Depuis son annonce, Donkey Kong Bananza a beaucoup fait parler de lui, en particulier sur l’identité du studio aux commandes. C’est désormais officiel depuis quelques semaines : le développement a bien été confié à la même équipe que celle derrière Super Mario Odyssey en 2017. Un gage de sérieux et surtout une preuve que Nintendo voulait offrir au célèbre gorille une vraie entrée dans l’ère de la 3D moderne, avec un niveau d’ambition comparable à celui déployé pour Mario. L’objectif est clair : repositionner Donkey Kong comme une figure centrale de l’écosystème Nintendo, au-delà de son rôle de sidekick dans d’autres licences. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si un film d’animation centré sur le personnage a été officialisé récemment. Du côté de Kyoto, on sent une volonté de réinvention, voire de relance stratégique. Bananza marque ainsi une étape importante dans cette démarche. À l’image de ce que Nintendo a fait avec Mario, la série Donkey Kong semble désormais destinée à se déployer sur deux axes bien distincts : d’un côté la 2D traditionnelle, de l’autre une approche 3D plus ambitieuse, plus ouverte, et surtout plus contemporaine.
UN DK SIOU PLAIT
Et pour redéfinir Donkey Kong en 2025, les équipes sont allées voir Shigeru Miyamoto, son créateur, qui a rappelé les caractéristiques fondamentales du personnage, à savoir sa force physique, son corps massif, et sa gestuelle puissante avec ses claques, son souffle et ses frappes qui rappellent d’ailleurs un certain Hulk et son fameux Hulk Smash, repris dans ce Donkey Kong Bananza. Mais les développeurs vont arriver avec une idée géniale, déjà-vu par le passé, mais qui va être poussée à fond : la destruction totale des environnements. C’est le coeur du jeu, et c’est évidemment une trouvaille qui rappelle l’âge d’or d’un Red Faction, le fun en plus. Chaque mur, chaque sol, chaque falaise peut être réduit en miettes à coups de poings, de roulades ou de transformations bien senties. C’est plus qu’un gimmick : c’est le moteur du level design, qui pousse à l’exploration, au bidouillage et à la créativité. On creuse, on traverse, on surfe même sur des morceaux de décor arrachés à la main. Mais derrière cette impression de liberté totale, Nintendo garde toujours la main, puisque chaque raccourci “découvert” est en réalité un chemin pensé par les devs. Une espèce de faux chaos, parfaitement maîtrisé mais du vrai plaisir néanmoins. Enfin dans les premières heures du jeu, je m’explique, bougez pas.
Car lorsqu’on démarre l’aventure, on passe littéralement son temps à tout détruire, à tout creuser, à tel point que parfois, on oublie d’avancer dans l’histoire. Mais ce n’est pas grave, puisque Donkey Kong Bananza est aussi un jeu qui vous demande de profiter de ces éléments destructibles, étant donné que les prochains points d’intérêt peuvent être fait dans l’ordre que vous voulez. Alors attention, il ne s’agit pas pour autant d’un jeu open world, mais plutôt de zones ouvertes, un peu comme l’a été Super Mario Odyssey en 2017. Et il y a un certain parallèle à faire entre les deux jeux, puisque si l’un nous demandait de nous envoler pour l’espace, l’autre nous demande de nous enfoncer dans la croûte terrestre, avec là encore cette frénésie qui nous pousse à tout casser, tout creuser, les meilleurs trésors étant évidemment dans le sol. Ça rappelle un peu la surabondance de lunes que Super Mario Odyssey nous avait proposé à l’époque, un défaut qu’on avait souligné dans notre test de l’époque et qu’on retrouve également ici, puisque cette fois-ci, c’est la frénésie des bananes et des items cachés qui va nous pousser à tout fracasser, parce qu’à la clef, il y a ces costumes à débloquer pour DK et Pauline. Les bananes permettent de débloquer des compétences, les fossiles servent de monnaie d’échange pour obtenir de nouvelles tenues, les coffres regorgent d’or, de bonus de santé et de cartes pour localiser des trésors cachés, et les disques vinyles vous donnent accès à de la musique qu’il est possible d’écouter dans les refuges qu’on peut bâtir un peu partout dans les niveaux. Ouais, les refuges de Donkey Kong Bananza ressemblent beaucoup aux campements de Stellar Blade. Ouais, je sais le parallèle est dingue !
