Jeuxactu : Vous venez tout juste d’annoncer un nouveau jeu chez Metronomik : No Straight Roads 2 — NSR2. Cela fait cinq ans depuis le premier épisode. Pourquoi une si longue attente ? Quelles sont les nouveautés ? On continue l’histoire ou il y a des changements majeurs ?
Idir Alexander : Merci Max ! Oui, No Straight Roads 2. On avait lancé le premier le 25 août 2020, en plein COVID… Pas les meilleurs souvenirs, honnêtement. Mais le lancement a été super. Une communauté géniale s’est formée autour du jeu. Je ne vais pas parler de chiffres de ventes, mais on a dépassé les 100 millions d’écoutes sur les plateformes de streaming. C’est un jeu basé sur la musique, donc voir qu’il a autant résonné avec les fans, ça fait chaud au cœur.
Et ça fait 5 ans que vous bossez sur NSR 2, ou il y a autre chose ?
On a commencé à développer un autre jeu, Ondeh Ondeh. On en reparlera plus tard dans l’année, c’était un projet plus discret au début. Mais voilà, depuis quatre ans, on bosse sérieusement. Il y a deux ans, on a signé avec Shueisha Games, l’éditeur de Dragon Ball, Naruto, etc. Ils se sont lancés dans le jeu vidéo en 2022, avec une équipe très expérimentée (des anciens de PlayStation, Kojima Productions...). Donc ouais, de “petites indés sans expérience” quoi ! (rires)
Et donc, Shueisha vous soutient activement ?
Absolument. Ça correspond vraiment à notre ADN. On est basés en Malaisie, et beaucoup d’entre nous ont travaillé avec des studios japonais. Personnellement, j’étais chez Square Enix avec Wan Hazmer, le cofondateur de Metronomik, qui était Lead Game Designer sur Final Fantasy XV. Donc là, on remet ça, avec toujours une VF aussi !
Qu’est-ce qui a évolué dans le jeu ? Techniquement ? Visuellement ? Gameplay ? Et surtout : la musique reste-t-elle au cœur de l’expérience ?
Bien sûr ! En janvier 2023, Hi-Fi Rush est sorti, par surprise. Personne ne s’y attendait, et ça a cartonné — notamment grâce à Bethesda, maintenant chez Xbox. Ça a remis en lumière les jeux musicaux. On était déjà en pré-prod de NSR2 quand Hi-Fi Rush est sorti, donc on était ravis.Mais on savait qu’on voulait aller plus loin : plus de temps de prod, plus de budget, plus d’expertise. On est partis directement sur Unreal Engine 5, dès sa bêta. Et depuis, on met à jour notre build à chaque nouvelle version. On a même reçu un gros soutien technique de la part d’Epic Games.
Dans la bande-annonce, on voit Mayday et Zuke avec un nouveau look. Plus rock, plus définis. Vous avez ajouté d'autres personnages ?
Oui, Mayday et Zuke sont plus dynamiques, plus affinés. Ils étaient déjà appréciés dans NSR1, mais on a franchi un cap. On tease aussi une nouvelle héroïne dans le trailer, et il y a un quatrième personnage… Donc oui, quatre personnages jouables ! Exclusivité JeuxActu ! (sourire)
C'est trop d'honneur ! Quatre personnages, chacun avec son propre gameplay du coup ?
Exactement. Chacun aura ses propres mécaniques, façons de se déplacer, de résoudre des énigmes, et même de combattre. Certains grimperont sur les murs, d'autres feront du rail-grinding, c’est vraiment varié.
Le jeu se passe toujours à Vinyl City ?
En partie, oui. Mais on va aussi explorer de nouveaux lieux. On appelle ça une “World Tour” — littéralement, le groupe voyage en van ! Donc ouais, c’est bien plus ouvert.
Et le gameplay rythmique reste central ?
Oui, toujours un jeu d’action-aventure musical. Mais cette fois, on a clarifié l’expérience, notamment sur le système de combat. Dans NSR1, les boss étaient solides, mais les combats standards manquaient de profondeur. Aujourd’hui, on s’inspire de Hi-Fi Rush, Devil May Cry, God of War, même Dark Souls pour enrichir ces affrontements.Et on a aussi mis l’accent sur l’exploration et les interactions spécifiques à chaque personnage.
Donc, c’est un peu Hi-Fi Rush, Jet Set Radio, Brütal Legend… ?
Tout à fait. Ce sont des jeux qu’on a étudiés de près. On adore Tim Schafer, d’ailleurs on l’a croisé au Summer Game Fest,c’est une vraie inspiration pour nous.
Un des points forts de NSR1, c’était le doublage français. Vous revenez avec ça aussi ?
Oui ! Kelly Marot revient en Mayday, Donald Reignoux en Zuke, et Julien Chièze aussi...
Mais son personnage est censé être mort… (rires)
Car il est pas mort dans le 1, mais je peux confirmer que Julien Chièze est bien au casting. Et on aura aussi des voix légendaires comme Patrick Borg, Céline Monsarrat, et feu Éric Legrand. On tient à cette VF de qualité, surtout pour les fans de jeux et d’anime.
