Si le remake de Silent Hill 2 a fait autant couler d'encre, c'est bien parce que le jeu de Konami est un monument du jeu vidéo, adulé jusqu'à aujourd'hui, 23 ans après sa sortie, et autant vous dire que ça ne nous rajeunit pas. Il faut dire qu'en 2001 lorsque le jeu sortait sur PS2, il fut immédiatement élévé au rang d'art. L'ambiance, l'histoire, le gameplay, les thèmes abordés, je crois bien qu'on n'avait pas eu un jeu aussi mature à cette époque, et qui prouvait une chose : la terreur et l'horreur dans un jeu vidéo pouvait être également pyschologique. Forcément, oser toucher à Silent Hill 2, c'est prendre le risque de profaner un temple sacré du jeu vidéo et quand le nom de Bloober Team fut révélé, il était difficile de ne pas cacher ses inquiétudes. Certes le studio polonais avait déjà prouvé qu'en matière de jeux d'horreur, ils avaient déjà fait leurs armes, notamment avec Layer of Fears et The Medium, deux titres qui n'étaient pas si mal, mais qui présentaient tout de même de grosses lacunes. Alors forcément, Silent Hill 2, c'est s'attaquer à un plus gros morceau et pour beaucoup de joueurs, se rater sur un tel projet était inconcevable. Alors qu'en est-il exactement maintenant que j'ai pu terminer entièrement le jeu ?
LA REMONTADA !
Pour résumer assez brièvement avant de rentrer dans les détails techniques et les mécaniques de gameplay, disons que ce remake 2024 est une très belle réussite, mais qu'il y a cependant des lacunes que les trailers et les présentations avaient déjà exposés il y a quelques mois et qui nous donnaient raison de nous inquiéter. Par exemple, cette rigidité presque cadavérique de James Sunderland qui se déplace presque sans aucune animation, c'est toujours d'actualité. Les bras le long de son corps qui ne bougent pas quand il marche, la raideur dans ses mouvements, surtout lors des esquives, il faut bien admettre que ça choque les premières minutes. Et puis, c'est bizarre, il y a des moments où l'on voit James poser la main sur une porte fermée à clef, alors que pour ouvrir celle qui sont accessibles, il manque parfois cette même animation où il pousserait la porte naturellement et du coup, le fait avec l'ensemble du corps. Ça manque de cohérence et je ne sais plus si c'est un manque de budget ou quelque chose de volontaire, c'est très bizarre. Quand on voit ce que la concurrence est capable de faire aujourd'hui, on a effectivement la douloureuse impression d'être revenu 15 ans en arrière en matière d'animations. Alors oui, au bout d'un moment, on s'y fait et on pourrait même se dire que ça participe au côté old school du rendu global, mais très sincèrement, le jeu aurait gagné en qualité (et sans doute 1 point de plus dans la note) si James n'avait pas ce fichu balais dans le cul, soyons honnêtes.
BALAIS DANS L'C...
D'ailleurs, en parlant d'absence d'animations, c'est aussi le cas quand James change d'arme à la volée. Quand il passe de son morceau de baton à une arme à feu, il n'y a pas d'animation, l'arme pope dans sa main, c'est très curieux aussi comme sensation. Heureusement, là où le jeu se rattrape, c'est dans l'impact des coups ressenti après chaque coup donné, surtout pour les combats au corps-à-corps, avec le morceau de bois clouté et la barre de fer ensuite. Ça reste assez sacadé dans l'ensemble, mais on ressent une certaine férocité dans chaque coup porté, magré la lourdeur des déplacements, ce qui participe à rendre les affrontements impactants, d'autant qu'en face, il y a du répondant. Il ne faudra en effet pas sous-estimer les créatures, car même sans bras, elles sont capables de causer de sévères dégâts et James n'est pas du genre à retrouver sa santé après s'être écarté du danger. Non, il est plutôt du genre à l'ancienne, à ingurgiter des pilules pour faire passer la douleur, ou carrément se planter une seringue dans le bras, même quand celle-ci est rouillé.
PASSION ET RESPECT
Comme chacun sait, surtout depuis mon interview avec Christophe Gans en juin 2022 qui me balançait tout en exclu à l'époque, Konami a été galvanisé par les succès des deux remakes de Resident Evil 2 et 3 et c'est la raison pour laquelle ce Silent Hill 2 Remake existe aujourd'hui. Normal et logique donc que la formule ait été reprise et qu'on se retrouve donc avec une caméra placée dans le dos de James. Une caméra qui est d'ailleurs volontairement placée très proche du personnage, dans le simple but de réduire la visibilité et donc de favoriser les moments de stress. Et cette absence de visibilité, on la retrouve aussi par l'absence de lumière dans les environnements intérieurs, où la lampe-torche sera votre seul compagnon pour ne pas sombrer dans la peur et la psychose. Et puis, il y a cet épais brouillard qui nous empêche de voir à plus de 3 mètres devant soi lorsque James se balade à l'extérieur. C'est là que je tiens à féliciter Bloober Team, d'être parvenu à gérer magnifiquement le brouillard du jeu d'origine, qui était à l'époque, en 2001, une astuce de développeur pour masquer les limitations techniques de la PS2. Dans ce remake, le brouillard n'est peut-être pas volumétrique, mais il donne cette impression de consistance nuageuse, limite visqueuse qui participe énormément à rendre l'ambiance absolument unique. Une gestion assez maligne du studio pour moderniser cet aspect-là, sans perdre son essence initiale, et franchement, je leur tire mon chapeau.
