Condamnés à mort pour des crimes qu’ils ont jadis commis, Kane et Lynch se retrouvent tous les deux enfermés dans un fourgon de la Police avant d’être sauvés in extremis par un groupe de terroristes, visiblement pas anodins. Secoués par leur accident de la route, nos deux bonshommes vont finalement devoir se faire mutuellement confiance pour espérer sortir du merdier dans lequel ils se trouvent. Le clan des 7, auquel Kane faisait partie avant de filer en taule, a décidé de remettre quelques pendules à l’heure et lui accorde une dernière chance de se racheter, en récupérant le pognon disparu. Accompagné par Lynch, Kane va donc devoir remplir des objectifs précis pour retrouver sa femme et sa fille en bonne santé. S’ensuit alors un voyage aux quatre coins du monde, où nos deux individus vont devoir se lier d’amitié et d’inimitié pour ne pas finir les bras en croix et être placés respectivement dans un cercueil de bois. On n’est plus très loin du buddy-movie tout d’un coup…
American Gangsters
Comme dans les vrais films de gangsters, les deux personnages principaux du jeu que sont Kane et Lynch sont loin des héros clichés à la carrure bien bâtie et au sourire Colgate. Ici, nos deux joyeux lurons ont plutôt tendance à vouloir faire fuir la gent féminine, trop effrayée par la grande cicatrice qui parcourt le visage de Kane et la calvitie on ne peut plus prononcée du père Lynch. Pire encore, nos deux malfrats – et plus particulièrement Lynch – n’ont pas l’habitude de mâcher leurs mots et la vulgarité fait partie de leur état d’esprit. Enculé, va te faire foutre, je t’emmerde, ferme ta gueule, fils de pute, les gros mots ne manquent pas, et paradoxalement le jeu ne sombre jamais dans la vulgarité gratuite, car chaque situation est auréolée par un humour caustique qui prête à sourire. Ce sont d’ailleurs ces dialogues triviaux qui participent à l’élaboration d’une certaine atmosphère dans le jeu, et qui lui confère ce cachet si particulier. A cela, il faut ajouter une mise en scène très cinématographique, avec des plans travaillés et des situations qui renvoient systématiquement vers des films tels que Heat et Collateral, deux films de Michael Mann. Certaines scènes du jeu, comme le braquage de la banque, le duel avec les forces de l’ordres dans les rues de Tokyo et l’entrée dans la boîte de nuit font clairement référence à ces deux films, et ce ne sont pas les développeurs chez Io Interactive qui viendront me contredire. Forcément, la violence – parfois gratuite de Lynch mais justifiée pour son instabilité psychologique – fait intégralement partie de Kane & Lynch : Dead Men, qui ne manque pas de tâcher les murs blancs de giclées d’hémoglobine et autres balles dans la tempe en gros plan. Jouissif ? Carrément !
Rush Hour
C’est d’ailleurs dans ce sens qu’il faut savourer ce Kane & Lynch : Dead Men, à savoir un polar interactif où le joueur s’engage dans une histoire qui le mènera à la conclusion finale. C’est à la fois un avantage et un inconvénient puisque pour atteindre ce niveau d’exigence dans la narration du scénario, les concepteurs ont du écarter toute idée de liberté de gameplay. Attendez-vous donc à un jeu très dirigiste où le joueur est pris par la main du début jusqu’à la fin, à l’exception peut-être de quelques missions plus ouvertes. Plutôt utile dans les jeux du genre GTA, le radar dans Kane & Lynch : Dead Men ne fait qu’accentuer ce sentiment de conduite quasi automatique, dans le sens où le joueur n’est jamais perdu un seul instant. Pire, l’objectif et le point où il faut se rendre apparaissent souvent de manière bien distincte sur le terrain. Bref, il ne manquait plus que la flèche directionnelle placée en haut de l’écran pour que ce sentiment de linéarité soit complète. Pour pallier à ce sentiment de frustration, Io Interactive a eu l’ingénieuse idée de varier au maximum les situations, et chaque mission est une nouvelle découverte. Des grandes autoroutes américaines aux cellules étriquées d’une prison, en passant par les rues de Tokyo, la jungle luxuriante de l’Amérique Latine ou bien encore la descente en rappel d’un building d’une centaine d’étages, Kane & Lynch : Dead Men se renouvèle constamment. Une qualité que d’autres jeux du même acabit ne proposent pas forcément.
S’il faut compter environ
Dommages collatéraux
Dans sa construction mais aussi ses mécanismes de base, Kane & Lynch : Dead Men est un TPS, en d’autres termes un Third Person Shooter. En solo, le joueur se cantonne à diriger Kane. Pour pouvoir avoir le plaisir de prendre les commandes du barré Lynch, il faut s’adonner au plaisir du jeu en coopération. La caméra placée à droite du personnage, près de son épaule n’est pas sans rappeler un certain Resident Evil 4 ou plus récemment Gears of War. Evidemment, comme il est possible de se mettre à couvert derrière n’importe quel élément du décor (mur, poutre, voiture et autres) et de tirer à l’aveuglette, la comparaison avec le titre d’Epic Games saute évidemment aux yeux. Les plus avisés préfèreront parler de kill.switch, un jeu passé presque inaperçu mais qui faisait partie des premiers à instaurer ce système de gameplay. Quoiqu’il en soit, Kane & Lynch : Dead Men excelle dans ces moments fort où chaque séquence de gunfight est une poussée d’adrénaline assez plaisante. Certes, on est loin du plaisir procuré par un Gears of War, mais les sensations sont bien là, surtout quand on parvient à varier ses exécutions, réalisables aussi au corps à corps, mais de manière plutôt limité, avouons-le. Une fois la partie solo pliée, reste alors le mode multijoueur. Baptisé Fragile Alliance, il consiste à braquer une banque dans un temps imparti. Evidemment, le but est de glaner le maximum d'argent possible pour ensuite aller rejoindre un camion de la Brinks local. A l'instar du mode solo, les joueurs disposent d'un arsenal de taille, mais en cas de mort prématurée, le joueur n'est pas pénalisé immédiatement, dans le sens où il passe de l'autre côté de la Force, dans le camp des flics. Son rôle s'inverse alors et son objectif est de contrer ses ex-camarade de braquage. Si l'idée est intéressante et les parties plutôt endiablées, il faut bien reconnaître qu'un seul mode de jeu est bien trop juste pour faire durer le plaisir des heures durant.
En revanche, côté réalisation, on passe du coq à l’âne sans jamais vraiment comprendre pourquoi. Globalement assez joli, avec notamment une modélisation de Kane et Lynch et d’autres personnages tiers d’une qualité exceptionnelle, les graphismes du jeu brillent aussi par certains décors très inspirés et fournis en détails. Paradoxalement, les textures sont d’une simplicité affligeante et les couleurs beaucoup trop fades ternissent le résultat graphique, au point parfois de trouver le jeu moche. Comme dit quelques lignes plus haut, Kane & Lynch : Dead Men est capable du meilleur comme du pire, d’autant qu’à cela se rajoutent des bugs de collision assez nombreux et un frame-rate parfois capricieux. Io Interactive a-t-il dû précipiter la sortie de son œuvre pour ne pas manquer la grande kermesse de cette fin d’année ? C’est bien le sentiment qui se dégage, car ces derniers ont plutôt l’habitude de fignoler au maximum leurs jeux, Hitman étant une preuve vivante.