Jeu vidéo "moderne" oblige (et nous allons assez rapidement voir que les guillemets sont importants…), Disaster Report 4 nous propose avant toute chose de créer notre personnage. Il est possible d'incarner un homme ou femme (aïe, les non binaires vont râler), de choisir parmi une sélection de visages guère différents (c'est du racisme anti-asiatique ou quoi ?), et de sélectionner sa coiffure (ouf, il est possible d'avoir les cheveux bleus !). Notre quidam se rend pour la première fois dans une ville japonaise inconnue, ce qui nous amène à une scène cinématique représentant le trajet en bus. Cette séquence se voit brièvement interrompue par un questionnaire à choix multiples. Vous venez en ville pour… passer un entretien d'embauche ? Faire un tour dans un parc ? Faire du shopping ? Rencontrer des gens ? A vous de choisir parmi plusieurs propositions. Le jeu est rempli de petites interruptions de ce genre, généralement présentées de manière intradiégétique (dialogues, monologues intérieurs…). Si certaines réponses peuvent avoir une influence directe et visible sur le déroulement des événements, la plupart constituent en vérité de faux choix, qui n'ont quasiment aucune importance ou qui aboutissent carrément au même résultat.
Cependant, il faut reconnaître que le jeu propose plusieurs fins, et il est fort possible que certaines de ces réponses anodines soient en fait prises en compte pour l'embranchement ultime. Avant d'en arriver là, il va évidemment falloir faire ce que le jeu attend de vous, c'est à dire rencontrer différents personnages et leur venir en aide. En effet, un tremblement de terre interrompt subitement votre voyage en bus, et vous vous retrouvez hagard, au milieu de décombres et de citadins affolés. Le thème des catastrophes naturelles, et plus particulièrement des tremblements de terre, est central dans la série, comme il peut l'être dans la vie des japonais. En cela, le jeu présente un intérêt indéniable. Particulièrement dépaysante pour nous autres occidentaux, cette aventure du quotidien nous plonge dans des problématiques, des situations et des environnements typiquement nippons.
UN JEU QUI A TECHNIQUEMENT 10 ANS DE RETARD
La structure générale du jeu nous incite à parler aux différentes personnes situées autour de nous jusqu'à trouver un quidam à aider (qu'on appellerait ailleurs "un donneur de quête"). La plupart du temps il faudra retrouver un objet pour lui ou localiser un ami perdu, mais certaines actions à réaliser sont plus originales (enfiler un costume de caissier pour aider un épicier ou porter une grand-mère sur son dos par exemple). Si l'écriture des dialogues remplit son office, sans jamais être extraordinaire toutefois, certains personnages sont eux réellement marquants, intéressants ou délirants. Sur ce point précis, comme sur le fait de pouvoir enfiler des tenues parfois très folkloriques, on a envie d'aimer le jeu et de lui donner sa chance. Mais hélas, la réalisation générale vient vite doucher l'enthousiasme.
Tout d'abord, le jeu se montre très linéaire et bien trop scripté. La ville est découpée en différentes petites zones, et il faut impérativement remplir certaines quêtes pour pouvoir passer à la zone suivante. Certains personnages n'apparaissent qu'après avoir effectué telle ou telle action, et il en va de même pour le déclenchement de certains scripts. Les actions "débloquantes" ne sont pas forcément en rapport avec l'objectif du moment et, avant que l'on tombe sur le bon événement à déclencher, il arrive qu'on tourne en rond un peu trop longtemps. D'ailleurs, le personnage se fend à un moment d'un "je ne sais pas trop ce que je dois faire maintenant" et, durant la première heure de jeu, il y a fort à parier que la plupart des joueurs se diront la même chose. Exemple typique dès le deuxième quartier : un personnage vous demande une bouteille d'eau, alors que vous êtes dans une épicerie dont le sol est littéralement jonché de boissons, et que certaines sont encore présentes sur des étagères. Inutile de chercher pendant des heures une zone interactive qui permettrait de ramasser une de ces bouteilles. Pour débloquer la situation, il faut suivre une toute autre quête qui vous permettra, à terme, d'acheter une boisson. Une fois qu'on a compris qu'il est inutile de chercher de la cohérence et de la logique là où il n'y en a pas, on progresse alors plus rapidement dans l'aventure.
"FREE FROM DISASTER..."
Le jeu propose également un peu de gameplay "survie" mais ne va pas au bout de ses idées. On dispose ainsi d'une barre de vie et d'une barre de stress, et il faut également gérer la faim, la soif et l'envie d'aller aux toilettes. Problème : il est tout à fait possible de gambader comme un cabri même lorsqu'on est censé crever de faim et de soif. Par ailleurs, l'aventure nous place régulièrement face à des petits dilemmes moraux qui, selon les choix effectués, aboutissent à l'obtention de points de moralité ou d'immoralité. Sauf que le jeu ne nous explique jamais à quoi servent exactement ces points. Il n'est même pas certain qu'ils aient une influence sur la séquence finale. Au delà de ces maladresses de game design, Disaster Report 4 souffre avant tout d'une réalisation technique absolument catastrophique. La maniabilité est globalement très rigide, et les animations de grimpette ou d'accroupissement manquent clairement de souplesse. Les textures baveuses semblent quant à elles sorties d'un jeu PS3. Et lorsque les immeubles s'écroulent, le framerate emprunte la même voie. Mais le plus étonnant reste la présence de mini écrans de chargement qui précèdent la moindre scène de dialogue. Pendant un bref instant, l'écran affiche en très basse résolution une image fixe munie du logo du jeu. C'est moche, ça coupe l'action, et on a du mal à croire que le moteur ne soit pas capable de gérer les transitions entre séquences d'exploration et séquences de dialogues de manière transparente. Pour couronner le tout, on a également droit à quelques bugs (les cheveux de certains personnages qui deviennent blancs par exemple), à une caméra qui ne sait plus trop où se placer lorsqu'elle se trouve dans un endroit exigu, et à une mise en scène globalement ratée, qui multiplie les mouvements de caméras inutiles et les plans improbables durant les dialogues. Heureusement, il est possible de zapper ces temps morts afin de passer rapidement d'une phrase à la suivante. Enfin, notons que le jeu fait totalement l'impasse sur la VF, puisque les voix sont en japonais, et les différents textes et sous-titres en anglais. Tout cela ne donne vraiment pas envie de débourser 60€...