Abandonné par sa famille, un pauvre et frêle Illageois finit par tomber sur l'orbe de domination, qui le corrompt et le transforme en méchant Arch-illageois désireux d'instaurer un régime de terreur. Voilà pour le scénario de Minecraft Dungeons, vite expédié par une cinématique d'intro plutôt sympathique puisqu'elle reprend tous les codes esthétiques de Minecraft. C'est d'ailleurs tout le jeu dans son ensemble qui en fait autant. On retrouve avec plaisir les ennemis emblématiques de la licence, notamment les fameux creepers explosifs. La plupart des éléments de décors et des personnages sont construits à partir de cubes, tandis que les environnements se montrent à la fois variés (neige, lave, roche, marais, désert…) et familiers puisqu'ils s'inspirent eux aussi du jeu original. Les fans apprécieront forcément. Les autres aussi, car la direction artistique fonctionne très bien. Les cubes arrivent à représenter correctement les paysages, les différents chemins restent en permanence lisibles, et l'ensemble, supporté par des effets de lumière modernes, ne manque au final pas de charme. Bref, l'esthétique Minecraft répond à l'appel, et on ne peut que s'en féliciter. En revanche, il ne faut pas attendre plus que ces références graphiques et un univers commun avec le titre original de Mojang. Minecraft Dungeons fait l'impasse sur toute destruction de blocs ou construction d'objets. N'espérez pas creuser dans quoi que ce soit, faire exploser autre chose que les ennemis, ou crafter vous-même votre équipement. Rien de tout ça n'est présent, et c'est fort regrettable pour un jeu estampillé Minecraft. Les développeurs auraient pu se servir de cette filiation "briquophile" comme d'une plus-value leur permettant de se démarquer de la concurrence. Surtout que Dragon Quest Builders a déjà, et plutôt brillamment, prouvé qu'il est tout à fait possible d'intégrer des éléments de construction dans un action-RPG...
"MON TOUT PREMIER DIABLO"
Car c'est bien à un action-RPG auquel nous avons affaire aujourd'hui. Et même plus précisément à un Diablo-like. L'influence du titre de Blizzard se ressent en permanence, ce dont on n'ira évidemment pas se plaindre tellement la recette est efficace. Mais attention, tout a été simplifié afin que l'expérience reste accessible aux plus jeunes joueurs. Non seulement le jeu reste en permanence mignon et refuse toute véritable violence, mais il prend également grand soin de ne jamais se montrer complexe. Ainsi, la vie se gère essentiellement à l'aide d'une potion de soin infinie uniquement limitée par un temps de recharge. L'équipement se limite à une arme de contact, une arme à distance, et une armure. Quant aux sorts ou aux autres aptitudes qu'on trouverait ailleurs, ils prennent ici la forme d'artefacts aux effets variés (canne à pêche pour attirer les ennemis, bottes pour se déplacer plus rapidement, invocation de familier, tir explosif, etc.). Sachant qu'il n'est possible d'en équiper que trois simultanément, l'ensemble des commandes restent en permanence à portée de main, sans qu'il soit jamais nécessaire d'aller se rendre dans un menu trop complexe.
L'enchantement des pièces d'équipement se fait de manière essentiellement aléatoire, et l'on retrouve cette prédominance du hasard dans l'achat en ville, puisque le forgeron et le marchand d'artefacts ne vendent pas directement des objets, mais uniquement des sortes de lootboxes médiévales contenant un équipement aléatoire. On notera au passage que le camp principal ne comporte donc en tout et pour tout que deux PNJ ! Il n'y a pas non plus de classe de personnage à choisir, ni de points à dépenser dans des statistiques variées. En plus de cette simplification des principaux concepts des Diablo-like, le jeu se montre également généreux d'une manière plus globale. Ainsi, démonter une arme permet de récupérer non seulement de l'argent, mais également les points d'enchantement qu'on avait dépensés pour l'améliorer. En cours de partie, on peut mourir et revenir à la vie trois fois avant le réel game over. Et la direction de l'objectif en cours est en permanence indiqué par une icône intelligente, qui nous guide littéralement jusqu'à la sortie. On a donc tendance à ne pas trop explorer les niveaux qui, de toutes manières, ne réservent pas beaucoup de surprises, la faute à une génération aléatoire assez basique.
INTERDIT AUX PLUS DE 18 ANS
Vous l'aurez compris, le jeu s'adresse plus aux débutants qu'aux joueurs acharnés ayant déjà retourné Diablo 3, Path of Exile et Grim Dawn. Naturellement, on pourra voir dans tout cela plutôt une qualité ou un défaut, selon la catégorie à laquelle on appartient. Le jeu se dote tout de même de quelques bonnes idées objectivement sympathiques, comme ce cochon qui reprend le rôle du gobelin au trésor de Diablo 3, ces mignonnes petites clés vivantes qui profitent du moindre affrontement pour nous échapper et revenir à leur point initial, ou encore les chariots de la mine qui nous occasionnent des dégâts si on reste sur leur chemin. Hélas, les friandises de ce genre ne sont pas très nombreuses. Le jeu tente tout de même de séduire les joueurs plus aguerris grâce à un double système de difficulté. Le premier permet de boucler l'aventure en trois modes successifs (nommés "par défaut", "aventure" et "apocalypse"), tandis qu'à l'intérieur d'un mode donné, il est possible d'appliquer un multiplicateur de difficulté différent à chaque mission, afin d'obtenir du meilleur loot. Tout cela n'empêche pas Minecraft Dungeons de tomber dans le syndrome du "petit jeu", puisqu'il faut moins de cinq heures pour terminer l'aventure dans le mode de difficulté par défaut. Et la simplicité globale de l'expérience ne donne pas forcément envie de recommencer dans les modes supérieurs.
Tout cela n'empêche pas Minecraft Dungeons de tomber dans le syndrome du "petit jeu", puisqu'il faut moins de cinq heures pour terminer l'aventure dans le mode de difficulté par défaut.
Le plus irritant reste que des contenus téléchargeables payants sont déjà prévus puisque le jeu nous gratifie du message "deux nouvelles aventures seront bientôt disponibles à l'achat" sur la carte principale. Petite cerise moisie sur le gâteau, on a droit à quelques rares bugs (porte qui refuse de s'ouvrir, personnage qui reste suspendu dans le vide…) mais surtout à une localisation française indigne d'un grand éditeur. L'assignation des touches dans le menu d'options s'appelle "liaisons clés" (traduction littérale de "key bindings"), un menu nous parle de "rotation" au lieu de "roulade", un autre affiche la phrase "les récompenses sont ultra forts" et l'un des premiers messages que vous verrez en jeu sera "Vous a ramassé Epée". Voilà qui fait un peu tâche pour un éditeur de la taille de Microsoft. Au final, l'impression générale qui se dégage de Minecraft Dungeons est celle d'un petit action-RPG sympa, notamment pour les plus jeunes, mais pas suffisamment fouillé pour devenir aussi légendaire que le Minecraft original.