Dans n'importe quel ordinateur, on retrouve deux parties distinctes : le processeur (ou CPU pour Central Processing Unit), et une carte graphique sur laquelle figure le GPU (Graphics Processing Unit). Pour faire simple, le CPU est le "cerveau" de l'ordinateur ; il s'occupe d'effectuer la plupart des calculs et gère également une partie de ce qui se passe dans votre jeu. Par exemple, c'est lui qui traite le chargement des fichiers depuis le stockage dans la RAM. C'est aussi à lui qu'incombe l'I.A. des PNJ, ce qui fait que certains jeux sont plus ou moins gourmands en ressources processeur. En général, avec les niveaux de performance actuels, les gros CPU sont rarement mis à mal, sauf avec les jeux de stratégie de type 4X où ils s'occupent de centaines voire de milliers d'unités, ce qui demande une quantité de calculs impressionnants.
Par ailleurs, le CPU délègue pas mal de choses au GPU qui, pour sa part, s'occuper de tout ce qui a trait à l'affichage. Le calcul des polygones, les shaders, ou encore la lumière, tout ceci est géré par la carte graphique et son GPU. Bien sûr, le CPU ne reste pas les bras croisés puisque c'est lui qui donne les ordres au GPU, tout transitant par ce dernier. C'est pour cette raison que les joueurs PC font attention à ne pas coupler un CPU trop faible avec une carte graphique de compétition. Dans ce cas, on est confronté au problème du bottleneck, soit un processeur incapable de traiter la masse de travail, et qui n'envoie donc pas assez vite les informations à la carte graphique, l'empêchant du coup de tourner à fond. Vous l'aurez compris, c'est ce duo de composants qui effectue le travail pour faire tourner nos jeux vidéo.
LE CAS "SIMPLE" D'UN PC
Dans un PC, il y a en fait deux ordinateurs distincts, chacun composé des mêmes éléments, à savoir un circuit imprimé qui regroupe une puce, sa mémoire et son refroidissement. Le premier héberge le processeur planqué sous un radiateur (ou un échangeur lorsqu'il y a refroidissement liquide), logé sur un circuit imprimé appelé carte-mère, et épaulé par une mémoire appelé DRAM (ou RAM plus simplement). On retrouve la même chose sur la carte graphique où le circuit imprimé est appelée PCB et loge un GPU (sous un radiateur la aussi) ainsi que sa mémoire dédiée, la VRAM (Video RAM), qui est la fameuse GDDR6 des fiches techniques.
Ces deux entités sont ensuite connectées via un port PCIE à 16 lanes, qui permet donc de garantir un taux de transfert de données hyper rapide. Cette façon de faire permet ainsi des performances maximales, chaque entité disposant de son propre environnement. On peut ainsi apporter un maximum d'électricité dans chaque puce, chacune d'elles ayant son propre refroidissement (ce qui permet d'utiliser des puces plus puissantes, en se souciant moins de leur consommation électrique et de leur propension à chauffer), et charger énormément de données puisqu'elles disposent de leur propre mémoire dédiée.
UNE MÉMOIRE D'ÉLEPHANT
En effet, alors que les consoles actuelles se contentent de 8 Go de mémoire - tandis que la next-gen embarquera 16 Go - les PC en disposent de bien plus. Typiquement, une machine gaming haut de gamme bénéficie de 16 Go de RAM et de 6 à 8 Go de VRAM sur la carte graphique, soit un total qui dépasse allègrement les 20 Go. Pire, les systèmes les plus costauds du moment profitent de 32 Go de RAM et de cartes graphiques affichant 11 Go de mémoire dédiée, soit un total de plus de 40 Go ! Tout d'un coup, les 16 Go de la PS5 et de la Xbox Series X ne sont plus si impressionnants. Pourquoi si peu de mémoire sur les consoles, alors ?
