Véritable institution du jeu familial convivial qui traverse les générations depuis plus de deux décennies, Mario Kart a cependant toujours recycler sa formule sans que cela ne gêne personne. Mais comme chacun sait, se reposer sur ses lauriers, ça ne suffit pas pour rester le numero uno, et avec avec Mario Kart World, Nintendo opère un virage audacieux en misant sur une formule en monde ouvert, empruntant clairement des idées à des jeux comme Forza Horizon, pour proposer une expérience plus étendue, plus organique et résolument plus immersive. Pour relever ce défi, la firme s’est associée à Monolith Soft, un studio expert en matière de mondes ouverts, notamment reconnu pour son travail sur Xenoblade Chronicles. Une collaboration qui va porter ses fruits, puisque Mario Kart World va apporter un oeil neuf à la course de kartings. Mario Kart World intègre donc un open world où les circuits ne sont plus des niveaux cloisonnés, mais des parties intégrées dans un vaste environnement cohérent. On peut explorer librement, découvrir des secrets, des raccourcis cachés, des défis disséminés un peu partout et tenter de gagner en skill pour réaliser des cascades, grinder sur des rails, et même tenter les courses murales qui apportent une dimension acrobatique et technique inédite. La world map est habitée par de nombreux véhicules, des PNJ aussi, quelques animaux et d'autres éléments qui donnent une impression de vie constante. On prend plaisir à se balader, à se perdre dans les paysages, à observer la nature et les décors changeants.
UN OPEN WORLD DÉCEVANT
Pourtant, cette liberté va rapidement montrer ses limites, en particulier le mode balade qui déçoit par son exécution, alors qu'il est censé incarner le cœur même de l’expérience open world. On dirait même que Nintendo a lancé son jeu avec un brouillon de son monde ouvert, attendant de prochaines mises à jour pour combler le manque d'intérêt. Nintendo semble d’ailleurs tellement frileux vis-à-vis de cet hub interconnecté qu'il est relégué à une petite option presque invisible dans le menu principal. Il est évident que les courses restent la priorité absolue pour Nintendo, et que le monde ouvert, bien qu’intéressant, est encore traité comme une expérimentation à peaufiner. Le mode balade propose cependant plusieurs intérêts : découvrir les différents biomes, commencer à retenir les tracés, repérer les raccourcis qu’il est impossible d’appréhender en pleine course, etc. D'autre part, on peut aussi débloquer rapidement l'ensemble des costumes et des nouveaux véhicules en récupérant la nourriture et les pièces jaunes nécessaires. Enfin, sachez que le mode 'balade' permet aussi de relever des défis dispersés sous la forme de blocs bleus à percuter, avec des épreuves plus ou moins difficiles. En récompense, on obtient des stickers à apposer sur son kart, ce qui reste évidemment très léger.
Même si le monde ouvert peut laisser sur sa faim, il constitue toutefois une excellente fondation pour accueillir de futures mises à jour, voire des événements prochains, on compte sur Nintendo. Cela dit, l’essence même de Mario Kart World, comme toujours, ce sont les courses ! Et sur ce point, le jeu tient largement ses promesses, avec une trentaine de circuits à explorer, plusieurs approches possibles, et même la possibilité de courir d’un tracé à un autre, grâce à leur interconnexion, il y a de quoi faire. Heureusement, Nintendo n’a pas perdu son mojo en matière de level design pur. Les nouvelles courses sont d’une richesse folle, multipliant les embranchements, raccourcis tordus, et pièges malins. La mécanique de saut à la volée, qui nécessite de ne pas toucher au joystick tout en tenant la gâchette de drift, est un cauchemar les premières heures, surtout pour les vétérans qui se réapprennent à piloter, mais une fois maîtrisée, elle transforme le gameplay en un ballet aérien haletant, où l’on grind les rambardes comme un Tony Hawk en salopette rouge. Les tracés semblent pensés pour 24 joueurs avec des zones de dispersion bienvenues, qui évitent l’effet entonnoir trop fréquent dans les anciens opus. Oui, le chaos est toujours là, et c’est très bien comme ça, mais il est plus dilué, mieux réparti. Dommage en revanche que certaines portions de circuits se contentent de longues lignes droites stériles, comme si le jeu soufflait entre deux envolées.
