Le monde du doublage français est en deuil, puisqu'elle a perdu l’une de ses figures les plus marquantes. Éric Legrand, comédien de théâtre et acteur de voix au timbre immédiatement reconnaissable, est décédé à l’âge de 66 ans, emporté par un myélome contre lequel il se battait depuis 2017. La triste nouvelle a été annoncée ce jour par son ami de toujours, Patrick Borg (la voix française de Goku) sur sa page Facebook.
« Depuis des mois, nous nous sommes écrits tous les jours sur WhatsApp jusqu’à lundi dernier, le 19 mai au matin, on te transférait dans un service de soins palliatifs. Tu vas manquer à tes fans... mais tu vas surtout profondément me manquer ! Tu as fait preuve d’un courage exemplaire, tu es un vrai Saiyan, Vegeta ! »
Une déclaration poignante, lourde d’émotion, et pleine de cette fraternité qui unissait les deux piliers du doublage de Dragon Ball Z. Un lien forgé par plus de quarante années de collaborations et d’amitié.
Éric Legrand, c’est d’abord une voix. Une voix grave, tranchante, nerveuse, immédiatement associée à Vegeta, le prince des Saiyans, figure aussi iconique qu’ambiguë de l’univers imaginé par Akira Toriyama. Mais c’est aussi celle de Seiya, le héros intrépide des Chevaliers du Zodiaque, série animée mythique des années 80, qui a ouvert la voie au raz-de-marée des mangas en France. Dans un monde où les comédiens de doublage sont souvent restés dans l’ombre des personnages qu’ils incarnaient, Éric Legrand revendiquait cette discrétion avec lucidité et humilité. Sur son site personnel, il écrivait :
« Vous ne connaissez probablement pas mon visage et n’aviez sans doute jamais lu mon nom avant de le voir ici, mais vous avez sans nul doute entendu ma voix tant j’ai travaillé et aligné de rôles en doublage. Je n’en tire aucune gloire particulière, il n’y a pas de quoi. »
Formé au Conservatoire national supérieur d’art dramatique de Paris, Éric Legrand avait exploré toutes les disciplines du métier : théâtre, télévision, radio, café-théâtre, mais c’est le doublage qui, selon ses propres mots, « est littéralement venu me chercher. Et puis il m’a gardé… » En plus de ses performances dans l’animation japonaise, il fut la voix française régulière d’acteurs anglo-saxons comme Owen Wilson ou John Slattery (Mad Men, Avengers), et a participé à de nombreux doublages de films et de séries américains. Dans le jeu vidéo, il prêtait sa voix à des personnages comme Samuels dans Alien Isolation ou Zero dans Borderlands, montrant une capacité à s’adapter à tous les registres, du plus épique au plus intimiste.
Une absence irremplaçable
Avec la disparition d’Éric Legrand, c’est une partie de l’enfance et de l’adolescence de millions de spectateurs qui s’efface. Sa voix, qui résonnait avec force et intensité dans les combats de Végéta, mais aussi dans les silences de Seiya, continuera de vivre à travers les séries et les films qu’il a marqués de son empreinte vocale indélébile. Eric Legrand est parti. Mais sa voix, elle, ne s’éteindra jamais...