C'est bien simple : il s'agit d'une question de prix. Pour vendre une console 500 € ou moins, il n'est pas possible d'adopter une architecture processeur + carte graphique dédiée où, finalement, on couple deux ordinateurs. Pour réduire les coûts de façon drastique, les consoliers font donc appel à l'architecture du SoC (System on Chip, soit un système sur une puce). Cette architecture que l'on retrouve un peu partout (Nintendo Switch, smartphones, Raspberri Pi, dans votre voiture pour le système de divertissement embarqué, dans les réfrigérateurs intelligents, etc.) est radicalement différente, mais aussi bien moins chère. Ici, pas question de coupler deux ordinateurs, ni même deux puces différentes, puisque tout est fait sur un seul bout de silice.
CALCUL & GRAPHISMES : LE 2 EN 1
En gros, le SoC (aussi appelé APU pour Accelerated Processing Unit) est une puce qui intègre le processeur ainsi que le chipset graphique. En gros, les deux éléments sont montés l'un sur l'autre. Forcément, avec cette façon de faire, on réalise de grosses économies sur le prix de fabrication, ainsi que sur la consommation électrique - en effet, les deux puces sont collées, et il n'y a qu'un seul système de refroidissement. Naturellement, le tout se fait au détriment de la performance, puisqu'il est impossible d'envoyer autant d'électricité dans la puce tout en la refroidissant correctement. Autre inconvénient : la mémoire est désormais partagée entre le CPU et le chipset graphique, puisque tout est sur la même puce. Enfin, autre effet trompeur : lorsque les fabricants mentionnent la puissance de leurs machines en téraflops, ils parlent souvent de la puissance totale de la puce (soit CPU + GPU), là où l'on n'évoque que la puissance des GPU lorsqu'on parle de la puissance sur PC.
LA COURSE À LA PUISSANCE : UN GROS FLOP ?
Concrètement, que l'on parle de CPU, de GPU ou de SoC, le système de fonctionnement d'une puce reste le même, et on peut le comparer à celui d'un moteur à explosion (voiture ou moto). Pour faire simple, plus une puce est "puissante", plus elle est capable de calculer vite, et donc d'effectuer un grand nombre d'opérations à virgule flottante par seconde (les fameux FLOPs - Floating point Operations Per second), ce qui pourrait s'apparenter aux chevaux vapeur d'un moteur à explosion. Pour effectuer ces opérations, deux facteurs sont déterminants : le nombre d'unités de calcul (les Cu dans les SoC AMD des machines next-gen, les CUDA Cores sur les GPU NVIDIA) et leur fréquence. Pour reprendre l'analogie mécanique, le nombre de Cu s'apparente à la cylindrée du moteur, tandis que la fréquence est le nombre de tours/minute. Ainsi, comme sur une voiture, pour obtenir une puissance de 200 CV, on peut soit opter pour un gros 3,5L tournant à 6 000 tours/minute, ou prendre un petit moteur 1L capable de monter à 17000 tours/minute.
Pour en revenir à nos deux consoles, Microsoft a opté pour une grosse cylindrée (52 Cu contre 36 sur la PS5), tandis que Sony Interactive Entertainment favorise la fréquence (2,23Ghz au lieu de 1,83 sur la Xbox Series X). Sauf que voilà, si on prend une cylindrée trop faible, on aura beau faire tourner le moteur à fond, on n'arrivera jamais à compenser le déficit de cylindrée. D'ailleurs, en mécanique, les Américains amateurs de gros V8 aiment dire : "There's no replacement for displacement" ; soit : "Il n'y a pas d'alternative à la cylindrée". C'est aussi un peu vrai en informatique.
