On ne va pas vous faire l’affront de vous raconter la genèse compliquée de ce Metroid Prime 4 Beyond, mais sachez qu’on est quand même 8 ans après son annonce officielle. C’était en 2017, à l’époque, l’E3 existait encore et en guise de reveal, on a eu droit à un pauvre logo sur fond noir. C’était Bandai Namco qui était en charge du développement, mais deux ans plus tard, Nintendo se confondait en excuses pour nous annoncer que le développement partait sur un reboot avec le retour de Retro Studios aux commandes. Est-ce que c’était une bonne idée ? Difficile de répondre à cette question, mais une chose est sûre, ce Metroid Prime 4 donne le sentiment d’être un jeu qui n’assume jamais ses positions. On dirait qu’il veut garder ses fondations pour ne pas trahir les anciens joueurs, mais veut aussi aller de l’avant pour attirer un nouveau public qui s’est habitué à des productions plus bavardes, plus assistées, plus ouvertes, sauf qu’une fois qu’on a fini l’aventure, on se rend compte que l’assemblage de ces deux formules ne collent pas, qu’il y a un déséquilibre permanent. Et autant vous dire que in fine, c’est cette sensation de frustration qui domine à la fin.
ÇA MOUSSE HARAM ?
Le jeu démarre pourtant sur de bons rails, avec cette envie de chambouler la formule et de proposer quelque chose de plus épique, plus spectaculaire. Une base scientifique de la Fédération est attaquée par de mystérieuses créatures, l’apparition soudaine d’une relique extraterrestre, une énergie inconnue qui explose et qui entraîne Samus dans un monde parallèle inconnu, et nous voilà ensuite propulsé sur la planète Viewros, lieu sauvage où les biomes co-existent autour d’un désert géant. Cette séquence d’intro est cinématographique, ambitieuse aussi, plutôt mise en scène correctement, même si on voit très fortement les coutures avec une IA alliée au ras des pâquerettes, mais au moins, ça tente de moderniser ses codes narratifs. Mais très vite, ce souffle se perd, ou du moins s’éparpille de façon très inégale. Après, on le sait, Metroid Prime a toujours été une série d’exploration silencieuse, où la quasi-totalité du récit passe par l’observation et la déduction. Le souci justement, c’est que Retro Studios choisit au contraire de tout expliciter, de tout montrer, de tout rappeler, parfois jusqu’à l’excès. Les textes surgissent sans cesse, les explications interrompent le gameplay, les objectifs sont répétés presque mécaniquement, comme si le jeu refusait de faire confiance au joueur. Le personnage qui incarne le mieux cette sur-explication est l’ingénieur Myles MacKenzie, assez présent dans la première moitié de l’aventure. Ses interventions ne sont pas repoussantes, n’exagérons rien, mais elles sont redondantes, allant parfois jusqu’à répéter mot pour mot ce que Samus vient de scanner ou ce qu’un tutoriel vient d’expliquer. Sa voix, son ton, sa personnalité gaffeuse jurent totalement avec l’atmosphère fondamentale de la série, on flirte pas loin du hors-sujet par moments. En fait, on sent que Nintendo et Retro Studios voulaient injecter à la fois de l’humour, mais aussi se servir de ce personnage comme guide pour ne pas perdre le joueur. Et pourtant, il n’y a rien de plus important dans un jeu vidéo que de faire confiance au joueur. Lui mâcher le travail n’a rien d’épanouissant…
Et cette volonté de ne jamais laisser Samus seule se poursuit à travers la présence d’une petite troupe de soldats de la Fédération qui, eux aussi, se sont retrouvés sur Viewros après l’implosion initiale. Le jeu semble vouloir les utiliser pour renforcer la narration et créer une dynamique de groupe, sauf que si ces derniers jactent sans cesse, Samus Aran est toujours aussi muette. En résultent des situations maladroites où les PNJ enchaînent les monologues sans que Samus ne puisse intervenir, ou même dégager la moindre expression, puisqu’elle garde son casque vissé sur la tête en permanence. Et c’est désormais une sale habitude chez Nintendo qui a décidé de faire parler ses personnages, mais jamais son héros principal, à l’image des deux derniers Zelda. Nintendo, on est bientôt en 2026, le jeu vidéo a évolué, les références ont changé, vous tentez de vous moderniser, mais ne le faites pas à moitié, je sais pas…
OPEN BARRE
Et ce sentiment partagé qui essaie d’allier tradition et modernité qui nuit à l’évolution de la série se ressent aussi dans la structure du jeu. On aurait pu croire justement qu’avec ce désert immense, cette zone désormais ouverte, Nintendo et Rétro Studios se soient lancés corps et âme dans l’open world, comme ce fut le cas avec Breath of the Wild, mais non, le jeu minimise le changement et préfère découper son univers en plusieurs régions thématiques distinctes, séparées par une vaste zone centrale appelée Sol Valley, qui est donc ce désert qui a fait tant couler d’encre sur les réseaux sociaux. Justement, puisqu’on parle de lui, autant crever l’abcès de suite. Dans l’intention, il s’agit d’un hub qui offre une forme d’ouverture, une respiration entre les environnements plus étriqués, plus à l’ancienne. Sauf que dans la pratique, Sol Valley est un désert immense, presque vide, monotone et surtout totalement dénué d’intérêt. Hormis quelques rares moments, il ne se passe absolument rien, son but n’est là que pour faire de la moto. C’est une zone qui a pour but surtout d’allonger artificiellement les déplacements, ce qui brise systématiquement le rythme. Le joueur doit non seulement traverser ce désert entre chaque zone, mais il doit également y collecter de manière répétitive des Cristaux d’Énergie Verte, indispensables pour progresser. Il suffit de foncer dedans pour les collecter, et ces fragments sont éparpillés en si grand nombre que leur collecte ressemble davantage à une corvée qu’à une exploration. Il y a aussi des espèces de donjons à découvrir sous ce désert, mais ils sont malheureusement rarement palpitants et surtout ils se ressemblent tous les uns les autres en termes de proposition visuelle.
