Les gros rachats dans l'industrie du jeu vidéo, c'est assez commun et le record reste évidemment détenu par Microsoft et son 69 milliards déboursés pour Activision-Blizzard-King en 2022. Du côté de l'Asie, un gros mouvement est en train de se réaliser, puisque Tencent Holdings Ltd. envisage une nouvelle tentative pour racheter Nexon, l’un des poids lourds sud-coréens du jeu vidéo, selon des sources proches du dossier citées par Bloomberg. Le conglomérat basé à Shenzhen aurait récemment pris contact avec la famille du fondateur défunt de Nexon, Kim Jung-ju, pour discuter d’une éventuelle transaction. À ce stade, les échanges restent préliminaires et confidentiels. Rien ne garantit qu’ils déboucheront sur un accord formel, d’autant que les modalités d’un éventuel rachat n’ont pas encore été déterminées.
Fondée en 1994, la société Nexon s’est imposée comme un acteur majeur du jeu en ligne, avec des titres emblématiques comme MapleStory ou Dungeon & Fighter – ce dernier développé en partenariat avec Tencent. Cotée à la Bourse de Tokyo depuis 2011, l’entreprise affiche aujourd’hui une valorisation boursière avoisinant les 15 milliards de dollars. Mais toute acquisition s’annonce délicate sur le plan capitalistique, car le principal actionnaire de Nexon est NXC Corp., la holding familiale créée par Kim Jung-ju, détient indirectement 44,4 % de l’entreprise via NXC et sa filiale néerlandaise NXMH. Après le décès de Kim en 2022, sa femme et ses deux filles ont hérité d’environ 67,6 % de NXC. Dans le cadre du règlement de droits de succession, la famille Kim a transféré une partie de cette participation au gouvernement sud-coréen, qui cherche depuis à céder cet actif, sans succès jusqu’à présent. En parallèle, la famille a également procédé à la vente de titres à la holding NXC elle-même pour un montant estimé à 478 millions de dollars.
Ce n’est pas la première fois que Tencent manifeste un intérêt pour Nexon. En 2019, le géant chinois s’était déjà positionné lors d’un processus de cession mené par NXC, aux côtés de fonds d’investissement comme KKR et Hillhouse. Faute d’accord sur le prix, la vente avait été abandonnée. Cette nouvelle initiative s’inscrit dans un mouvement plus large de diversification internationale de Tencent, dans un contexte où l’industrie du jeu vidéo est de plus en plus encadrée par les autorités chinoises. Récemment, une filiale du groupe a ainsi acquis près de 10 % du producteur musical sud-coréen SM Entertainment, dans un signal de détente après des années de restrictions informelles sur les contenus culturels sud-coréens en Chine.
Malgré un rebond de plus de 10% de son action en 2025, Nexon reste en retrait de ses sommets atteints en 2021, avec une capitalisation encore inférieure de près de 30% à son plus haut historique. À l’inverse, plusieurs concurrents du secteur, comme Ubisoft, SEGA Sammy ou GungHo, accusent des reculs boursiers notables depuis le début de l’année. Sur le plan financier, Nexon a affiché un chiffre d’affaires de 114 milliards de yens au premier trimestre 2025, pour un bénéfice net de 26 milliards. Des résultats solides qui attestent de la résilience de son modèle économique, centré sur les jeux en ligne à forte monétisation. De fait, toute tentative d’acquisition d’un acteur stratégique comme Nexon par un groupe étranger — qui plus est chinois — pourrait soulever des enjeux politiques sensibles en Corée du Sud. La participation actuelle du gouvernement dans NXC renforce la dimension institutionnelle du dossier. Sollicités par Bloomberg, Tencent, Nexon et NXC se sont abstenus de tout commentaire.
Ce possible retour de Tencent dans le dossier Nexon illustre l’ambition intacte du groupe chinois dans le secteur du jeu vidéo, malgré des vents contraires sur son marché intérieur. Si l’opération venait à aboutir, elle pourrait redessiner l’équilibre des forces en Asie dans l’industrie du divertissement interactif.