Avec la fermeture de 4 studios chez Bethesda, une communication catastrophique de la part de Sarah Bond et des déceptions chez les développeurs qui se sont fait racheter des milliards, Microsoft et la marque Xbox ne sont plus vraiment en odeur de sainteté aujourd'hui. Il faut dire que depuis quelques jours, le géant américain enchaîne les mauvaises nouvelles, les déconvenues et les prises de parole maladroites, pour ne pas dire catastrophiques, à tel point qu'à une semaine de la sortie de Hellblade 2, presque tout le monde a oublié que le jeu sortait, même au sein de chez Xbox j'ai envie de dire, puisqu'il n'y a aucun marketing autour du jeu. A quoi joue Microsoft ? Le géant américain a-t-il perdu la confiance de sa communauté ? Son business model basé sur le Game Pass est-il vraiment une bonne idée in fine ? Quand il se murmure que ce n'est pas fini et que d'autres licenciements vont être annoncés dans les mois à venir, tout laisse à croire que Xbox est redevenu cette machine à fric qui n'en a que faire de l'esprit créatif...
Depuis une semaine maintenant, les marques Microsoft et Xbox ont vu leur image être salement écornée, même au sein de leur communauté et de leur plus grand défenseur. "Xbox est cuit. Comment faire encore confiance à Microsoft ?", s'est insurgé Jez Corden, Rédacteur en Chef du site Windows Central. "Ce n'est pas la marque Xbox que je veux voir. Je ne la reconnais plus, ces derniers temps. À tous les employés affectés par ces fermetures, je veux leur dire que je suis profondément désolé", a également dénoncé le compte Twitter Klobrille, spécialisé dans l’actualité de la Xbox et suivi par 162.000 personnes. Gene Park, journaliste au Washington Post, s'est lui aussi amusé de la situation en rétorquant "qu'une chose est sûre : plus personne ne croira Xbox quand l'un de ses porte-parole dira qu'Hellblade 2 est un hit en puissance pour nous comme pour les joueurs". Des internautes ont aussi déterré un ancien tweet d'Aaron Greenberg, responsable marketing chez Xbox, qui clamait haut et fort en avril 2023 que Hi-Fi Rush était un succès total et que le Game Pass a besoin de se genres de jeux. Des propos qui ont été tenus pas plus tard qu'il y a quelques jours par Matt Booty, le responsable des studios qui s'occupe du sale boulot à la place d'un Phil Spencer bien discret ces temps-ci. "Nous avons besoin de jeux plus petits qui nous donnent du prestige et des récompenses", c'est ce qu'il a dit après avoir fermé Tango Gameworks, les créateurs de Hi-Fi Rush, qui avait commencé à réfléchir à une suite. Des propos qui ont d'ailleurs consterné John Johanas, le game director de Hi-Fi Rush.
Il y a plusieurs explications en fait à la schyzophrénie qui frappe Xbox depuis quelques jours, mais qui est en réalité ancrée dans son ADN depuis maintenant quelques années, mais qui n'était pas encore rendue publique jusqu'à présent. Tout cela découle de plusieurs choses. La première, c'est évidemment le rachat boulimique de ces dizaines de studios qui coûtent évidemment une fortune à Microsoft, mais aussi parce que le Game Pass est un gouffre financier que le géant américain est en train de réaliser. Si l'on en croit une enquête de Jason Schreier au lendemain de l'annonce de la fermeture des 4 studios de Bethesda, si Microsoft a décidé de couper dans ses effectifs, ce n'est pas en raison des résultats ou des performances commerciales décevantes des jeux des studios impactés, mais pour des raisons d'organisation et de sous-effectif. Croyez-le ou non, mais c'est bien que ce que Matt Booty, le responsable des studios Xbox, a balancé en réunion avec les employés de Zenimax (et donc de Bethesda), ce qui signifie qu'il y a un manque de personnel chez Xbox, mais surtout que le rachat presque impulsif de Microsoft, aussi pour répondre à Sony et sa domination, a généré de la dispersion dans les objectifs. Et si vous doutez de la véracité de ses interventions, sachez que Jason Schreier a récupéré un enregistrement audio de cette réunion où l'on entend même Jill Braff (directrice des studios ZeniMax) dire "qu'il est difficile de soutenir neuf studios à travers le monde avec une équipe centrale réduite et avec une liste de choses à faire qui ne cesse de s'allonger".
