Développé par Iggymob, un studio sud-coréen habitué à faire de la sous-traitance, Gungrave G.O.R.E fait suite aux deux premiers épisodes sortis sur PS2 au début des années 2000. A cette époque, la techno n’était pas aussi aboutie qu’aujourd’hui, et les joueurs sans doute moins exigeants. Bien que les deux jeux n’aient pas réellement marqué le paysage vidéoludique, ils sont tout de même restés dans le cœur de certains joueurs, sans doute tombés amoureux de la série animée adaptée des jeux vidéo, elle aussi sortie il y a une petite vingtaine d’années. C’est par le biais de cette perspective que Gungrave G.O.R.E a été développé, comme une sorte d’hommage à ces shooters où tirer à tout va suffisait amplement pour s’amuser. Loin des codes imposés par une industrie qui n’a de cesse de multiplier les open-world, le jeu développé par Iggymob prend ce merveilleux contre-pied du jeu couloir basique. C’est certes grossier, mais amplement assumé. De l’action sans prise de tête, un héros qui se veut goth-badass, un feeling old school, tels sont les principaux leitmotivs de ce titre qui n’a aucune prétention de révolutionner quoi que ce soit. Sur le papier, c’est aguicheur, mais une fois le jeu lancé, on comprend assez rapidement les limites d’un tel pari, surtout quand ce dernier est mal exécuté.
DE LA TRÈS VIEILLE ECOLE
Si l’on ne tiendra pas rigueur du scénario qui tient sur un simple post-it (on incarne Grave, un ancien malfrat ressuscité à l’aide d’une substance mystérieuse, et envoyé au front pour aller nettoyer la ville d’une mafia véreuse), difficile en revanche de ne pas tiquer face à la réalisation et à l’aspect technique du jeu. Gungrave G.O.R.E n’est pas foncièrement un jeu moche, mais il est en revanche clairement daté. Avec un développement qui a démarré il y a au moins 6/7 ans, il n’y avait malheureusement aucun miracle possible. Les assets datent de la gen’ précédente (si ce n’est pas celle d’avant encore), ça saute aux yeux et il y a une forte inégalité dans le rendu des environnements. Des décors souvent très cubiques, qui passent assez inaperçus dans les dédales de couloirs industriels, mais dès lors qu’on se retrouve dans les environnements plus naturels, avec de la verdure et quelques pans de montagne, on voit rapidement les contours de ces formes si géométriques. Si Grave est correctement modélisé dans l’ensemble, ce n’est pas le cas des ennemis, surtout lorsqu’ils sont humains. Autant les créatures passent bien, autant les mafieux donnent l’impression de sortir de l’époque PS2. A cela s’ajoute la raideur des animations, et ce quel que soit le personnage, Grave y compris. Ce dernier se déplace d’ailleurs comme un gros pachyderme, auquel on lui a accroché des boulets aux pieds. Assez logique me direz-vous quand on sait qu’il trimballe une sorte de cercueil en bandoulière, qui n’est autre que son arme de destruction massive. Fort heureusement, Grave possède quelques aptitudes physiques qui lui permettent de faire fi de ses déplacements lourdauds, comme la possibilité de réaliser des esquives sur les côtés ou vers l’arrière, avec le bon goût de pouvoir continuer à tirer dans le même temps.
Gungrave G.O.R.E n’est pas foncièrement un jeu moche, mais il est en revanche clairement daté. Avec un développement qui a démarré il y a au moins 6/7 ans, il n’y avait malheureusement aucun miracle possible. Les assets datent de la gen’ précédente (si ce n’est pas celle d’avant encore), ça saute aux yeux et il y a une forte inégalité dans le rendu des environnements.
Shooter à tout va, c’est d’ailleurs la seule et unique chose qui est demandée au joueur, au risque sans doute de fracasser les gâchettes de ses manettes. Parce que contrairement à un shoot’em up où il suffit de maintenir la touche de tir appuyée, dans Gungrave G.O.R.E., il va falloir la marteler, avec l’assurance de développer une crampe au bout de 3 heures de jeu. Si certains y verront un gameplay abrutissant, et ils n’auront pas tort, d’autres comprendront que le studio Iggymob ont repris les codes des shmups des années 90. Il faut tirer sans cesse et sans relâche, se débarrasser de la nuée d’ennemis qui déboulent continuellement et être en mouvement perpétuel pour ne pas se laisser déborder. On pourrait d’ailleurs citer Returnal comme exemple de comparaison, mais le rendu entre les deux jeux étant à des années-lumière, on évitera d’humilier le titre des Finlandais de Housemarque. C’est d’ailleurs à cause de cette envie de rendre hommage à ce type de jeux et à ce qui se faisait au début des années 2000 qui enferme Gungrave G.O.R.E. dans une structure obsolète, faite de longs couloirs ennuyeux, où aucune interaction n’est possible et où les murs invisibles rappellent à quel point le jeu vidéo d’avant, ce n’est plus possible.
C’est dommage car Gungrave G.O.R.E. possède quelques arguments qui lui permettent de se défendre, avec pour commencer une belle progression dans le personnage. Au fil des chapitres – et il y en a un paquet –, on peut débloquer de nouvelles aptitudes comme cette chaîne capable d’attirer les ennemis vers soi pour les achever d’un tir à bout portant mais aussi pour les prendre en otage. Il y a aussi les attaques mêlées que l’on peut faire évoluer, et qui se révèle être plutôt efficace contre les boss, dès lors qu’on a trouvé leur angle mort. Il y a ensuite tous les tirs de démolition à activer en combinant L2 avec une autre touche, histoire de faire des dégâts plus importants ou permettre à Grave de réaliser des ballets de tirs pour vider la zone d’ennemis un peu trop collants. Il n’est d’ailleurs pas rare de constater que certains tirs de démolition restent moins efficace que le coup de cercueil, mais on mettra ça sur les quelques bugs qu’on peut rencontrer dans le jeu.
C'EST GRAVE DOCTEUR ?
Autre point sur lequel Gungrave G.O.R.E. arrive à se maintenir, c’est sa durée de vie. Avec pas moins de 31 niveaux, le jeu se termine en une douzaine d’heures de jeu, ce qui est honorable pour un titre de cette trempe. De plus, il offre quelques surprises, comme la possibilité de prendre le contrôle de deux autres personnages durant l’aventure, au gameplay d’ailleurs différent de Grave. Certes Bunji Kugashira possède de nombreuses similitudes avec ces deux guns aux munitions illimitées, mais il se montre nettement plus souple que notre héros ténébreux. Quant à Quartz, elle se démarque par ses deux longues couettes, mais surtout par son absence d’armes à feu et ses techniques basées sur les arts martiaux. Attention tout de même, il ne s’agit que de court passages avec lesquels on joue avec, le reste du jeu étant mené par Grave et son inertie de 33 tonnes. Dans tous les cas, le challenge est là, présent, même si parfois il est aidé par ce manque de souplesse global et cette réalisation si datée, témoin d’un développement compliqué. Et même s’il peut se placer comme un certain plaisir coupable avec ce feeling old school, Gungrave G.O.R.E. ne peut masquer son manque d’ambition et de finition.