE, MAIS DÉSÉQUILIBRÉ AUSSI
Concernant l’épisode 7, baptisé 'Convergence', il remplit une grande partie de ces promesses… mais pas toutes. S’il reste globalement puissant et bouleversant, il pèche parfois par excès de prudence et quelques maladresses d’exécution. Et je trouve justement que l’un des passages les plus ratés de cet épisode, c’est le moment où Ellie se retrouve sur l'île des Seraphites, où elle est à deux doigts de se faire éventrer. Cette scène qui est iconique dans le jeu vidéo a fait l’objet d’un changement majeur dans la série, puisque ce n’est pas Abby qui est transportée sur l’autel du sacrifice, mais Ellie. On a donc affaire à un swap de personnage, ce qui sonne comme un non sens, puisqu’il s’agit du sauvetage de Lev et de Yara dans une noirceur absolue. Rappelez-vous le coup de marteau sur le bras de Yara. Je ne capte pas ce choix et Neil Druckmann a expliqué qu’à la base, dans les premiers jets de l’écriture, c’est bien Ellie qui devait affronter les Scars dans cette scène, et puis finalement, ils ont changé pour en faire une scène forte avec Abby. Malgré ces justifications, c’est la plus grande erreur de cet épisode, qui d’ailleurs rushe encore beaucoup trop ses séquences. Certains passages sont expédiés, les personnages se téléportent d’un lieu à un autre, ça va beaucoup trop vite.
Autre défaut : la précipitation des séquences. L’aquarium, Owen, Mel… tout s’enchaîne beaucoup trop vite. Les personnages semblent se téléporter d’un lieu à l’autre, le montage étouffe les respirations narratives, et l’intensité en pâtit. On sent que la série manque parfois de temps pour poser ses enjeux, pour développer ses figures secondaires – ce qui les rend moins percutantes lorsqu’ils disparaissent. Cela dit, certaines séquences marquent au fer rouge. La mort de Mel, notamment. Dans le jeu vidéo, c’est un geste brutal, presque aveugle. Dans la série, c’est un moment d’agonie où Mel, enceinte, supplie qu’on sauve son enfant. Cruauté gratuite ? Peut-être. Mais aussi miroir terrible de la grossesse de Dina, et révélateur de l’impuissance d’Ellie à devenir celle qu’elle voulait être : une protectrice, une mère, une lumière. Elle échoue. Et cet échec la définit. Dans ce tourbillon de violence et de rancœur, Jesse – interprété par Young Mazino – offre une respiration bienvenue. Un personnage qui, dans le jeu, manquait de relief, trouve ici une vraie densité morale. Tendre, rationnel, lucide, il incarne ce que Joel ne peut plus être et ce qu’Ellie refuse de devenir. Leur confrontation autour du sort de Tommy dit tout sur leur divergence éthique. Sa mort n’en est que plus douloureuse.
SAISON 3 : FIN 2026, AU MIEUX
La dernière scène, celle du théâtre, se conclut sur un cliffhanger maîtrisé. Abby fait irruption, fait son discours moralisateur et tire sur Ellie. Rideau. Puis un flashback vient préparer le terrain pour une Saison 3 qu’on devine centrée sur elle. Comme dans le jeu vidéo, la série s’apprête à brouiller les lignes entre bourreau et victime, à déconstruire les récits, à multiplier les points de vue. Dans tous les cas, l'épisode 7 n’est pas le final grandiose qu’on attendait, car trop rapide, parfois confus, et trop sage là où il aurait dû être radical. Pourtant, il sème les graines d’une suite aux enjeux vertigineux. La saison 2 reste néanmoins un tour de force global, et ce dernier épisode, malgré ses défauts, pose les bases solides et prometteuses pour une saison 3 très attendue. Et comme toujours avec The Last of Us, on sera là pour la suite.