Microsoft a-t-il eu les yeux plus gros que le ventre ? Assurément. Surtout que dans cette course à celui qui a la plus grosse face à Sony, le constructeur américain a oublié une chose primordial avec son Game Pass : c'est que recopier le businn model des plateformes de streaming, mais adapter aux jeux vidéo, ce n'est pas tout à fait la même chose. Alors certes, à l'ère du tout digital, à l'ère où les gens préfèrent regarder un film ou une série chez eux, sous un plaid devant leur téléviseur 4K, ou même sur leur PC ou leur téléphone, ça demande moins de ressources que dans le jeu vidéo. Il faut comprendre par-là que réaliser un film, ça demande moins de temps qu'un jeu vidéo. Alors, pas tout évidemment et il y a plein de contre-exemple comme Avatar ou le récent La Planète des Singes, mais globalement, on est capable dans l'industrie du cinéma de fabriquer un film en 1 ou 2 ans, du début de la production jusqu'à la sortie. Et forcément, quand on est une plateforme de streaming comme Netflix, Disney+ ou HBO Max, on a besoin de contenu. On gave la plateforme de programmes en tout genre pour vendre un catalogue aux consommateurs. Bien sûr, il faut des films ou des séries porte-étendard, exclusifs, pour faire figure de vitrine, mais il faut du contenu, beaucoup de contenu.
Sauf que dans le jeu vidéo, faire un bon jeu vidéo, ça demande a minima entre 3 et 8 ans minimum environ et d'autres ressources également qui sont imputables au développement. Résultat, 7 ans après le début des rachats de studios par Microsoft, on commence seulement à voir certains projets sortir. C'est long, ça prend du temps, et en attendant, bah le Game Pass reste une formule certes intéressante sur le papier, mais au contenu chiche et niche. Franchement, en 2024, est-ce que le grand public connat l'existence du Xbox Game Pass ? On prend 10 personnes au pif dans la rue, la moitié est incapable de nous expliquer son fonctionnement. Et ça, c'est aussi un problème pour Microsoft, moins pour Xbox, mais surtout pour Microsoft. Parce qu'il ne faut pas se leurrer, tous ces licenciements brutaux et massifs, c'est avant tout la décision de Satya Nadella, le CEO de Microsoft, Xbox n'ayant pas vraiment son mot à dire sur agissements récents. Selon Jason Schreier de Bloomberg, depuis que le géant américain a lâché 70 milliards de dollars pour se payer Activision Blizzard, Microsoft surveille de près la branche Xbox. Autant un rachat de 8.1 milliards pour Zenimax et Bethesda, ça passe, Microsoft ne regarde pas trop, mais 70 milliards pour du Call of Duty, c'est une autre histoire.
Il faut dire que Microsoft, comme beaucoup d'entre entreprises, a été rattrapé par l'après COVID. La croissance du service entre 2019 et fin 2021 a pris fin, la crise et l'inflations se sont installés, les loisirs se sont multipliés et le jeu vidéo devient même trop cher pour certains. D'ailleurs, si voir débarquer Call of Duty dans le Game Pass 'day one' était une évidence il y a quelques semaines pour tout le monde, en interne, chez Xbox, on se gratte encore la tête. Selon le journaliste Tom Warren, la question est actuellement en débat chez Microsoft qui sait pertinemment que mettre Call of Duty sur le Game Pass le jour de sa sortie, c'est un manque-à-gagner énorme, sachant qu'il n'y aura aucun retour possible en arrière une fois que les joueurs Xbox et PC auront goût au jeu disponible dès son lancement sans surcoût. Une augmentation de l'abonnement Game Pass est d'ailleurs envisagé, car l'objectif est évidemment d'avoir un retour sur investissement. En parlant de jeux qui arrivent sur le Game Pass day one, il y a Hellblade 2, dont la sortie ext fixée au 21 mai prochain, soit dans une semaine. Vous vous rendez compte quand même que le jeu sort la semaine prochaine et que le grand public n'est même pas au courant. Des sessions preview qui ont été organisées de façon presque confidentielle, aucune campagne marketing n'est là pour générer de l'intéreêt, c'est aussi ça le revers de la médaille du Game Pass : se dire que toute communication est inutile puisque les abonnés auront leur notification. C'est aussi une façon de faire des économies.
En attendant, Seamus Blackley, l'un des créateur de la première Xbox, a fustigé les décisions financières de Microsoft en ayant une pensée à tous les développeurs qui viennent de perdre leur travail et leurs rêves : "Je connais la puanteur des décisions prises par des hommes d’argent et la façon dont elles détruisent la vie et la confiance des personnes créatives. Et c’est là toute la tragédie. L’industrie du jeu continue d’oublier, puis de réapprendre *à la dure* que ce sont les DÉVELOPPEURS qui comptent."