Alors bien sûr, plus on va avancer dans le jeu et moins cette envie de tout exploser va se dissiper sur les 15h nécessaires pour finir l’aventure, mais creuser restera tout de même votre centre d’intérêt premier, d’autant que le moteur 3D ne bronche quasiment jamais quand tout explose sous la force des points de DK, ce qui ne sera pas le cas face à certains boss, où la Nintendo Switch 2 va tirer la langue, avec des chutes de frame-rate assez importantes, alors qu’il n’y a pas forcément grand-chose à afficher. De même, lorsqu’on consulte la map, le jeu se met là aussi à ramer. Console en sous-régime, ou mauvaise optimisation des développeurs ? La question mérite d’être posée à Nintendo.
HEY BANANZA !
Au-delà de sa techno de destruction basée sur des Voxels, Donkey Kong Bananza joue aussi avec les propriétés uniques des matériaux : pierre, bois, sable, boue, lianes inflammables, minerais explosifs, gelée collante, caoutchouc, nuage, ou bien encore arc-en-ciel anti-gravité, tous ont leur utilité et s’attirent ou s’annulent entre eux. Ces propriétés deviennent même la base des énigmes, de l’exploration et même des combats. Ici, vous allez devoir chercher à déclencher des chaînes de destruction aussi ingénieuses qu’efficaces, en utilisant les propriétés organiques de chaque élément. Rien de nouveau évidemment, Nintendo a déjà fait usage des éléments dans d’autres de ses jeux, mais Donkey Kong Bananza pousse souvent les choses plus loin et nous laisse même expérimenter des solutions créatives qui ne semblaient même pas prévues au départ.
L’autre grande particularité du gameplay de Donkey Kong Bananza, c’est les différentes transformations temporaires déclenchées par la voix de Pauline. Grâce à ses chants, Donkey Kong peut se transformer en super gorille, sans doute inspiré de Goku en Super Saiyajin 4, en zèbre, en autruche, en serpent et même en éléphant. Chaque forme dispose de ses propres capacités spéciales uniques. Le super gorille permet de frapper plus fort, l’autruche permet de voler et de balancer des oeufs explosifs, le zèbre permet de marcher sur toutes les surfaces sans être ralenti, on peut même carrément marcher sur l’eau, le serpent permet de faire des bonds énormes et de ralentir le temps, tandis que l’éléphant musculeux permet de tout aspirer facilement et de recracher le tout sous forme de projectile. Sur le papier, l’idée est brillante, et dans certains niveaux, elle est pleinement exploitée, puisque ces formes ouvrent de nouveaux chemins, donnent accès à des raccourcis ou permettent de résoudre des puzzles. Mais leur utilité reste en réalité assez inégale, puisqu’environ un tiers d’entre elles sont sous-utilisées, parfois limitées à une seule zone. Pire, on peut même passer par d’autres subterfuges pour carrément skipper les transformations. Au lieu d’un système de type Metroidvania, on obtient une légère segmentation où les transformations sont davantage vues comme un bonus de l’instant plutôt qu’un véritable pilier du gameplay. C’est dommage, car elles ont clairement plus de potentiel, même si certaines se révèlent bien plus puissantes voire déséquilibrées par rapport aux autres.
