Resident Evil demeure la véritable poule aux œufs d’or de Capcom. Chaque nouvel opus est scruté avec attention par une communauté de passionnés, toujours prête à analyser la moindre image ou bande-annonce publiée. Depuis 2017 et l’arrivée de Resident Evil 7, la franchise a pris un virage audacieux avec une perspective à la première personne. Une approche qui, si elle renforce indéniablement l’immersion, n’a pas manqué de diviser : certains joueurs l’ont accueillie comme une renaissance du survival horror, tandis que d’autres s’y sont montrés franchement réfractaires. Malgré ces débats, Resident Evil Village a poursuivi dans cette voie, conforté par des ventes solides, laissant penser que Capcom continuerait à imposer ce regard subjectif. Pourtant, la sortie du remake de Resident Evil 4 a rebattu les cartes. Ce dernier, porté par la popularité de Leon S. Kennedy et surtout par sa caméra à l’épaule en vue à la troisième personne, est rapidement devenu l’un des épisodes les plus vendus de la série. Un succès tel qu’il a convaincu Capcom de mettre fin à cette fracture au sein de sa communauté. C’est dans ce contexte que Resident Evil 9 Requiem innove en offrant, pour la première fois, le choix entre la vue subjective et la vue à la troisième personne. Une option accessible directement dans les menus, et qui transforme radicalement la perception du jeu. La première personne plonge le joueur dans une immersion totale, avec un champ de vision limité, une perte de repères et cette sensation de vulnérabilité amplifiée par la respiration haletante de Grace Ashcroft, l’héroïne de l’aventure. À l’inverse, la troisième personne modifie le rythme et oriente davantage l’expérience vers l’action, sans pour autant dissiper l’angoisse. Elle apporte surtout une meilleure lisibilité, permettant d’anticiper plus aisément les dangers et de mieux gérer la peur.
Sur le plan narratif, Resident Evil Requiem semble vouloir renouer avec la peur de l’inconnu, et l’introduction de Grace Ashcroft illustre parfaitement cette ambition. Contrairement à Ethan Winters, souvent réservé sur le plan émotionnel, Grace exprime ses sentiments avec intensité. Elle pense à voix haute, panique, doute et manifeste ses émotions jusque dans son corps, trébuchant ou vacillant sous le poids de l’angoisse. C’est particulièrement perceptible en vue à la troisième personne, où l’on peut observer ses instants de fragilité, un détail que la perspective subjective ne pouvait restituer sans provoquer un effet dérangeant. Cette vulnérabilité confère une dimension humaine aux séquences d’horreur et aux phases d’exploration. Grace n’est ni militaire, ni experte en maniement d’armes : son rôle au sein du FBI est essentiellement analytique. Habituée à un travail de bureau derrière un écran d’ordinateur, la confrontation avec des créatures monstrueuses constitue un défi total, renforçant l’intensité dramatique et immersive de l’expérience.
En évoquant cette créature inquiétante, plusieurs hypothèses circulent déjà sur Internet. Certains y voient une forme évoluée de Lisa Trevor, tandis que d’autres pensent qu’il pourrait s’agir d’Alyssa Ashcroft, la mère de Grace. Pour l’heure, son identité reste un mystère. La créature présente un bras anormalement allongé terminé par de puissantes griffes, et son visage est particulièrement terrifiant : difforme, avec des yeux globuleux et asymétriques et une bouche disproportionnée. Elle se déplace lentement, semble malvoyante et semble guidée principalement par l’odeur de ses proies. Cependant, elle présente une faiblesse notable : la lumière, même artificielle, peut l’affaiblir. Cela offre à Grace la possibilité de se réfugier dans des zones éclairées, afin de reprendre son souffle et de se protéger temporairement. Capcom ne manque toutefois pas de jouer avec cette dynamique : certaines pièces, initialement éclairées, peuvent soudainement sombrer dans l’obscurité sans avertissement, obligeant le joueur à fuir rapidement pour éviter d’être attaqué.
Dans toutes les situations de fuite, le gameplay révèle toute sa subtilité. En vue à la première personne, l’expérience est une immersion totale dans la panique : chaque bruit, chaque obstacle devient source d’angoisse. En vue à la troisième personne, la lisibilité de l’espace est accrue, mais la tension reste palpable à chaque chute, chaque porte bloquée, chaque détour forcé. Cela s’explique aisément : dans Resident Evil Requiem, le joueur n’incarne pas un héros surarmé. Ici, la survie repose sur la prudence, l’observation et la discrétion : il faut fuir, se tapir dans l’ombre, écouter le moindre son et attendre le moment opportun. La confrontation directe est quasi inexistante, chaque rencontre constituant un véritable test nerveux destiné à maintenir une pression constante. Une scène particulièrement glaçante illustre ce principe : Grace découvre un cadavre avant que la créature ne surgisse littéralement du mur pour l’engloutir, à quelques centimètres à peine. L’effet est d’autant plus saisissant qu’il intervient après une accalmie trompeuse, un jumpscare parfaitement orchestré. Le sound design contribue également à renforcer cette tension. Capcom s’inspire sans doute de la démo P.T. de Kojima, en recréant des lieux évoquant les grandes heures du manoir Spencer : couloirs étroits, pièces confinées, portes grinçantes et obscurité oppressante. La lumière est rare, vacillante, et parfois trompeuse : un couloir peut s’éclairer pour ne révéler qu’une simple statue au loin, tandis que le joueur ne dispose que d’un modeste briquet pour s’orienter, accentuant l’impression d’évoluer à tâtons dans un piège vivant. Quant aux moyens de défense de Grace, ils se limitent à quelques bouteilles à lancer, insuffisantes face à l’horreur qui l’attend.
Sur le plan graphique, Resident Evil Requiem se distingue déjà comme une réussite majeure, portée par le moteur maison de Capcom, le RE Engine. Les textures sont d’une précision remarquable, les ombres dynamiques et la gestion de la lumière confèrent aux environnements une profondeur saisissante. Dans certaines pièces, l’allumage d’une simple lampe suffit à générer une tension plus palpable que celle provoquée par une horde de créatures. La lumière, toujours insuffisante, laisse l’ombre se tapir, renforçant l’atmosphère oppressante. Au