À l’abri des regards, dans un stand fermé du Summer Game Fest, Onimusha: Way of the Sword a donc été présenté aux journalistes invités lors d'un behind closed doors. Trois jours durant, j’ai vu défiler une avalanche de jeux vidéo, mais celui-ci fait partie des titres qui me sont restés en tête, d'autant que je n’y ai même pas joué. Capcom avait préféré en effet organiser une session de présentation, jouée en live par un développeur de Capcom. Ce que j’ai vu m’a rappelé à quel point cette série peut être unique et qu'elle a mis bien trop longtemps à revenir sur le devant de la scène. Le protagoniste, Miyamoto Musashi, est interprété à l’écran avec le visage du légendaire acteur japonais Toshiro Mifune, une référence immédiate au cinéma de samouraïs d’antan. Et dès les premiers coups d’épée, j’ai été frappé par le rythme atypique des animations : chaque mouvement est pesé, presque chorégraphié, bien plus lent que dans la plupart des jeux d’action modernes, mais avec une fluidité gracieuse. On a davantage l’impression d’assister à une danse martiale qu’à une baston sanglante.
DEAD CAN DANCE
La démo jouable, d’une vingtaine de minutes, s’ouvre sur une séquence contemplative : un village ravagé, des corps encore chauds, des paysans blessés hurlant à la mort. Pas d’action immédiate, mais une immersion. Caméra épaule, proche du protagoniste, héritage évident de Resident Evil 4, autre signature de CapGod. Cette mise en scène intimiste permet d’apprécier toute la finesse de la modélisation : visages parfaitement modélisés, textures détaillées, jeu de lumières maîtrisé, le RE Engine assure le spectacle encore une fois, même si ce fameux voile grisâtre — déjà vu dans Monster Hunter Rise ou Resident Evil Village — subsiste, au risque de ternir un peu la palette visuelle. Mais dès lors que les premiers monstres, les fameux Oni surgissent, la mise en scène évolue, faisant alors reculer la caméra, afin d'élargir le champ, et le jeu entre dans sa véritable danse : celle du sabre. Si l’héritage de la série Onimusha est bien présent, le jeu intègre aussi des mécaniques contemporaines. Les ennemis Genma disposent désormais de jauges d’endurance, mais l’ensemble du système de combat évoque davantage Ghost of Tsushima : une caméra large, des combats de groupe lisibles, et une garde omnidirectionnelle qui favorise l’anticipation.
Car oui, Onimusha Way of the Sword n’est pas un Souls-like, Capcom l'a précisé, mais il en hérite une certaine grammaire. Parades, contres, esquives millimétrées : la précision reste la clé de la réussite. Musashi ne se contente pas de bloquer les attaques, il les anticipe, les redirige également. Le système de parade est particulièrement souple : peu importe l’angle d’attaque, si le timing est bon, le samouraï réagit avec une animation contextuelle élégante. Contrairement aux parades instantanées habituelles, les affrontements entre lames s’étirent sur plusieurs secondes, dans un déluge d’étincelles, permettant au joueur d’orienter la direction du choc pour déséquilibrer son adversaire. Une mécanique spectaculaire, qui ajoute une dimension tactique inédite aux duels. Mieux, un parfait timing peut même déclencher une riposte scriptée, où les lames s’entrechoquent avant une exécution stylisée ; digne d’un film de chambara. Une flèche en approche tirté par un adversaire ? Aucun souci tant que la parade est réussie, la flèche retourne droit dans le cœur de son tireur, et la mort one-shot est assurée.
LE GANT DE L'INFINI
Capcom remet également en avant l’iconique gantelet Oni, qui permet à Musashi d’aspirer les âmes des ennemis vaincus. Celles-ci font office de ressource pour les améliorations. Une course contre la montre s’engage parfois, certaines créatures tentant de voler ces âmes avant d’exploser au visage du joueur, ajoutant de la pression en plein combat. Mais le gameplay ne se limite pas uniquement aux duels. Une mécanique nouvelle, basée sur le voyage dans le passé, permet à Musashi de revivre certains événements ; non pas sous forme de cinématiques passives, mais de séquences jouables à part entière. En pénétrant une faille temporelle, on se retrouve dans un monde parallèle, presque spectral, où il faut résoudre une énigme du passé pour débloquer un accès dans le présent. Une idée qui rappelle The Medium de Bloober Team, mais intégrée ici avec un vrai sens du rythme et de l’impact. Autre nouveauté : l’utilisation du décor. Capcom pousse l’interactivité jusqu’à permettre à Musashi de soulever un tatami pour s’en servir de bouclier, ou de détourner une table en projectile improvisé. C’est fluide, crédible, et ça donne un côté "survival" à certains affrontements, où tout objet devient potentiellement un allié ou une arme de fortune. Ce souci du détail, presque théâtral, participe à ce que Capcom décrit comme une expérience "organique", et le mot n’est pas galvaudé.
Enfin, le climax de la démo : le duel attendu entre Miyamoto Musashi et son éternel rival, Sasaki Ganryu. De quoi se plonfer dans un combat plus stylisé entre deux figures historiques du Japon féodal. Kojiro y est dépeint jeune, élégant, presque efféminé, avec un flegme qui tranche avec la rudesse de Musashi. Capcom ose ici une relecture audacieuse, presque insolente, du personnage, une vraie réussite. Capcom a précisé qu’il s’agissait d’une première confrontation, laissant entendre que Sasaki Ganryu viendra croiser la route de Musashi à nouveau.