UN JEU QUI REND KONG
Et le pire dans tout ça, c’est que chaque transformation dispose d’un arbre de compétences, qui permet d’augmenter la puissance, la portée, la durée ou de débloquer d’autres performances, mais en réalité, on peut parfaitement ne pas les utiliser, le jeu n’étant jamais punitif. D’ailleurs, tout le côté light-RPG ne sert pas à grand-chose en réalité. On peut effectivement augmenter le nombre de cœurs, la force de DK, et d’autres compétences, mais on peut parfaitement terminer le jeu sans jamais augmenter quoi que ce soit. Le nombre de cœurs par exemple ? A quoi bon, puisque le jeu est d’une facilité déconcertante et ne présente aucun challenge, le pire étant les boss qui peuvent être battus en moins d’une minute ? Et puis, le jeu nous donne accès à tellement de cœurs supplémentaires en allant piquer un somme qu’il est inutile de se casser la tête avec l’arbre de compétences. Pareil, pourquoi se faire chier à développer le surf sur pierre dès lors qu’on a débloqué la transformation zèbre qui permet littéralement de marcher sur l’eau et de courir sur toutes les surfaces ? Zéro intérêt. Et c’est ça dans tout le jeu, chaque évolution de compétence rentre en conflit avec le reste du jeu, comme si Nintendo avait peur que son cœur de cible, les très jeunes enfants, ne puissent pas s’y retrouver ? Sérieusement, il va falloir faire confiance aux joueurs, même les plus jaunes, parce que même ma fille de 10 ans a roulé sur le jeu tellement c’était simple…
Et en réalité, Donkey Kong Bananza a un autre problème, bien plus important en fait, et qui a un peu gâché mon expérience, c’est son rythme, et la façon dont le jeu va faire progresser le joueur. Pour un enfant de moins de 12 ans, c’est moins problématique, il est jeune, il découvre la vie, pour des adultes comme nous qui connaissons les jeux Nintendo par coeur, il y a un manque de renouvellement flagrant et s’installe alors une certaine forme de lassitude. Parce que si le gameplay sur le papier sonne comme un banger, très rapidement, on s’aperçoit que le jeu a du mal à renouveler et surtout qu’il s’embourbe dans un trop-plein de choses. Et à vouloir trop en faire, Donkey Kong Bananza finit par fatiguer. Le jeu est généreux, oui, mais peut-être un peu trop ? L’action est permanente, la destruction permanentes au point où l’on est constamment sollicités. Même les rares séquences plus posées sont vite balayées par un nouveau bruit de débris ou une alerte sonore façon “Hé, t’as oublié ce coffre-là !”. Résultat : au bout de dix heures, la formule commence à ronronner et surtout le level design est nettement moins inventif que les autres productions Nintendo. Forcément, avec ce principe de décors qu’on peut creuser, il fallait penser les choses autrement, mais force est de constater que c’est moins inventif. Mais le pire dans tout ça, c’est l’ambiance générale. Vu que DK et Pauline s’enfoncent dans la croûte terrestre, on va se farcir des quantités astronomiques de décors très rocheux, très sombres aussi, où l’on a du mal à respirer. Il y a bien quelques moments où l’on va se retrouver au soleil, sur des îles dépaysantes, mais scénaristiquement, rien n’est justifié. Pourquoi creuse-t-on plus profondément sous terre et qu’on se retrouve dans un monde ensoleillé, avec un ciel, des fruits et des nuages ? On sent que Nintendo savait que les décors claustro allaient ennuyer le joueur et qu’il fallait le faire souffler, peu importe les justifications.
Concernant la technique, DK Bananza n’est pas un jeu qui vous prouvera qu’on est passé sur une nouvelle génération de consoles. Alors oui, le jeu tourne plutôt bien en 60 images par seconde, malgré la tonne de choses qu’on peut exploser et clairement la première Switch n’aurait pas pu gérer de telles choses à l’écran, mais la Nintendo Switch 2 va quand même tirer la langue sur certains passages, notamment contre les boss et en ouvrant la map. C’est assez incompréhensible d’ailleurs. Quant aux graphismes, c’est très coloré, c’est très séduisant aussi, on apprécie le pelage de DK qui bouge de partout, mais clairement, on est encore sur des modèles 3D et des environnements très cubiques. De même, certaines textures manquent de détails et même si de loin, ça fait le job, de près, ça se voit que le développement a commencé sur Nintendo Switch 1. Rien de grave, mais on n’a pas la sensation d’être passé sur une nouvelle génération de consoles. Enfin, côté musiques, là aussi, on s’attendait à mieux de la part de Nintendo. Hormis les moments où DK se transforme, les musiques ne sont guère emblématiques, rien n’est vraiment impactant. Et quant au mode coopératif où un deuxième joueur prend le contrôle de Pauline, c’est tellement anecdotique que ce n’était pas la peine de mettre cette option dans le jeu…