J'espère que vous êtes dans un bon mood, parce qu'il y a des chances qu'au sortir de ce test, vous risquez de fortement déprimer. Déjà par le cadre imposé par ce titre, qui se déroule peu de temps après les événements du premier STALKER, c'est-à-dire en 2006, mais aussi par la technique vraiment dépassée de ce jeu de survie en open world où tout est brut, austère et sans la moindre concession. Si vous êtes un habitué du premier épisode et de ses différentes extensions, vous serez en terrain connu, peut-être même un peu trop, en revanche, si vous êtes un novice en la matière, sachez que ce STALKER 2 est tout sauf un FPS classique où l'on s'amuse à shooter avec le sourire aux lèvres. Ici, c'est davantage la déprime qui domine. Entre le soldat un peu loser qu'on incarne, l'environnement volontairement hostile et austère, les missions peu passionnantes, la difficulté punitive et souvent injuste, STALKER 2 ne vous fera aucun cadeau. On serait presque tenté de dire que le studio GSC Game World a envie que les joueurs du monde entier perçoivent la dureté de leur quotidien, sauf qu'il faut surtout se rappeler que cette ambiance dépressive était déjà présente dans le premier STALKER en 2007.
A BUG'S LIFE
Mais avant de rentrer dans les détails de son univers et de son gameplay très orienté survivaliste, il faut évidemment parler de la technique, malheureusement pas au point, et encore moins pour un jeu qui sort en 2024. Bien sûr, si on se fie aux différents trailers et autres vidéos promotionnelles qui ont été poussées par Microsoft ces dernières années, on pensait qu'on allait avoir droit à un mètre-étalon du genre, capable de rivaliser avec les plus belles productions fabriquées avec l'Unreal Engine 5. Mais il n'en est rien, et le passage du moteur maison des Ukrainiens de GSC Game World au moteur d'Epic Games n'a visiblement pas été très probant. Ce downgrade graphique a pourtant été pointé du doigt en août 2023 lors de la gamescom, avec des previews plutôt partagées. Résultat, début janvier 2024, les développeurs annoncent un nouveau report, de 8 mois cette fois-ci, suite aux mauvais retours de la presse et des sessions de tests qui ont été effectuées un peu partout dans le monde avec des joueurs. Cette grosse année supplémentaire n'aura malheureusement pas été suffisante pour permettre au studio ukrainien de sortir une copie acceptable, à tel point que notre session de test a été émaillée par de nombreux problèmes techniques. Bugs visuels, bugs audios, textures qui explosent en vol, ragdoll qui partent en quenouille, scripts qui ne se lancent pas, freezes, crash et manette qui n'est pas reconnue, voilà quelques uns des exemples de glitchs qu'on a expérimenté pendant nos plus de 30h de jeu. Pourtant, les développeurs ont tenté de minimiser la casse, avec deux mises à jour qui ont été déployées avant la sortie du jeu. Une première deux jours avant la sortie, pesant pas moins de 130 Go, soit quasiment la taille du jeu qui est de 150 Go, puis une seconde de 50 Go la veille de la commercialisation. Il y a eu du mieux, mais STALKER 2 reste encore un jeu qui contient pas mal de bugs. De toutes les façons, le studio avait conscience de tous ces soucis et c'est aussi la raison pour laquelle l'embargo du test a été placé le jour de la sortie. Quant aux confrères qui préfèrent attendre que le jeu soit corrigé pour le noter, c'est évidemment lui donner un passe-droit compte-tenu de la situation géopolitique que traverse GSC Game World. On comprend parfaitement, c'est même tout à fait entendable, mais malgré la correction de tous ces bugs techniques, cela ne sauvera pas STALKER 2 d'être un jeu décevant dans ses autres fondations. On vous explique pourquoi...
C'EST LA ZONE MON GARS !