On observe depuis quelques années une montée en puissance de l’Asie dans l’industrie du jeu vidéo. Black Myth: Wukong — 25 millions de ventes en seulement six mois. C’est colossal. Et la Malaisie dans tout ça ? C’est un pays qui travaille dans l’ombre depuis longtemps, souvent en sous-traitance pour de gros studios. Est-ce qu’elle est en train de changer de statut ? Vous êtes au cœur de ce sujet. Comment analyse-t-on cette évolution ?
Oui, la Malaisie a longtemps été active en tant que sous-traitante, mais elle évolue rapidement. Pour te dire, Metronomik a été l’un des premiers studios malaisiens dont j’ai entendu parler, en 2019. Et même à l’époque, ils avaient déjà un vrai potentiel international. Depuis, il s’est passé énormément de choses. Par exemple, Larian Studios, les créateurs de Baldur’s Gate, ont ouvert un studio là-bas. Ils sont déjà plus de 70 personnes.
PlayStation aussi a ouvert un studio, non ?
Oui, exactement. PlayStation a implanté un studio en Malaisie. Aujourd’hui, ils sont plus d’une centaine à travailler sur des titres first-party. On parle donc de deux structures majeures : Larian Malaysia et PlayStation Malaysia.
Mais est-ce qu’on parle simplement de studios de soutien, ou est-ce qu’ils font plus que ça ?
Ce n’est plus juste de la sous-traitance. C’est du co-développement. Ces studios prennent en charge des pans complets de gameplay, des environnements entiers, et parfois un ou deux niveaux complets, avec une responsabilité artistique totale. On n’est plus dans le : "Faites-nous une skin d’épée." Ils participent activement au processus créatif, et c’est ça qui est vraiment passionnant.
Donc on peut dire que la Malaisie exporte désormais son savoir-faire ?
Absolument. Et je t’invite, toi Maxime, ainsi que tous ceux qui nous écoutent, à revenir explorer l’Asie du Sud-Est. Il y a eu tellement d’évolutions en quelques années. Et puis il y a un autre sujet clé : le soutien gouvernemental. Prenons l’exemple de l’Allemagne. Le gouvernement y soutient activement les studios. Ils peuvent obtenir des financements jusqu’à la phase dite de vertical slice, ce qui peut représenter entre 3 et 5 millions d’euros. C’est un peu ce que le Canada proposait il y a 15–20 ans, surtout au Québec. C’est d’ailleurs ce qui a attiré de grands noms comme Ubisoft.
Avec des avantages fiscaux, j’imagine ?
Exactement. Des taux d’imposition très bas, du soutien logistique... Ce genre d’initiatives permet à des studios de se structurer très tôt dans leur développement. Elle propose également des soutiens au développement, notamment dans les premières phases. Ce n’est pas négligeable, car cela permet d’attirer plus facilement des éditeurs par la suite. Mais beaucoup de studios choisissent aussi l’auto-édition, surtout lorsqu’ils n’ont pas de soutien financier initial. Ils participent à des conférences, se font connaître, ils osent.
Depuis sa création, Metronomik n’a jamais fait de co-développement, ni de services externes. Vous êtes entièrement tournés vers vos propres créations originales, c’est assez rare !
Oui, ça peut sembler "surprenant" vu de l’extérieur, mais pour nous, c’est assez naturel. Chez Metronomik, notre rêve depuis le premier jour, c’est de créer des licences originales. C’est ce qu’on veut faire, point final. Mais ce positionnement demande une vraie rigueur. On grandit prudemment, étape par étape. Et ça, c’est essentiel pour nous. Il faut savoir qu’on a été très impactés par le COVID. Pendant trois ans, de 2020 à 2023, on n’avait aucun bureau physique. On travaillait entièrement en remote, on n’avait même pas de locaux, zéro espace physique. Et pour moi, ça a confirmé une chose : quand on agrandit l’équipe, il faut prendre le temps. On veut s’assurer que chaque personne qui nous rejoint soit non seulement talentueuse, mais aussi humaine, qu’elle s’intègre bien à notre vision, à notre culture.
Je me souviens qu’au moment de No Straight Roads 1, vous étiez une vingtaine dans l’équipe, vous êtes combien aujourd’hui ?
Oui, à peu près 20 personnes à l’époque. Aujourd’hui, pour NSR 2, on est plus de 35 en interne. On travaille aussi avec une dizaine de freelances, dont plusieurs nous accompagnent depuis plus de cinq ans. Et on collabore avec d’autres studios pour des besoins bien spécifiques. On travaille notamment avec un studio malaisien, basé à Kuala Lumpur, qui s’appelle Dune in the Sky. Ils viennent à l’origine d’un petit collectif nommé Anime Passion, qui nous avait déjà aidés sur NSR1. Aujourd’hui, ils s’occupent de cinématiques, d’animations de combat, et de tâches plus complexes qu’on n’a pas forcément le temps ni les compétences internes pour gérer. C’est vraiment une question d’expertise.
Donc vous externalisez certaines choses, mais de façon ciblée ?
Exactement. D’autant que notre pipeline de production ne permet pas toujours de faire travailler toute l’équipe en même temps. Nos projets sont majoritairement financés via des contrats d’édition, avec une structure très précise : nombre de développeurs, coûts par jalon, etc. Du coup, on a besoin de flexibilité, même si on essaie de stabiliser au maximum notre équipe. On croit beaucoup en une force de production solide et cohérente.
Parfait. Merci beaucoup d’avoir répondu à toutes nos questions sur No Straight Roads. On a hâte de découvrir la suite !
Merci à toi.