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Une bataille après l'autre : c'est bien l'immense film qu'il prétend être (Critique)

Une bataille après l'autre : c'est bien l'immense film qu'il prétend être (Criti
En assistant à la projection presse de Une Bataille après l’autre la semaine dernière, je ne m’attendais nullement à en ressortir aussi profondément secoué. Secoué par une mise en scène d’une maîtrise exceptionnelle, par des performances d’acteurs d’une intensité rare, et par un récit à la fois profondément sociétal et intimiste, capable de captiver le spectateur pendant deux heures quarante sans jamais faiblir. Je savais, bien entendu, qu’il s’agissait du nouveau film de Paul Thomas Anderson et que la réunion à l’écran de Leonardo DiCaprio, Sean Penn et Benicio del Toro annonçait un projet d’envergure, mais à un tel niveau d’excellence, je ne m’y attendais pas. Une Bataille après l’autre s’impose, à mes yeux, comme le film le plus marquant que j’aie vu en 2025. Et même si l’année est loin d’être achevée, je peux l’affirmer sans hésitation : le verdict est sans appel.

À première vue, si l’on se fie aux bandes-annonces, Une Bataille après l’autre semble s’inscrire dans le registre classique du film révolutionnaire : un récit très politique, grave et ancré dans une rhétorique engagée. Or, il n’en est rien, ou du moins pas dans sa seconde moitié. Très vite, l’œuvre s’affranchit de ce cadre attendu pour se muer en un objet hybride, à la croisée des genres : à la fois thriller, comédie et drame familial, le tout porté par une dimension allégorique profondément politique. La véritable force du film réside précisément dans cette capacité à conjuguer gravité et légèreté, sérieux et humour, avec une justesse d’équilibre remarquable.



Le récit se divise en réalité en deux mouvements distincts. Dans le premier, nous suivons un collectif de révolutionnaires qui se font appeler les French 75, dont l’objectif affiché est de s’opposer au régime américain en place, en particulier sur la question de l’immigration. Leur combat : attaquer des centres de rétention afin d’en libérer les détenus au nom de la liberté. Au cœur de ce groupe charismatique se trouve Perfidia Beverly Hills, incarnée par Teyana Taylor. Actrice que je découvrais ici, elle se révèle tout simplement magnétique à l’écran, captivant la caméra à chaque apparition au point que l’on souhaite ne jamais la quitter. C’est elle qui prend la tête de cette rébellion et qui, par sa présence, ensorcelle Bob Ferguson — surnommé « Ghetto Pat » — expert en explosifs aussi maladroit que passionné, interprété par un Leonardo DiCaprio méconnaissable. Loin de ses rôles habituels, il incarne ici un personnage en perpétuelle insécurité, un « looser » attachant, souvent paniqué, sombrant peu à peu dans une paranoïa alimentée par l’alcool et les excès de cannabis.

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AND THE OSCAR GOES TO....

Ce rôle semble avoir été conçu sur mesure pour Leonardo DiCaprio, qui y explore une facette inédite de son registre d’acteur. N’hésitant pas à altérer son apparence, il se livre à une véritable dégradation physique afin de rendre son personnage totalement crédible : cheveux gras, moustache épaisse et disgracieuse, barbe négligée. Le simple fait de le voir affublé d’un peignoir à carreaux défraîchi ajoute d’ailleurs une dimension involontairement comique au personnage. Il est fascinant d’observer DiCaprio évoluer dans ce registre, celui d’un homme brisé à la fois physiquement et émotionnellement. Le spectateur ne peut qu’éprouver une profonde empathie pour lui, tant il affronte les obstacles de l’existence avec un mélange singulier de bravoure et de vulnérabilité. Certaines scènes, notamment celles explorant la relation père-fille, résonnent avec une intensité particulière : les visites impromptues des amis, les disputes autour du téléphone… Autant de situations familières qui, sous le regard du cinéaste, deviennent matière à réflexion et miroir de nos propres vies.

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Quoi qu’il en soit, le film de Paul Thomas Anderson agit comme un miroir déformant de notre société, nous renvoyant, nous spectateurs, à nos propres contradictions — à la fois fascinantes et inquiétantes, qu’elles se manifestent dans nos paroles ou dans nos actes. Le personnage incarné par Sean Penn illustre avec éclat ce paradoxe humain. Il campe un militaire froid, implacable, presque caricatural, concentrant tous les stéréotypes du colonel qui a voué sa vie à l’obéissance hiérarchique et au respect rigide du code militaire. Son ambition ultime : intégrer un cercle fermé de suprémacistes blancs, solidement ancrés au sommet des sphères politiques. Pourtant, derrière ce portrait glaçant, Sean Penn confère au colonel Steve Lockjaw une rare vulnérabilité, chose peu fréquente pour un antagoniste. Ses failles sont palpables, perceptibles dans ses tics physiques, dans la manière ostentatoire dont il s’impose des postures viriles, comme autant de masques fragiles. Mais ses actes, eux, rappellent sans ambiguïté qu’il est prêt à tout pour parvenir à ses fins.