Première chose à relever : on se retrouve à nouveau catapulté dans la Zone, sans explication, sans rien, avec juste sa bite et son couteau (si vous me permettez l'expression). Pour les novices, la Zone, c'est le nom donné à ce périmètre qui a été bouclé par l'armée après les deux explosions de la centrale de Tchernobyl. Normal pour une suite dont les événements s'inscrivent dans la continuité de ce qui s'est passé dans le premier STALKER. Toutefois, ne pensez pas retrouver des liens de connexion narratifs avec le premier jeu (enfin si, il y a un truc, mais on ne va pas spoiler), ici on se retrouve dans les bottes de Skif, un soldat qui va être bazardé au milieu de cette nature morte et hostile, où d'innombrables PNJ vont lui demander de parcourir cet open world massif et bien morne à travers des missions pas très palpitantes. Ceux qui ont joué au premier STALKER vont vite retrouver leurs marques tant les ressemblances entre les deux maps sont importantes. Dans la logique, on peut comprendre, mais dans les faits, 17 ans plus tard, on était en mesure d'être davantage surpris. Scanner à poser, artefacts à dénicher, argent à récolter, soldat à sauver ou à menacer, voilà le genre de quêtes, principales comme secondaires, que vous allez devoir vous coltiner pendant les 30-40h pour finir le jeu en ligne droite. Classique me direz-vous, sauf que dans STALKER 2 (comme dans le premier d'ailleurs), vous n'aurez que vos guiboles pour vous rendre d'un point A à un point B. Pas de véhicule, pas de vrai voyage rapide (sauf en passant par des guides qu'il faut payer une fortune), ici, on veut nous faire vivre l'âpreté de la Zone, nous faire comprendre, à la dure, que parcourir un open world, ce n'est pas qu'une partie de plaisir. Et là, vous comprenez pourquoi il faut entre 30 et 40h pour finir le jeu, car chaque voyage prend des dizaines et des dizaines de minutes à entreprendre...
Entre la météo déprimante, son ambiance de misère qui transpire et sent la mort bien sale, les bâtiments soviétiques en béton armé délabrés, il y a de quoi donner envie de se pendre tous les 10 mètres. C'est d'autant plus vrai que STALKER 2 est un jeu qui met davantage l'accent sur la gestion de son inventaire, de ses ressources et de ses armes avant les sensations de tir. Ici, on doit faire attention à l'état de ses armes, les réparer s'il le faut, les abandonner pour alléger son sac à dos, parce que oui, plus vous ramassez de loot et plus vous galérez pour vous déplacer. Mais ce n'est pas tout, niveau santé et endurance, on doit s'injecter des produits pour retrouver de la vie, panser ses blessures pour stopper l'hémorragie, croquer du sauciflard et du quignon de pain pour ne plus avoir faim, boire de la Redbull pour pouvoir courir comme un dératé (façon de dire), bref, vous l'avez compris : se déplacer dans le monde de STALKER 2, c'est une vraie expérience de survie pour certains, une tannée de ouf pour les autres. Un côté RP qui va de pair avec l'ambiance survivaliste que les fans de la série adulent par ailleurs, mais c'est une nouvelle preuve que cette suite ne fera aucune concesssion, et qu'elle n'a nullement l'intention de séduire un plus large public. On respecte, mais ça va faire fuir aussi.
JEAN-MICHEL "RUDE"
De notre côté, on veut bien adhérer à la proposition survivaliste, mais l'open world de STALKER 2 ne fait rien pour nous séduire, surtout avec ses étendues de nature morte à perte de vue, où il ne se passe pas grand-chose. Alors certes, on croisera toujours la route de créatures abominables, de groupes de soldats qui quadrillent certains recoins, et même dénicher des lieux cachés comme des réseaux souterrains où d'autres bestioles surnaturelles vous feront la misère, mais il n'y a vraiment rien de palpitant, et très vite, on a l'impression de tourner en rond. Heureusement, les événements métérologiques viendront pimenter vos randonnées champêtres, avec cette fois-ci l'introduction d'un événement inattendu et imprévisible : l'émission. Il s'agit d'une explosion énergétique générée par la centrale nucléaire, et qui va changer l'atmosphère du tout au tout. Le ciel vire au rouge sang, ce qui représente l'alerte donnée pour vous indiquer de trouver un lieu sûr pour vous abriter, comme un bâtiment, une grotte ou un réseau souterrain. Si par malheur, vous êtes encore dehors, vous allez alors vous faire balayer par le vent fort et contaminé.