RADIO FRÉQUENCE NERD
Comme dans votre voiture, la puce ne tourne pas toujours à son régime maximum. Personne ne fait un créneau avec l'aiguille dans la zone rouge, et ce, afin de ménager la consommation de carburant et la longévité du moteur. Sur une puce, c'est pareil : la fréquence maximum n'est que rarement utilisée pour éviter une surconsommation électrique, et surtout une surchauffe du matériel. Or, de manière assez logique, plus on consomme de watts, plus la puce chauffe. Et si votre moteur dispose d'une zone rouge après laquelle tout casse, votre puce dispose, pour sa part, d'une limite thermique à ne pas dépasser, faute de quoi, tout brûle - sachant que plus on monte en fréquence, plus il faut mettre d'électricité pour que la puce marche, tout comme on doit injecter plus d'essence quand un moteur tourne vite. Pour éviter ceci, la plupart des SoC (tout comme les CPU et GPU sur PC) disposent d'un système qui fait varier la fréquence de la puce en fonction de la charge de travail, mais également selon sa température.
En clair, si la puce est au repos (la console est allumée, aucun jeu ne tourne) et que vous lançez un disque en 4K, sa fréquence va monter à fond pour traiter l'énorme charge de travail, c'est-à-dire charger le jeu et le faire tourner. Puis, après un moment, la fréquence va baisser, soit parce que le jeu n'est pas très gourmand et qu'il ne nécéssite pas toute la puissance disponible, soit parce que la température monte trop haut (un phénomène appellé Thermal Throttling). Ceux qui jouent sur un PC portable sont particulièrement sujets à ce phénomène, leurs machines enfermant des composants très puissants dans un espace réduit, avec des solutions de refroidissement compactes peu efficaces. Ce type de technologie, ou la fréquence varie, est commune depuis plusieurs années et est appelée différemment selon les fabricants : Turbo Boost chez Intel, ou encore GPU Boost chez NVIDIA. C'est aussi pour cette raison que, souvent, deux fréquences sont mentionnées sur les puces. Celle de base qui est un minimum "garanti" dans des condition adverses, et une dite de "boost" qui est le maximum atteint dans des conditions optimales.
PS5 / XBOX SERIES X, QUI GAGNE ?
Forcément, après tout ceci, vient la question essentielle : qui de la PS5 ou de la Xbox Series X a la plus grosse, et la différence sera-t-elle visible ? Maintenant que vous êtes familiers avec les téraflops, il nous faut aussi savoir comment on obtient le chiffre magique. Nous allons donc faire appel à vos talents de mathématiciens. Rien de compliqué en soi, mais, il faut en passer par là pour tout comprendre en profondeur.
Pour connaître le nombre de téraflops d'une puce, il faut bêtement appliquer la formule suivante :
- (Fréquence * 2 * Stream processors /1000)
Les puces des machines next-gen étant basées sur l'architecture RDNA qui utilse des Cu (qui sont en réalité des "paquets" de 64 coeurs), ça donne :
- (Fréquence * 2 * nombre de Cu * 64/1000)
Dans le cas de la machine de Microsoft, le calcul est donc le suivant :
- (1,825 * 2 * 52 * 64/1000)
A l'aide de la calculette, on tombe sur 12,1472. On constate donc que les 12 téraflops promis par Microsoft sont bien présents.
Maintenant, regardons ces chiffres. Officiellement, 12 téraflops pour la Xbox et 10,3 téraflops sur la PS5. On a souvent pu lire et entendre des arguments selon lesquels 1,7 téraflops, ce n'était pas grand-chose finalement. Si l'on regarde le total, cette perte peut effectivement sembler minime, mais on rappellera ici que la puissance de la PS4 standard est de 1,8 téraflops. L'écart entre les deux machines correspond peu ou prou à ce chiffre, et lorsque l'on voit de quoi la machine est capable, la différence n'est peut-être pas si anecdotique. Vu sous cet angle, on commence à comprendre que la Xbox Series X sera plus puissante, mais est-ce un petit écart ou un gros écart ? Eh bien, l'avantage pris par la console de Microsoft pourrait être bien plus grand que prévu.
