11 ans. Onze longues années que les fans de karting sauce carapaces et bananes attendaient un nouvel opus de Mario Kart. C’est désormais chose faite puisque Mario Kart World va débarquer le 5 juin 2025, en même temps que la Nintendo Switch 2, et Nintendo a prévu de gros changements qui ont été abordés dans une interview fleuve, faisant intervenir de nombreux développeurs. Je viens de passer 3h à lire et à condenser ces nouvelles informations. Rien que pour vous.
Les intervenants
Kosuke Yabuki : Producteur, vétéran de la série depuis Mario Kart Wii.
Kenta Sato : Directeur de la programmation, également impliqué dans Wii Sports et ARMS.
Masaaki Ishikawa : Directeur artistique, a travaillé sur Mario Kart DS, 7, 8 et ARMS.
Shintaro Jikumaru : Responsable du planning et du gameplay.
Atsuko Asahi : Directrice de la musique, aussi connue pour Super Mario Maker 2 et ARMS.
Chapitre 1 – Passer au niveau supérieur
Le concept de monde connecté est né dès 2017, avec une volonté claire de changer la formule classique des circuits isolés.
L’idée de relier les circuits dans un environnement continu, avec transitions météo et cycle jour/nuit, a transformé l’expérience.
Le nom “Mario Kart World” souligne cette rupture avec le passé.
Chapitre 2 – Une impression durable
Le développement s’est révélé complexe :
Les circuits ne sont plus indépendants.
Nécessité de conserver le fun et l’accessibilité de la série.
Objectif de faire cohabiter un gameplay simple avec un monde ouvert.
Les outils techniques et artistiques ont été entièrement reconstruits.
Nouvelle direction artistique : moins futuriste, plus enjouée, inspirée de Super Mario Kart (Super Nintendo).
Ambiance sonore également repensée : sons dynamiques, plus d'instruments live, thème principal à l’harmonica.
Chapitre 3 – Un monde interconnecté
Tous les circuits sont désormais reliés physiquement entre eux, les joueurs peuvent rouler librement entre les zones.
Nouveau mode “balade” sans compétition, favorisant l’exploration.
Conception sonore repensée pour s’adapter dynamiquement à l'environnement.
Chapitre 4 – Une nouvelle génération de Mario Kart
Jusqu’à 24 joueurs simultanés (contre 12 auparavant), pour remplir le monde et accentuer les interactions.
Cela a nécessité d’importantes optimisations techniques.
Difficile équilibre entre qualité graphique, fluidité (60 ips) et compatibilité avec la console.
Les limitations techniques de la Switch ont poussé l’équipe à envisager un report sur Nintendo Switch 2, ce qui a été une opportunité libératrice pour réaliser pleinement leur vision.
Kosuke Yabuki, producteur emblématique de la série depuis Mario Kart Wii, donne le ton dès les premières minutes : « Si on voulait juste ajouter des circuits, on aurait fait Mario Kart 9. Là, on change de paradigme. » Voilà pourquoi le jeu abandonne la numérotation pour adopter un titre à la hauteur de l’ambition : Mario Kart World. Un monde connecté, où chaque circuit s’intègre dans une carte globale, avec routes, itinéraires et météo dynamique. On apprend d'ailleurs que le développement a commencé dès mars 2017 sur la première Nintendo Switch, en parallèle du succès de Mario Kart 8 Deluxe, et la volonté était claire : ne plus simplement empiler du contenu, mais changer la structure du jeu.
Puis, tout bascule en 2020. Alors que la Switch cartonne encore, M. Yabuki (producteur de longue date de la série) évoque timidement l’idée de développer le prochain Mario Kart sur la Switch 2. À l’époque, l’équipe n’a que des estimations techniques à se mettre sous la dent. "On a dû faire preuve d’imagination", confie Sato, producteur. L’équipe avance donc à tâtons, sans kit de développement, rêvant de grands espaces et de 60fps constants. Mais une fois les premiers kits en main, tout a changé. "Nous avons compris que nous pouvions exprimer notre vision bien au-delà de ce que nous espérions." La Switch 2 ne représente pas juste un boost de puissance ; elle devient le carburant de leur ambition. Graphismes enrichis, distances d’affichage élargies, effets météo dynamiques, tout ce qui aurait fait tousser la Switch standard devient désormais possible.
Le cycle jour/nuit et les changements climatiques n’étaient pas dans le cahier des charges initial. Trop lourd. Trop risqué. Trop long. Et pourtant, l’équipe a fini par craquer. "C’était trop tentant. Il fallait qu’on trouve un moyen de l’intégrer." Résultat : une journée dure 24 minutes, avec des moments clés soigneusement chorégraphiés. Le ciel change, les ombres s’étirent, la pluie s’abat sans prévenir – parfois provoquée par l’objet Éclair, pour rajouter au chaos visuel et stratégique. Yabuki confirme : "On ne cherche pas la cohérence réaliste. On cherche le fun."