A cela, il faut désormais ajouter les anomalies. Il s'agit d'événement surnaturels qui viennent se placer comme des obstacles sur le chemin de notre soldat et sont en réalité le principal danger de la Zone qu'il ne faut jamais sous-estimer. Bulle décomposante, mini-tornade, feu incandescent, flaque d'acide, mines explosives volantes, il va falloir être alerte en permanence et balancer un maximum d'écrous pour ne pas se faire déglinguer en rien de temps. Heureusement, on dispose d'un appareil sonore pour les repérer, mais plus on avance dans l'histoire et plus ces dangers se multiplient. Mais très vite, on comprend que ces anomalies peuvent aussi servir de pièges contre les ennemis. Attirer des soldats ou des chiens errants dans ces zones infestées de pièges, c'est aussi une bonne manière pour s'en débarraser facilement. De même, il est possible de créer des conflits entre factions et créatures pour économiser ses munitions et éviter de caner une fois encore. De toutes les façons, jouer à STALKER 2, c'est aussi accepter de mourir plusieurs fois. Vous vous plaignez des Souls-like qui ne vous font aucune concession, dans le titre de GSC Game World, c'est la même chose ! Certains y verront une injustice dans la difficulté, d'autres une manière pour les développeurs de nous dire que leur jeu n'est pas un FPS comme les autres.
PAS BÊTE, MAIS PAS INTELLIGENT NON PLUS
Et effectivement, il serait maladroit de croire que STALKER 2 est un shooter basique et classique, puisque l'idée est une fois encore de prendre en compte l'aspect survivaliste. Ici, c'est la manière dont vous allez jongler avec votre équipement, vos armes et votre inventaire de manière générale qui va prendre le dessus. Le jeu invite d'ailleurs le joueur à personnaliser son sac-à-dos, à la ranger correctement, à choisir les éléments à placer en raccourci pour justement mieux survivre. A vous de gérer le poids de votre barda, car fuir est parfois, souvent même, une bonne solution pour ne pas finir les quatre fers en l'air. Mieux, dans certaines situations, il faut utiliser intelligemment le terrain pour ne pas se laisser déborder, d'autant que les ennemis vous repèrent à des kilomètres à la ronde. Votre 'light' est allumée, vous marchez lourdement et c'est l'assurance d'alerter les ennemis. C'est souvent injuste puisque les développeurs ont poussé le niveau d'alerte au maximum, et malheureusement pour de mauvaises raisons, celles qui ont pour objectif de masquer des errances d'une IA pas au point. Un classique dans les studios qui ne veulent pas s'enquiquiner à passer trop de temps sur la manière qu'ont les ennemis à se comporter. Et ça se voit d'ailleurs, ils sont souvent bêtes, ne bougent pas beaucoup, mais visent dans le mille à tous les coups. Ubisoft fait d'ailleurs partie des studios spécialistes à abuser de ce genre d'artifices pour masquer leurs incompétences en matière d'IA.
En revanche, si les combats sont un peu plus intelligents que la moyenne des FPS spectaculaires qu'on avale chaque année, force est de constater que niveau sensations de tir, c'est le néant absolu. C'était déjà le cas dans le premier STALKER, ça n'a pas changé pour cette suite dix-sept après. Et c'est d'autant plus scandaleux que le genre a sacrément évolué, ne serait-ce que dans le sound design des armes. Ici, le recul est inexistant, le son assez risible quand il ne disparaît pas après un bug de sauvegarde et le réalisme à outrance nous impose des armes soviétiques qui ne font évidemment pas rêver. Avec ce côté surnaturel qui a été poussé dans cette suite, on aurait aimé un peu plus de folie de la part des développeurs, mais on avait oublié que chez GSC Game World, on n'est pas là pour rigoler. C'est peut-être la raison pour laquelle les missions proposées sont jamais palpitantes, que le rythme n'est jamais maîtrisé, qu'on s'ennuie plus qu'on s'amuse, au point où déprime apparaît avant même la lassitude. Il faut dire que les animations sclérosées des PNJ et des animaux dans le jeu ne donnent pas envie de s'investir, et que le titre de GSC Game World est aussi lugubre que peuvent l’être des paysages de désolation industrielle post-soviétique. STALKER 2 est un jeu qui décourage, et ce n'est pas grave de passer à côté d'une telle proposition aussi austère. Un jeu doit-il être fun pour être bon ? Absolument pas. En revanche, il faut un minimum de savoir-faire dans la technique et les mécaniques de gameplay pour espérer faire partie des grands, ce qui n'est clairement pas le cas ici. Mais malgré ces airs de jeu ambitieux raté, entre FPS plus réfléchi que la normale et RPG allégé, S.T.A.L.K.E.R. 2 dispose de quelques atouts qui sauront faire crépiter votre compteur Geiger pour peu que vous lui passiez ses nombreuses faiblesses de gameplay, son IA dans les choux, son gunplay mou du genou, ses bugs à foison et bien sûr sa déprime totale. L’attente fut trop longue, mais pas totalement vaine. Mais quand même...