MAIS DES COURSES DANTESQUES
Le mode ‘Course VS’ illustre parfaitement cette innovation. Après le choix traditionnel du personnage, du véhicule et de la catégorie, le joueur peut désormais choisir entre des courses sur circuits classiques en boucle ou, nouveauté, une option ‘Au choix’ permettant de sélectionner librement un tracé sur la carte. Concrètement, on part d’un point de départ choisi sur la carte, comme Chutes Cheep Cheep, puis on détermine un circuit d’arrivée parmi une multitude d’options : Gouffre Pissenlit, Pic de l’Observatoire, Alpes DK, Galion de Wario, Cité Fleur de Sel, et bien d’autres encore. Chaque combinaison génère un parcours unique, combinant les environnements et thématiques, du monde urbain au japonisant, en passant par la savane africaine ou la jungle luxuriante, jusqu’à des circuits flottants dans les nuages. Cette diversité empêche toute monotonie, rendant chaque course singulière et renouvelée. La dynamique est renforcée par un cycle jour-nuit et une météo changeante, qui modifient l’ambiance visuelle et le ressenti des courses, parfois de manière drastique, avec des phénomènes climatiques déclenchés spontanément ou via des objets en jeu.
Par ailleurs, le mode Knock Out (Survie en VF) s’impose comme une autre grande innovation, transformant Mario Kart World en une sorte de Battle Royale du karting. Ici, la tension est constante : les courses marathon successives éliminent à chaque étape les moins bien classés, jusqu’à ce qu’il ne reste qu’un vainqueur. En plus des adversaires classiques, divers dangers tels que des véhicules lanceurs de Bill Balles ou les frères Marto viennent semer le chaos et complexifier la course. Ces rallyes thématiques — turbo, glace, lune, épines, cerises, gland, nuage, cœur — sont composés de six circuits chacun, offrant une variété de défis intenses et ludiques, particulièrement en multijoueur où le choix des rallyes dépend du vote des participants. Cette mécanique apporte un vent de fraîcheur et une montée en adrénaline bienvenue. Le rythme est également relevé grâce à un système qui remet rapidement le joueur sur la piste après une chute ou une erreur, garantissant des arrivées souvent serrées et des courses hautement dynamiques. Quant à la fonction ‘Rembobiner’, elle permet de faire revenir quelques secondes en arrière pour corriger une erreur, mais très sincèrement, qui l'utilise en plein Grand Prix ? C'est surtout un ajout qui pourra servir en solo et pour les moins expérimentés, mais reste peu utilisée en multijoueur où la pénalité est immédiate.
À l’inverse de l’élan d’innovation qu'on trouve dans l’ensemble du jeu, le mode Bataille, pourtant pilier historique de la série, semble avoir été laissé de côté, au point où il paraît presque accessoire. Les arènes disponibles se révèlent peu nombreuses, peu travaillées, et donnent l’impression d’être de simples extraits recyclés de la carte principale. Quant aux variantes proposées, elles se limitent à deux formules classiques : la Bataille de Ballons et la Chasse aux Pièces, sans la moindre tentative de renouvellement ou de réinvention. Pire, les maps proposées étant bien trop vastes, le rythme est aussitôt cassé et on passe plus de temps à chercher ses adversaires qu’à s’affronter. Un vrai contraste avec l’ambition générale du titre. Fort heureusement, Mario Kart World s’impose sans peine comme une référence du jeu de course arcade, fidèle à l’héritage de la licence. Les joueurs retrouveront les traditionnels Grands Prix déclinés en 50cc, 100cc et 150cc, les Contre-la-montre enrichis des fantômes des développeurs, les courses libres, ainsi qu’un mode Miroire à débloquer après de moult efforts. On regrettera toutefois l’absence notable du mode 200cc au lancement, un manque qui pourra décevoir les adeptes de sensations fortes et de pilotage à haute intensité, mais on imagine que Nintendo a prévu cet ajout dans un second temps.
Si la personnalisation poussée a été volontairement écartée au profit d’une approche plus immédiate — les stickers faisant office d’unique fantaisie esthétique —, les statistiques restent bel et bien actives et influencent les performances en course. L’équilibrage général est satisfaisant, même si l’on remarque déjà quelques déséquilibres légers en ligne, avec un ou deux bolides qui tirent clairement leur épingle du jeu. Cela étant dit, l’ensemble demeure riche, fun, et redoutablement efficace, entre un monde ouvert vaste et varié, un mode Survie qui ajoute une tension nouvelle à l’expérience, et un socle de gameplay toujours aussi solide, difficile de ne pas bouder son plaisir, surtout quand les enfants sont de la partie. C'est là qu'on voit toute la force de Mario Kart.