Le 16 mai 2025, le studio Bungie, autrefois loué pour son sens de l'innovation avec des titres comme Halo et Destiny, se retrouve englué dans une nouvelle polémique. Cette fois, il ne s'agit ni de gameplay contesté ni de microtransactions abusives, mais d'une affaire beaucoup plus grave : l'accusation de plagiat portée par une artiste indépendante contre leur prochain jeu : Marathon. Fern Hook, une artiste indépendante de 30 ans basée en Écosse, connue sous le pseudonyme Antireal, a dénoncé l'utilisation non autorisée de ses œuvres dans la version alpha de Marathon. "Le jeu est couvert d’assets tirés de posters que j’ai réalisés en 2017", a-t-elle déclaré sur Twitter. Si la bande-annonce initiale de 2023 avait éveillé ses soupçons, elle n’avait pas, à l’époque, relevé d’éléments directement dérivés de son travail.
Tout a basculé en avril 2025, lorsque des créateurs de contenu ont commencé à publier des vidéos de gameplay issues d’une version alpha ouverte. "Très rapidement, j’ai reconnu mon travail", explique-t-elle au Washington Post. Des éléments de typographie futuriste, des icônes et des compositions graphiques visibles dans Marathon étaient directement inspirés de ses œuvres, publiées dès 2017 sur des plateformes comme Tumblr et X (anciennement Twitter). Elle évoque même un sentiment paradoxal de soulagement : "C’était presque rassurant de voir du plagiat pur et simple, car ça signifiait que je n’étais pas folle d’avoir ce malaise diffus." Conseillée de garder le silence pour envisager une procédure légale, Fern Hook a finalement renoncé, faute de temps, de moyens et face à l’ampleur juridique d’un affrontement contre Sony, maison-mère de Bungie.
Bungie reconnait les faits
Alerté par la presse, Sony Interactive Entertainment a renvoyé vers le communiqué de Bungie, publié sur X : "Nous avons confirmé qu’un ancien artiste de Bungie avait intégré des décalcomanies non autorisées dans une texture utilisée en jeu. Ce problème était inconnu de notre équipe artistique actuelle." Le studio affirme avoir contacté Hook, lancé un audit interne et promis des contrôles plus stricts pour vérifier l'origine de tous les assets artistiques utilisés dans leurs projets. Ce n'est pas la première fois que Bungie est accusé de plagiat. En 2024, le studio avait déjà été critiqué pour avoir utilisé une œuvre de l'artiste Tofu Rabbit dans un produit dérivé de Destiny 2 sans autorisation. À l'époque, Bungie avait indemnisé l'artiste après avoir reconnu l'erreur. Ces incidents répétés soulèvent des préoccupations quant aux pratiques internes du studio en matière de respect des droits d'auteur.
Une image ternie dans un contexte fragile
Marathon, reboot d’un classique des années 1990, devait marquer un renouveau pour le studio. L’univers visuel, mélange de couleurs néon et d’esthétique rétro-futuriste façon Wipeout, avait pourtant été salué comme l’un des rares éléments innovants du projet. Aujourd’hui, cet aspect même est remis en question. Car en réalité, ce style si distinctif trouve ses racines dans l’œuvre d’une artiste indépendante, pillée sans vergogne. Dans un contexte financier difficile pour Bungie, récemment frappé par des licenciements et une restructuration interne, cette affaire risque d’aggraver une image déjà fragilisée. Le studio est désormais sommé non seulement de faire preuve de transparence, mais de retrouver une boussole morale dans sa relation avec la création artistique.
Pour Fern Hook, ce n’est malheureusement pas une première. "J’ai vu mon travail être tracé ou volé à plusieurs reprises au fil des dix dernières années", confie-t-elle. Lassée d’être perçue comme "celle qui se plaint", elle avait appris à se taire. Mais cette fois, le soutien a afflué. Des centaines de personnes ont fait des dons pour soutenir ses projets en ligne. Au-delà du visuel, Hook est également compositrice de musique drum and bass et sound designer sous le nom N2, tout en co-dirigeant une entreprise de conseil en design et logiciels, Superstructure. Une artiste complète, aux talents multiples, et désormais au centre d’un combat symbolique. "Le soutien a été incroyable. Pour une fois, on m’a vue comme une artiste, pas comme quelqu'un qui se plaint." avoue-t-elle avec soulagement.
Ce nouvel épisode rappelle cruellement à quel point les créateurs indépendants sont vulnérables dans une industrie dominée par les mastodontes. Si Bungie veut regagner la confiance du public, cela passera non seulement par des excuses publiques, mais par des actions concrètes pour protéger et valoriser l’originalité. Car sans artistes, il n’y a pas de jeu vidéo, ni présent, ni futur.