C’est dans ce contexte déjà fragile que le jeu introduit la moto, de son nom complet Vaiola, une idée qui avait déjà trigger les joueurs lors des trailers et qui, en jeu, s’avère encore plus incongrue. Samus Aran, chasseuse intergalactique agile, méthodique et précise, se retrouve à piloter un véhicule rigide, peu maniable, dont la présence semble justifiée uniquement par l’immensité vide de Sol Valley. Cette mécanique ne profite jamais au jeu, au contraire, ça tue toute implication du joueur et elle ressemble davantage à une tentative maladroite de proposer un élément « cool » plutôt qu’à une extension naturelle du gameplay.
Et puis que dire des graphismes lors des passages à moto dans ce désert ? Parce que dès lors que la caméra s’éloigne pour nous donner plus d'amplitude visuelle, on se retrouve avec un jeu d’une pauvreté affligeante. Déjà qu’en vue FPS, de près, les textures sont franchement vilaines, dès qu’on est à moto avec une vue aérienne, on a l’impression de jouer à un jeu de l’ère PS3, et encore, j’suis gentil, j’ai vu des jeux PS3 bien plus excitants que ce Metroid Prime 4 dans le désert. Evidemment, les fanboys et les N-Sex diront : “mais c’est un désert, c’est vide, tu veux quoi à la place ?” A ça, je leur répondrai de jouer à Mad Max, le jeu de 2015 pour comprendre qu’il est possible de faire d’un désert un décor riche, intéressant et hypnotisant, faut juste avoir un peu de talent… Et c’est dommage parce que dès lors qu’on quitte le désert et qu’on revient à des environnements plus classiques, Metroid Prime 4 sait flatter la rétine, avec ses biomes dépaysant, ses quelques effets de lumière et ses panoramas parfois majestueux. De loin, c’est toujours pas si mal, mais de près, comme je l’ai dit tout à l’heure, on voit énormément les défauts. C’est le prix à payer pour garder un frame-rate qui ne bronche pas, parce que sur Switch 2, Metroid Prime 4 propose soit du 4K 60fps, soit du 1080p en 120 images par seconde. Et c’est vrai que c’est confort, mais il est évident que le fait que le jeu soit cross-gen et sorte aussi sur Switch 1, ça a obligé Retro Studios à faire des concessions graphiques. Je ne comprends pas pourquoi le jeu n’est pas une exclu Switch 2 comme le dernier Hyrule Warriors, là on aurait pu avoir un jeu vitrine technologique de la Switch 2, parce qu’en vrai, en l’état, ce n’est pas vrai. En fait, Metroid Prime 4, c’est le jeu qui est beau de loin, mais loin d’être beau, surtout de près.
TU N'AS PAS CHANGÉ (TU DEVRAIS)
Concernant le gameplay, Metroid Prime 4 reprend la même formule des précédents épisodes, à savoir cette aventure où Samus Aran démarre avec tous ces pouvoirs pour ensuite les perdre et c’est à vous de progresser pour les récupérer un à un. Une habitude un peu mécanique qui se répète à chaque nouvel épisode et qui trahit un manque de prise de risque de la part des développeurs. Pour les nouveaux venus, pas de souci, mais pour ceux qui suivent la série depuis ces débuts, ça sent bon la redite. Parce qu’en récupérant les « nouveaux » outils, on se rend vite compte qu’il s’agit majoritairement de mécaniques déjà connues de la série. Chaque biome va donner à Samus un tir lié à un élément : le feu, la glace, l’électricité. Elle va pouvoir apprendre à double-sauter, à déclencher un turbo, à profiter d’un lasso, et quelques capacités psychiques, mais tout ça, c’est du déjà-vu, déjà joué et du réchauffé. Les réelles innovations, comme le tir ralenti et téléguidé, restent trop peu exploitées, et ne servent qu’à une poignée d’énigmes et à quelques ennemis précis, alors que l’on aurait aimé voir son utilisation s’étendre de manière plus inventive. Et vu que l’action se montre plus présent, il aurait été judicieux de faire évoluer le gameplay, les déplacements et surtout ajouter des attaques au corps-à-corps, parce que le changement, il passe aussi par-là. Au final, Metroid Prime 4 Beyond est un jeu un peu bâtard, un jeu qui veut à la fois évoluer, tout en gardant ses fondamentaux vieux de 20 ans. Il est certes pétri de bonnes intentions, mais il est aussi tiré vers le bas par des choix maladroits. Ce n’est pas un mauvais jeu, loin de là, mais c’est un jeu décevant et surtout le plus mauvais Metroid Prime de la série, ça c’est sûr. 
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