Il y a des moments où les choses doivent être dites, et chez Marvel Studios, ce moment semble être arrivé. Kevin Feige, d’ordinaire discret et mesuré dans ses sorties publiques, a décidé de se confier, et même de parler franchement, longuement et à cœur ouvert. L’entretien-fleuve accordé à Variety ressemble d'ailleurs à un vrai acte de foi, voire de contrition. Une confession sur ce qui n’a pas marché, ce qui doit changer, et surtout, où va ce MCU que plus personne n’arrivait vraiment à suivre depuis la fin d'Avengers Endgame. Dans une salle de réunion aux airs de QG secret (avec des volets fermés dissimulant les plans des 7 prochaines années de Marvel, si si), Kevin Feige a joué la carte de la transparence. Son message est clair : "On est allés trop loin, trop vite. On a trop produit, beaucoup trop même.” De 2007 à 2019, Marvel avait produit environ 50 heures de contenu, mais depuis Avengers Endgame, c'est plus de 100 heures, en deux fois moins de temps. Une inflation créative qui aurait pu être euphorique si le public avait suivi... Seul hic : il n’a pas suivi, ou du moins, pas jusqu’au bout. Et ce n’est pas une question de "fatigue des super-héros", insiste Kevin Feige. Il cite en exemple le Superman de DC Studios, qui a cartonné avec plus de 400 millions de dollars de recettes mondiales : preuve que le public veut encore des super-pouvoirs à l'écran, à condition qu’on lui serve une vision claire.
MCU : retour à l'essentiel
Mais Marvel a-t-il encore une vision ? C’est précisément ce que le patron de Marvel Studios tente de restaurer. Car le diagnostic est sans appel : entre Disney+ et la pression de produire plus, Marvel s’est dilué. Les films sont devenus des annexes de séries, les séries, des préquelles de films, et au final, un public qui se demande s’il doit réviser pendant 20 heures avant d’aller voir un film. Il est là le coeur du souci. Kevin Feige ne le cache pas : Marvel s’est fait rattraper par la logique industrielle. Pendant des années, ils refusaient de sacrifier la qualité pour la quantité, mais à force d’avoir du “matériel en stock”, ils se sont laissés happer. Résultat ? Une perte de repères, un trop-plein, et une baisse généralisée de l’intérêt. À partir de maintenant, la cadence va sérieusement ralentir, à hauteur de trois films maximum par an, un seul show live-action à la télévision, et surtout, fini l’obligation de tout regarder pour comprendre : on revient à des récits autonomes. Une série sera une série, un film, un film. Feige prend l'exemple de la saison 2 de Daredevil Born Again, qui ne sera absolument pas impactée par les événements de Thunderbolts**, même si Manhattan s’est retrouvée plongée dans une ombre dépressive. Non, les deux vivront leur vie, chacun dans leur coin. Un soulagement, on ne va pas se mentir.
Kang, c’est fini. Place à Doctor Doom (et Robert Downey Jr.)
C’était le secret le moins bien gardé de la galaxie : après l’éviction de Jonathan Majors suite à sa condamnation, Kang le Conquérant a été rayé de la carte. Mais ce qu’on apprend dans cet entretien mené par Variety, c’est que Marvel avait déjà des doutes avant même Ant-Man 3 Quantumania. Le personnage incarné par Jonathan Majors ne tenait pas la comparaison avec Thanos, il manquait de consistance, d’envergure. C'est là que l'idée de faire intervenir Doctor Doom sous les traits de Robert Downey Jr est arrivée. Une idée que Feige avait déjà commencé à évoquer avec l’acteur avant la sortie d’Ant-Man 3 il tient à le rappeler. Pour lui, ce n’est pas juste un casting choc, c’est un symbole, c'est la boucle qui se referme, ou qui se réinvente.
Le nerf de la guerre ? Le budget
Autre changement stratégique : les budgets sont revus à la baisse. Après des années à aligner les films à 200 voire 250 millions de dollars, Marvel a décidé de couper d’un tiers. Des films comme Deadpool & Wolverine ou Les 4 Fantastiques coûtent beaucoup moins cher. Kevin Feige va même jusqu’à dire qu’il a rencontré Gareth Edwards les équipes de The Creator, tourné pour 80 millions, pour comprendre leur méthode. Ce n’est plus le clinquant qui fait foi, mais l’efficacité. Fini les tournages à rallonge, les scripts constamment réécrits en plein tournage (même si ça continuera un peu, on est chez Marvel après tout). Fini aussi les projets qui dorment dans les tiroirs pendant un an, comme Ironheart ou Wonder Man, qui arriveront très tard par rapport à leur production initiale. “Je n’aime pas quand ça reste sur une étagère”, admet Feige.
Et les nouveaux super-héros dans tout ça ?
La question de la diversité, qui a structuré une bonne partie de la phase 4 (avec Black Panther, Captain Marvel, Shang-Chi, Ms. Marvel, etc.), revient sur la table. Que vont devenir ces personnages dans un MCU qui se resserre ? Kevin Feige reste droit dans ses bottes : Marvel a toujours représenté “le monde à l’extérieur de votre fenêtre”, bien avant que “woke” ou “DEI” ne deviennent des buzzwords. Mais il reste flou sur leur avenir. Spider-Man Miles Morales ? Ce n’est vraiment pas pour tout de suite : Sony détient les droits, et a demandé à Marvel de ne pas y toucher tant que leur trilogie animée n’est pas terminée. Charlize Theron (Clea), Harry Styles (Starfox), Brett Goldstein (Hercules) ? Peut-être, peut-être pas. Feige répond par une pirouette : “Vous voulez vraiment les revoir ?” Avant de rappeler que certains personnages très secondaires, comme celui de Tim Blake Nelson dans L’Incroyable Hulk (2008), sont bien revenus. Donc tout est possible. Un jour qui sait.
Les 4 Fantastiques : la nouvelle pierre angulaire
Les 4 Fantastiques Premiers Pas, c’est le gros projet de 2025. Kevin Feige y croit dur comme fer, il le présente comme une vraie porte d’entrée vers un nouveau MCU. Un film isolé, sans lien avec ce qui a été fait avant, aucun devoir de rattrapage, et une esthétique rétro-futuriste qui promet un vrai vent frais. “Ils méritent d’être en A-list”, dit-il, en référence à cette famille maltraitée par les adaptations précédentes. Et pour les fans hardcore, un petit clin d’œil : les acteurs du film Fantastic Four de 1994, jamais sorti officiellement, auront un caméo.
Et Kevin Feige, dans tout ça ?
Lui, il reste... pour l’instant. Il évoque la succession comme un sujet récurrent chez Disney, mais se voit encore faire des “films pour le grand public” dans 10 ou 15 ans. “C’est tout ce que je veux faire.” En attendant, il regarde des classiques hollywoodiens des années 30 et 40 tous les soirs. Pas par nostalgie, mais pour se rappeler ce qu’est le vrai cinéma populaire. Et dans une époque où le blockbuster doute de lui-même, où l’univers partagé semble montrer ses limites, peut-être que ce retour aux fondamentaux est la meilleure décision qu’il pouvait prendre. Kevin Feige vient de faire ce que beaucoup attendaient depuis longtemps : un reset sans faire table rase. Il garde l’univers, mais change l’approche, il garde l’ambition, mais avec moins de frime. Le plan est clair : recentrer Marvel sur des récits solides, mieux produits, mieux pensés, et surtout, plus accessibles. Et si Robert Downey Jr. en Docteur Fatalis ne vous excite pas, on ne peut plus rien pour vous.