Un monde interconnecté aux possibilités étendues
L'équipe évoque ensuite l’ambition d’un monde vaste, diversifié et interconnecté, et les conséquences directes que cela a eues sur le développement du jeu. Il ne s'agissait pas simplement de concevoir des circuits : c’est tout un univers vivant qu’ils ont voulu construire. Ishikawa explique que, dès le départ, les concepteurs ont voulu aller au-delà de la simple course. Le thème d’un « monde immense » les a inspirés à imaginer des scènes de vie, de gastronomie, de costumes régionaux, et même de personnages en train de manger. « Nous avons conçu les tenues et les véhicules comme un ensemble et créé ces dessins de style posters », dit-il. Ces croquis ont permis d’ancrer chaque région dans un imaginaire visuel cohérent. Le résultat ? Un monde où l’on mange autant qu’on conduit.
La nourriture comme moteur de gameplay (et de transformation)
Dès les premières étapes du projet, la nourriture s’est imposée comme un thème central. On y trouve des plats inspirés de chaque région du monde, vendus dans les drive-ins fictifs appelés « Yoshi's », présents un peu partout sur la carte. Ces lieux sont thématisés selon leur environnement : par exemple, un Yoshi’s dans une région volcanique aura l’aspect d’un volcan et proposera une soupe fumante inspirée de Bowser. Mais au-delà de leur charme visuel, ces plats ont un rôle dans le gameplay. Jikumaru confie qu’à un moment, l’équipe a même songé à supprimer cet aspect culinaire. Cela impliquait trop d’éléments additionnels : vendeurs, lieux spécifiques, animations, mais l’idée lui tenait à cœur. Deux ans après l’avoir imaginée, il a relancé le sujet en créant un simple modèle de hamburger. Voyant l’enthousiasme de l’équipe, les concepteurs se sont alors mis à décliner toutes sortes de plats.
Pour permettre cette liberté, les véhicules eux-mêmes ont été repensés. En plus des karts classiques, on trouve maintenant des véhicules du quotidien, conçus pour traverser toutes sortes de terrains. Ishikawa explique : « Le kart standard est un peu plus haut dans ce jeu, et nous avons ajouté un mouvement de suspension pour qu’à la conduite, les pneus bougent selon le terrain. ». Ce souci du détail s’étend même aux environnements aquatiques, puisqu'on peut désormais conduire sur l’eau. Les programmeurs ont mis au point un système de vagues dynamiques : elles réagissent aux chocs, créent des effets visuels et influencent la physique du jeu. Certains ennemis peuvent même générer des vagues pour gêner les joueurs, qui peuvent alors sauter dessus pour prendre de l’élan. Jikumaru a particulièrement insisté pour que la crête des vagues soit visible, ce qui a donné lieu à de nombreux échanges avec les programmeurs pour ajouter une écume blanche réaliste. Le résultat est une jouabilité plus lisible et agréable.
Quand les PNJ deviennent des pilotes
Parmi les ajouts les plus inattendus : la Vache, autrefois simple obstacle sur les circuits, est devenu un personnage jouable. Ce choix a émergé naturellement après qu’un designer a réalisé un croquis de la Vache au volant, dans un décor de ranch. L’équipe a été séduite, et a décidé d’explorer cette voie : Cheep Cheep, Pokey, et d’autres anciens obstacles deviennent eux aussi pilotes. Yabuki précise : « C'est assez rigolo de voir Vache, un quadrupède, tenir le guidon de la moto avec ses sabots avant. »
Ces personnages, appelés « pilotes PNJ » dans l'équipe de développement, ouvrent des possibilités inédites. Par exemple, l’objet Kamek peut temporairement transformer les autres pilotes en PNJ jouables au cours d'une course, entraînant des scènes inattendues, comme tout le monde transformé en Vache. Mais cela a aussi représenté un défi pour la conception des voix et des sons. Asahi explique que les doublages de ces personnages inhabituels ont nécessité un vrai travail d’équilibrage pour les rendre aussi expressifs que les personnages classiques.
Le fun avant tout
Au-delà des ambitions visuelles et structurelles, il fallait garder l’ADN Mario Kart : fun, accessible, mais aussi technique pour les compétiteurs. Shintaro Jikumaru, en charge du gameplay, a veillé à ce que même les nouveaux venus puissent s’amuser sans maîtriser les nouveautés comme la conduite sur parois ou la glisse sur rail. Les commandes restent simples, l’esprit est là : tout le monde peut jouer, mais seuls les meilleurs gagneront. Et c’est là que la Switch 2 entre en scène. Car sans elle, impossible d’imaginer ce que ce jeu propose. Lorsque les limites techniques de la Switch première du nom commençaient à coincer, Nintendo a décidé de basculer le développement vers sa future machine, ce qui a libéré l’équipe et permis de garder les 60fps, les 24 joueurs, la map gigantesque, sans rien sacrifier. Bref, tous les voyants sont au vert pour que Mario Kart World devienne la nouvelle référence du jeu kart et des soirées folles qui ne se finissent pas. Rendez-vous le 5 juin prochain pour le verdict final.