En effet, comme on vous l'a evoqué plus haut, les puces ont des fréquences variables, et donc leur puissance est également variable. Or, selon les dires de plusieurs confrères - dont WCCFTech, Notebookcheck ou encore DigitalFoundry - les chiffres communiqués par les constructeurs sont issus de contextes différents. Plus concrètement, les 10,3 téraflops annoncés par Sony Interactive Entertainment sont mesurés quand la puce est en mode "boost", ce qui lui permet de décupler ses performances. Les 12 téraflops annoncés par Microsoft, eux, sont issus d'une utilisation "classique", soit la fréquence garantie.
En réalité, la Xbox Series X ne dispose pas de fréquence dit "boost", la firme de Redmond ayant choisi de simplifier son produit, et donc de baisser un peu le prix de sa puce. Comme la fréquence est donc "fixe" (en quelque sorte), le calcul est particulièrement pertinent : on peut considérer que les 12 téraflops sont acquis. Du côté de Sony Interactive Entertainment, c'est en revanche plus compliqué car la fréquence est variable. Or, comme on vient de l'expliquer, la puce de la PS5 n'atteint les 2,25Ghz que lors de pics et non de manière constante. Autrement dit, les 10,3 téraflops de la PS5, on les obtient en se basant sur cette fréquence haute mais temporaire. Les deux chiffres ne sont donc pas comparables, celui mentionné par le constructeur japonais étant issu d'un cas de figure plus favorable.
Mais est-il possible alors d'obtenir un chiffre comparable ? Dans les faits, tant que personne ne disposera des puces, cette mesure sera impossible. Néanmoins, en prenant en compte le comportement des puces RDNA AMD déjà commercialisées, les spécialistes considèrent qu'il est plus raisonnable d'estimer que la PS5 offrira une fréquence stabilisée aux alentours de 2Ghz, ce qui est une baisse assez faible par rapport aux 2,25Ghz annoncés. On va donc parler ici d'une estimation qui reste favorable à la machine de Sony Interactive Entertainment.
Dans ce cas de figure, la PS5 ne délivre plus 10,3 téraflops, mais plus que 9.2, ce qui creuse l'écart entre les deux machines. Désormais ce n'est plus un écart de 1,7 téraflops mais 2,9, soit environ la puissance de deux Xbox One S (1,4 téraflops). Bref, l'écart est plus grand que prévu, et selon les développeurs (dont Chris Grannell, un ex-Sony) ce n'est certainement pas le SSD plus rapide de la PS5 qui pourra combler ce gouffre.
Il n'y a pas d'autre moyen de le dire : en conditions normales d'utilisation, la PS5 devrait être environ 30% moins puissante que la Xbox Series X
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UNE MESURE À GEOMÉTRIE VARIABLE
En réalisant ce calcul à l'envers, et en imaginant cette fois que la Xbox Series X puisse booster sa fréquence temporairement dans les mêmes proportions, on obtient une console sortant 14.6 téraflops. Ici, l'écart grandit encore plus, puisqu'avec plus d'unités de calcul, même une faible augmentation de la fréquence suffit à grandement amplifier la puissance. On peut clairement affirmer que Microsoft a opté pour la meilleure solution, puisque si jamais le refroidissement de la Xbox Series X s'avère efficace, il n'est pas impossible que Microsoft augmente la fréquence de sa machine via une mise à jour, comme cela avait été le cas avec la Xbox One lors de sa sortie.
Pour reprendre l'analogie des moteurs, s'il est facile d'accroître le régime via un réglage, on ne peut en effet pas augmenter la cylindrée à moins de changer tout le bloc. De même, comme la fréquence ne peut pas être rehaussée à l'infini, plus on arrive à obtenir une puce puissante à basse fréquence en début de génération, plus on dispose d'une réserve de puissance utilisable plus tard. C'est pour cette raison que les amateurs de hardware PC choisissent des composants qui peuvent s'overclocker facilement. L'overclock est simplement le fait de monter les fréquences d'une puce, ce que l'on peut faire chez soi en à peine trois clics. Par contre, il est impossible d'ouvrir son CPU ou son GPU pour lui rajouter des unités de calcul.