Non vraiment, s'il y a bien un aspect sur lequel ce remake de Silent Hill 2 Remake brille, c'est son rendu graphique. Visuellement, c'est ultra soigné, ça fourmille de détails, avec des textures qui sont riches, détaillées, et tout cela retranscrit à merveille l'ambiance sombre, poisseuse et malsaine de cette bourgade où la vie humaine a disparu. Chaque pièce qu'on visite nous oblige à prendre notre souffle, à avancer à petit pas de loup, de peur de nous faire surprendre par l'une de ses créatures tapie dans l'ombre et prête à nous sauter à la gorge. Parce que quand bien même leur présence est signalée avec des alertes sonores qui sortent de la DualSense et des vibrations dont on se passerait parfois, certaines de ces bestioles répugnantes n'hésitent pas à faire mine de ne pas bouger pour nous surprendre. Il y a des jump scares ultra efficaces dans ce Silent Hill 2 Remake, mais aussi des moments où l'insécurité permanente nous donne envie de faire carrément demi-tour, notamment dans les environnements de rouille où l'odeur macabre est presque palpable.
DES THÈMES ENCORE PLUS FORTS AUJOURD'HUI
Non vraiment, Bloober Team a fait un travail de malade sur l'ambiance, sur l'atmosphère, il y a une immersion qu'on n'avait pas ressenti depuis bien longtemps, et le studio polonais met tout en oeuvre pour nous faire ressentir ce mal-être. Entre le vent qui fait bouger les éléments du décor, les sons inquiétants qui sortent du haut-parleur de la manette de la PS5, parfois, on entend carrément un mec respirer, c'est super angoissant, l'obscurité qui nous empêche de voir quoi que ce soit, c'est de très loin la plus grande force de ce remake, qui réussit en plus le tour de force de retrouver l'ambiance du jeu de 2001. Concernant le chara-design, ça été un gros sujet aussi sur les réseaux sociaux et je trouve que in fine, c'est assez réussi aussi. Alors certes, le côté très froid et très anguleux des visages des protagonistes de 2001 donnait au jeu un aspect très effrayant, là, les angles ont été arrondis, les traits plus chaleureux, notamment Maria qui donne presque envie de faire sa vie avec elle, alors que dans le jeu d'origine, elle faisait presque flipper. Eddie par contre, je le trouve plus réussi aujourd'hui qu'en 2001, ce côté crasseux, gras et insupportable, on le ressent plus en 2024.
Après, remake oblige, on va évidemment retrouver les mêmes passages, les mêmes éléments et les mêmes puzzles que le jeu d'il y a 23 ans, mais très sincèrement, après deux décennies, qui s'en souvient encore ? Personnellement, je n'avais pas rejoué au jeu depuis 2001 et même si certains souvenirs sont remontés à la surface, j'ai eu l'impression de redécouvrir entièrement le jeu. D'ailleurs, Bloober Team a pris le soin d'ajouter certaines choses. Le jeu a gagné en exploration, il y a bien plus de pièces à visiter, de routes à emprunter, d'appartements à fouiller. De même, certaines énigmes ont été retravaillées et d'autres sont carrément inédites, à tel point que lorsque j'étais bloqué sur certains puzzles, j'ai voulu m'aider en retrouvant les soluces d'antan, mais comme le jeu n'était ni sorti au moment de mon test et que ces énigmes sur lesquelles je bloquais étaient inédites, il a fallu que je galère tout seul. Pour le reste, c'est extrêmement fidèle à l'oeuvre d'origine. On va retrouver les mêmes personnages, les mêmes cinématiques mais retravaillées évidemment pour coller aux canons d'aujourd'hui, les même dialogues aussi, j'ai noté de légers changements, notamment sur le destin de certains personnages. Dans le jeu d'origine, une certaine personne se fait buter avec une barre de fer alors que dans le remake, c'est un coup de fusil à pompe qu'il se prend. Et mine de rien, ça change un peu la perspective. Je vous en dit pas plus, sinon qu'il vous faudra une petite quinzaine d'heures de jeu pour arriver au bout de cette aventure modernisée mais toujours aussi intéressante à revivre 23 ans plus tard.