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PERFORMANCE D'ACTEURS

La seule présence de Penn suffit à installer une tension palpable : lorsqu’il apparaît à l’écran, tout semble pouvoir basculer. Magistral, l’acteur s’est même transformé physiquement pour incarner ce rôle : musculature impressionnante, veines gonflées, démarche de cow-boy moderne, menton projeté vers l’avant comme pour imposer son autorité absolue. Sa performance est d’une telle intensité qu’elle éclipse parfois celle de Leonardo DiCaprio, pourtant remarquable. Il paraît difficile d’imaginer que Sean Penn puisse échapper à l’Oscar du meilleur second rôle tant son interprétation domine. Leurs personnages, bien que diamétralement opposés, se révèlent en réalité complémentaires. Cette complémentarité s’exprime notamment à travers un triangle amoureux inattendu : Bob et Perfidia d’un côté, Steve Lockjaw de l’autre, tiraillé entre son idéologie affichée et son désir inavouable pour une femme noire. Car si, en façade, il clame son adhésion au suprémacisme blanc, en secret, il succombe à l’attrait du corps et à la chaleur des femmes qu’il prétend rejeter. C’est précisément là que réside le génie du film : Paul Thomas Anderson refuse le manichéisme simpliste. Il s’attache plutôt à sonder les tréfonds de l’âme humaine, là où contradictions et désirs inavoués se rencontrent, et où la vérité devient toujours plus complexe que les apparences.

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Sean Penn et Leonardo DiCaprio ne sont pas les seuls à briller à l’écran : Benicio Del Toro impose également son charisme implacable dans le rôle d’un professeur de karaté, sensei le jou et justicier la nuit, qui cache des migrants dans son dojo. À ses côtés, il serait impossible de ne pas mentionner la révélation du film, Chase Infiniti. Au-delà de sa présence magnétique, elle fait preuve d’une justesse de jeu remarquable, à la fois dans le registre physique et dans la subtilité de ses émotions. Imaginer qu’il s’agit de son premier grand rôle au cinéma, face à des acteurs de la stature de DiCaprio, Penn ou Del Toro, force l’admiration. Certes, elle s’était déjà illustrée dans la série Présumé Innocent sur Apple TV, mais ici, elle franchit un cap. Sa performance laisse entrevoir un avenir radieux à Hollywood : elle est, sans conteste, à suivre de très près.

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Si Une Bataille après l’autre atteint de tels sommets, c’est aussi grâce à la réalisation virtuose de Paul Thomas Anderson. Outre son talent singulier pour mêler les genres, il démontre une capacité rare à concilier grand spectacle et exigence d’auteur. Et même ceux qui ne se considèrent pas amateurs de son cinéma trouveront ici une œuvre accessible : c’est sans doute son film le plus mainstream, porté par une maîtrise exemplaire du rythme. À mesure que l’intrigue quitte son cadre politique initial pour se muer en récit de vengeance personnelle, la mise en scène s’accélère et ne connaît plus de répit. Le travail sur le montage et la bande sonore contribue puissamment à cette intensité, chaque séquence gagnant en tension dramatique. L’urgence de la fuite, la survie toujours menacée, l’incertitude quant au sort des protagonistes : tout concourt à maintenir le spectateur dans un état de suspense constant. La scène finale, notamment (une course-poursuite haletante sur des routes désertiques aux reliefs vertigineux, qui convoque l'imagerie du western) incarne à elle seule le paroxysme de cette tension. Un climax d’une puissance rare, qui condense l’essence même du cinéma de Paul Thomas Anderson : total, organique, inoubliable.

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Il y a également une virtuosité visuelle indéniable dans la mise en scène de Paul Thomas Anderson, qui laisse à ses comédiens l’espace nécessaire pour déployer pleinement leur talent, en limitant au maximum les coupures, révélant ainsi à la fois leur puissance et leur vulnérabilité. À travers ce prisme, Anderson dépeint un monde à la fois fragmenté, violent, mais aussi drôle et absurde, sans jamais imposer de jugement moral catégorique. Certes, l’on perçoit ses prises de position et ses opinions sous-jacentes, mais ce n’est jamais de manière frontale. Il signe ainsi une œuvre d’une audace remarquable, capable de susciter simultanément le rire, la réflexion et la peur. Une telle maîtrise — à la fois dans l’écriture, la direction d’acteurs et la mise en scène — est la marque des plus grands films. Pour ma part, Une Bataille après l’autre s’impose sans conteste comme le meilleur film de l’année.

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NOTRE NOTE : 10/10
Dire du dernier Paul Thomas Anderson qu'il débarque à point nommée est un doux euphémisme. A l'heure où l'Amérique (et par son influence le reste du monde également) se déchire en deux camps radicaux, incapables de nuances et de se parler sans s'insulter copieusement, le cinéaste de Boogie Nights et de There will be blood (entre autres hein) nous livre une fresque hybride entre thriller, drame familial et comédie, le tout sur fond d’allégorie politique. Une vision aussi inquiétante que burlesque de la chute des sociétés occidentales, tout en proposant un spectable de tous les instants et d'une intensité rare. Une Bataille après l'autre est en effet le film le plus mainstream de Paul Thomas Anderson, mais aussi celui qui nous questionne le plus sur notre monde actuel. Un monde pas vraiment glorieux, assez pathétique dans le fond, mais toujours aussi divertissant. Merci les réseaux sociaux.



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