Difficile de faire plus culte que Warcraft III ! Le jeu est un monument de la stratégie temps réel, il a posé les bases scénaristiques de World of Warcraft (qui est lui-même devenu un monument parmi les MMORPG), et il a carrément engendré un genre à part entière, sous la forme du MOBA ! Dans ces conditions, l'annonce d'un remaster il y a un peu plus d'un an à la Blizzcon 2018 a suscité un réel enthousiasme de la part des fans. Depuis, la communication de Blizzard sur ce projet s'est faite nettement plus discrète, et nous allons voir que ce n'était pas forcément bon signe. Mais avant d'aborder les sujets qui fâchent, il convient de rendre hommage à ce qui a fait la force de Warcraft III par le passé, et qui permet aujourd'hui à Warcraft III Reforged de ne pas avoir totalement la tête sous l'eau. Selon l'expression consacrée, le troisième volet de Warcraft fut l'épisode de la maturité pour la série. En intégrant des éléments de gameplay issus des jeux de rôle dans la structure habituelle des jeux de stratégie, Blizzard a ouvert le genre à un plus grand public sans jamais le dénaturer.
En plus des unités de base habituelles, le jeu nous propose différents héros capables de monter en niveau, de déclencher des compétences spéciales, et de porter des objets particuliers dans un mini-inventaire. En se baladant dans les maps de la campagne principale, on peut même tomber sur des petites quêtes annexes (retrouver un personnage égaré, abattre telle ou telle créature…) et recevoir une sympathique récompense une fois la mission accomplie. Tout cela se rajoute aux concepts habituels des RTS (création de bâtiments, entraînement d'unités, formation de groupes…) sans les remplacer ni les piétiner. Le scénario est quant à lui loin d'être anecdotique dans le lore de Warcraft, puisqu'il suit le périple du prince Arthas et l'avènement du Roi Liche. Rejouer à Warcraft III dix-huit ans plus tard nous donne également le plaisir de retrouver des personnages devenus encore plus importants et iconiques depuis la sortie de World of Warcraft, tels que Thrall, Jaina Portvaillant, Sylvanas Coursevent ou encore Kel'Thuzad.
ZOG ZOG OU PAS GLOP PAS GLOP ?
Bref, vous l'aurez compris : rejouer à Warcraft III en 2020 reste plaisant, le gameplay et la campagne solo n'ayant pas trop souffert du temps passé. Pour les graphismes il ne pouvait évidemment en être de même, et un bon ravalement de façade s'imposait. Et c'est là que le jeu commence à souffler le chaud et le froid (avant de carrément nous glacer les os...). On peut par exemple désormais jouer dans de très hautes résolutions et dans un format large, ce qui est naturellement une bonne chose. Le changement graphique le plus drastique et le plus positif concerne les modèles 3D des unités, qui passent d'un faible nombre de polygones plus ou moins reconnaissables à une représentation très détaillée des personnages, que l'on identifie du coup beaucoup plus facilement. On pourra tout de même noter ici ou là quelques problèmes de proportions, comme ce passage du massacre de Stratholme où le prince Arthas semble quasiment aussi grand que les maisons contaminées qu'il doit épurer. Et les animations de combats semblent parfois moins variées que celles de 2002. De manière plus diffuse, on ressent un manque d’homogénéité dans la direction artistique et, contrairement aux personnages, les décors ne paraissent pas forcément plus beaux que ceux du jeu original. Et maintenant accrochez-vous car on va commencer à remuer le couteau dans la plaie. Tout d'abord, le jeu souffre de problèmes de performances jusque dans ses menus ! On ressent par exemple de la latence lorsqu'on clique sur certaines icônes. Inutilement confus, ces menus nous proposent par ailleurs de "quitter la campagne" ou "continuer" après chaque mission, ce qui amène dans les deux cas au même écran… à partir duquel on peut à nouveau quitter le jeu ou le poursuivre.
