Une semaine après la projection presse et l'avant-première mondiale qui s'est tenue à Paris à la Salle Pleyel (redécorée pour l'occasion), beaucoup pensait qu'on aurait droit à des retours positifs, mais contre toute attente, c'est l'inverse qui s'est produit, avec pas mal de critiques mitigées voire même négatives. La presse française fait-elle encore du zèle ? N'a-telle rien compris au film de Ridley Scott ? Les journalistes ont-ils abordé le film sous le mauvais prisme ? Alors qu'est-ce qui est reproché au film ? Tout d'abord l'inexactitude de certains faits, qu'on avait déjà pu voir dans les trailers et qui avait valu l'intervention d'un historien britannique sur TikTok. Sa vidéo était devenue tellement virale que Ridley Scott avait accepté de lui répondre. Oui, dans les premières images de la bande annonce, on voyait l'armée de Napoleon bombarder les pyramides en Egypte, mais aussi Marie-Antoinette être envoyée à la guillotine avec sa grande chevelure, alors qu'on sait que les femmes à qui on tranchait la tête, on leur coupait les cheveux pour que la coupe soit nette avec la lame. Sans compter cette polémique stérile où l'on reproche que Napoleon parle anglais dans le film. Alors oui, effectivement, il y a de quoi être décontenancé les premières minutes du film, et on aurait aimé qu'un cinéaste français contemporain puisse s'emparer d'un projet aussi fou que de dépeindre la vie de Napoleon, mais il faudrait un producteur assez fou pour balancer 200 millions d'euros sur la table, chose qui est moins certaines quand on sait que le flop commercial du Valerian de Luc Besson a faillu coûté la vie à Europa.
VRAIMENT LOIN DE LA VÉRITÉ HISTORIQUE ?
Il a été dénoncé aussi des libertés historiques, et certains historiens parlent d'une interprétation anti-française et pro-britannique. Ces critiques n’ont pas été au goût de Ridley Scott, qui est allé carrément au clash en déclarant que "les Français ne s’aiment même pas eux-mêmes". Il est assez regrettable qu'on parle du film de cette manière, même si cette polémique permet à la péloche de Ridley Scott d'avoir une très grande visibilité dans les médias, parce que dans le fond, si on met ces détails historiques de côté, qui en plus ne sont pas si nombreux que ça in fine, il est impossible de ne pas apprécier le spectacle que nous offre Ridley Scott. Surtout si on aime le cinéma "practical", difficile de ne as sortir comblé par le spectacle proposé. C'est tourné dans des décors naturels, avec parfois plus de 1 600 figurants pour certaines scènes, les batailles évidemment, un peu de CGI (et intégrés de façon très propre), des plans larges, des décors et surtout des costumes incroyables, à tel point que certains plans ressemblent à des tableaux, notamment la scène du sacre de Napoleon, c'est d'une beauté confondante. Vraiment il est compliqué de sortir déçu d'un tel divertissement. Parce que c'est ça que souhaite nous offrir Ridley Scott, de l'entertainment et nous garantir de sortir de la salle comblé par les images qui ont été projetées, tout en proposant sa vision de Napoleon. Le film a une durée de 2h39, c'est long (et encore, c'est devenu la norme en 2023), mais évidemment trop court si on veut traiter de la vie complète d'un tel homme. Si on veut être historique, précis et dans le documentaire, c'est une série de 10/15h qu'il faut coucher évidemment, mais encore faut-il que le public puisse répondre présent, ce qui est loin d'être sûr.
En 2h39, Ridley Scott base son film sur la relation entre Napoléon et Joséphine de Beauharnais, elle qui était précédemment mariée et mère de deux enfants au moment de leur union. Malgré tout, ce sera le grand amour de cet empereur dont l’image du conquérant stratège et infaillible se fissure à son contact. On y découvre un Napoleon complètement amoureux de sa femme, prêt à lui pardonner ses infidélités, jusqu'à même parfois se ridiculiser. On voit un Napoleon faible face à celle, incapable de contrôler ses pulsions sexuelles. Evidemment, cette amour aveuglé va créer aussi une espèce de relation hyper toxique, malvenue de nos jours fin 2023, mais paraitement ancrée dans la société de l'époque. Selon Ridley Scott, c'est en partie en raison de cette relation compliquée que Napoleon avait du mal à accepter dans le privé qui va faire de lui un conquérant et un génie militaire. A défaut de pouvoir conquérir sa femme et être l'empereur cocu, il va dominer le monde. C'est cette dualité imposée par Ridley Scott qui est intéressante, peu importe les libertés prises à l'encontre du personnage, car on y découvre ses failles et sa tyrannie aussi. Il fallait de toutes les façons attaquer le film par un angle précis, car en 2h38, Ridley Scott était contraint de procéder à des raccourcis et/ou des ellipses temporelles.
LE SPECTACLE AVANT TOUT
Du Napoleon de Ridley Scott, on peut dire que c'est un film épique, spectaculaire, somptueux sur la forme, surprenant également, car le cinéaste cherche à bousculer ce qu'on sait déjà de l'empereur de France, quitte à le dénigrer sur le plan privé, mais sans pour autant omettre ce qui a fait sa grandeur. Ce n'est pas la première fois que Ridley Scott fait ça, avec Gladiator notamment, qui avait été aussi un peu malmené par la presse ciné à l'époque, mais dont on connaît la trajectoire incroyable sur le cinéma et la pop culture. Tous les cinéastes s’arrangent parfois avec les événements pour coller à leur vision “cinématographique”. C'est ce que fait Scott, sans non plus aller dans la réécriture du passé. C'est une vision de notre Napoleon, celle de Ridley Scott et très sincèrement, elle est particulièrement réussie.
NOTRE NOTE : 8/10