Un petit tour dans les options nous a également permis de constater qu'il était impossible de changer les commandes la caméra (histoire de pouvoir la déplacer en ZQSD plutôt qu'avec les antiques touches fléchées.). Le lancement du jeu se fait sur un écran noir ponctué d'un pauvre curseur abandonné, puis se poursuit sur une petite interface dépourvue de tout signe de vie et qui disparaît une fois la connexion aux serveurs effectuée. Une simple animation ou un message informatif n'auraient pas été de trop précisant ce qu'il se passe en arrière-plan n'auraient pas été de trop. Vous pensez qu'on pinaille ? Attendez, ce n'est pas fini. Pendant plusieurs heures nous avons eu droit à un bug qui nous empêchait carrément de profiter de la moindre parcelle de la campagne solo. Chaque lancement de mission aboutissait immédiatement à un écran de défaite, avant même que l''on aie pu voir s'afficher quoi que ce soit. Le manque de finition est flagrant. On peut également pester sur l'interface utilisateur, qui était déjà l'un des rares points faibles du jeu original. Elle n'a quasiment pas été remaniée et paraît donc encore plus dépassée à l'heure actuelle. Le plus frustrant à ce sujet ? Sur les vidéos de gameplay présentées à la Blizzcon 2018, une interface bien plus discrète, moderne et élégante était présente !
LES PROMESSES NON TENUES DE LA BLIZZCON
Si la Blizzcon 2018 a joué un rôle majeur dans le nombre de précommandes de Warcraft III Reforged, la vraie-fausse interface n'a pas été la seule promesse non tenue. On peut même parler de publicité mensongère en ce qui concerne les scènes cinématiques. En effet, Blizzard nous promettait quatre heures de cinématiques retravaillées et donnait notamment en exemple l'introduction de la sixième mission de la campagne des humains. On pouvait y observer des mouvements de caméra dynamiques, des gros plans en champ-contrechamp et des animations dédiées à cette séquence. La comparaison avec la scène à laquelle on a droit au final fait franchement mal au derche, puisqu'on doit finalement se contenter d'une caméra "RTS" placée très en hauteur et de personnages qui se dandinent maladroitement afin de simuler quelques mouvements. Oubliez donc tout aspect cinématographique et toute animation spécifique pour les scènes cinématiques en jeu. Quant aux scènes précalculées, elles sont pour la plupart identiques à celles de 2002. Ceux qui espéraient qu'elles soient toutes refaites à la manière de la séquence d'introduction en seront pour leurs frais.
On peut également regretter l'absence de commande permettant de basculer en temps réel entre la version Reforged et la version classique, une possibilité qui n'avait pourtant pas été oubliée dans StarCraft Remastered. Ici, pour retrouver les graphismes d'antan, il faut impérativement quitter la partie en cours et passer par le menu principal. Et l'air de rien, cette commande cache en réalité une mauvaise nouvelle supplémentaire ! En effet, les possesseurs de la version classique de Warcraft III se voient imposés le téléchargement de 30 Go de données et n'ont désormais d'autre choix que de passer par les menus et l'infrastructure de réseau "Reforged". Le bouton permettant d'enclencher les graphismes améliorés est alors grisé pour eux. Problème : Warcraft III Reforged fait moins bien que son aîné sur bien des points et ne donne plus accès à certaines campagnes personnalisées, aux profils de joueurs, aux clans, aux classements compétitifs et à quelques autres fonctionnalités encore. Cerise pourrie sur le gâteau : une nouvelle clause dans les conditions d'utilisation que personne ne lit indique que les modes de jeu créés par les joueurs appartiennent automatiquement à Blizzard (on ne sait jamais qu'un nouveau DOTA voie le jour...). Bref, nouveaux venus et anciens joueurs : tout le monde est puni à travers ce Warcraft III Reforged ! Devant l'ampleur du scandale (le jeu se paye tout de même le luxe d'être le moins bien noté de tous les temps par les utilisateurs de Metacritic...), il y a fort à parier que Blizzard présente ses excuses d'ici peu et fournisse quelques patchs salvateurs. Comme dirait notre ami le péon orc : "du travail, encore du travail…".