A l’heure où les leaks dictent leurs lois, faussant en grande partie les plans marketing des éditeurs, il était amusant de débarquer dans cet hôtel londonien où Activision avait convié une partie de la presse européenne. Et pour cause, Michael Condrey et Glen Schofield, les deux fondateurs du studio Sledgehammer Games, avaient fait le déplacement depuis San Francisco pour dévoiler, en personne, le prochain Call of Duty cuvée 2017. « Here we are, World War 2. Big surprise ! » (Et voilà, la Seconde Guerre Mondiale. Grosse surprise !) C’est par ces mots que journalistes français et hollandais furent accueillis dans cette suite tapissée des posters officiels du jeu. Quelques secondes nous ont suffi pour reconnaître les artworks du steelbook qui avaient fuité quelques semaines plus tôt, et se dire que le retour aux sources pour la licence est donc une réalité. Plus de 11 ans que Call of Duty avait rangé ses Thompson et ses Luger pour des armes plus futuristes. Une éternité dans le jeu vidéo, surtout pour une licence qui s’est rapidement annualisée et qui peut aujourd’hui compter sur la présence et le talent de trois studios pour faire prospérer le business, à savoir Infinity Ward, Treyarch et Sledgehammer Games.
LE CYCLE ÉTERNEL
Dans l’esprit collectif, Call of Duty WW2 est la réaction rapide, quasi instantanée, au Battlefield 1 d'Electronic Arts, qui fut le premier à avoir fait machine arrière dans le choix des conflits du XXème siècle. Chose qui exaspère certes les deux co-fondateurs de Sledgehammer Games, mais qui ont toutefois le recul nécessaire pour accepter de telles critiques. Michael Condrey a d’ailleurs tenu à répondre aux mauvaises langues : « Vous savez, personne ne connaît la direction que va prendre la pop-culture. Il y a trois ans, lorsque nous avions sorti Call of Duty Advanced Warfare, le cinéma projetait de son côté Elysium et Edge of Tomorrow, deux films qui mettaient en avant les exo-squelettes. Côté jeu vidéo, il y avait aussi Titanfall… Cette année, au moment où nous ferons la présentation du multi de Call of Duty WWII, c’est-à-dire en juin prochain à l’E3 2017, il sera possible d’aller voir Dunkirk, le nouveau film de Christopher Nolan (la trilogie The Dark Knight, Inception, Interstellar, ndlr) qui traite de la Seconde Guerre Mondiale. Et il y a quelques mois, Battlefield 1 se lançait dans la Première Guerre Mondiale. Tout cela n’est que pure coïncidence et peu importe ce que l’on peut penser, tous ces jeux, tous ces films vont permettre aux fans d’être plongés dans des expériences incroyables ». Anticiper les tendances futures, c’est évidemment un exercice compliqué, mais comme aime le souligner Glen Shofield, la pop-culture, et le monde d’une certaine façon, fonctionnent comme un cycle. « Ces coïncidences arrivent tout le temps et j’avais lu un article à ce propos qui disait que malgré les évolutions, malgré le changement, à un moment donné, on en revient toujours aux origines. On ne sait pas à quel moment ça va arriver, mais quoiqu’il arrive, les gens veulent toujours retrouver les bases. Ça tombe bien, c’est ce qu’on avait prévu… »
LE DEVOIR DE MÉMOIRE DE SLEDGEHAMMER
Au-delà de ce choix stratégique qui a évidemment pour but de renouveler la licence, tout en gardant son ADN intact, Sledgehammer Games avait à cœur de raconter la Seconde Guerre Mondiale. Avec sa vision, ses envies, son héritage et ses mots. C’est d’ailleurs Glen Schofield qui était le mieux placé pour nous présenter les premières images de gameplay de Call of Duty WW2. Lui dont le grand-père a participé à cette grande guerre du côté de l’Italie et qui portait le sobriquet de Red. Un surnom dont le père de Glen a hérité et qui est devenu le symbole de ce Call of Duty WWE, le héros principal de la campagne s’appelant Red Daniels. « Mon père est décédé il y a un peu plus d’un an, en plein développement du jeu, ce qui m’a beaucoup affecté. J’ai demandé à toute l’équipe si je pouvais renommer le héros du jeu par le nom de mon père qui venait de mourir. Tous ont gentiment accepté. » Il suffisait d’ailleurs de porter notre regard sur le visage de Glen Schofield pendant que la démo de Call of Duty WWE tournait dans cette petite salle intimiste pour comprendre à quel point ce jeu a une saveur particulière pour lui et son équipe. La posture droite, fixant l’écran avec un tel aplomb qu’on pouvait ressentir dans son regard mélancolie, tristesse mais aussi une certaine fierté. Quand on a pu approcher ce grand gaillard avec sa carrure de Golgoth, ça fait toujours un drôle d’effet. Un moment émouvant qu’on n’oubliera pas.
IL FAUT SAUVER LE SOLDAT KALOF !
Ce n’est un scoop pour personne, le jeu vidéo s’inspire du cinéma et depuis quelques années, c’est désormais l’inverse. Les récents Kong : Skull Island ou Logan ont prouvé que les deux médias se rendent hommage par scènes et plans interposés, faisant le bonheur des geeks et autres gamers sur les réseaux sociaux. Alors évidemment, quand on parle de Call of Duty, de ses premiers épisodes, il est difficile de ne pas penser à l’un des plus grands films de guerre de ces 20 dernières années, à savoir Saving Private Ryan, Il faut sauver le Soldat Ryan dans notre belle langue. Le chef d’œuvre de Steven Spielberg avait déjà inspiré le premier de son genre, Medal of Honor : Débarquement Allié (2002) puis Call of Duty 2 (2005) qui sont restés dans les mémoires collectives grâce à leur scène de débarquement sur les plages d’Omaha Beach. C’était il y a 15 ans et depuis, le jeu vidéo a fait d’incroyables progrès en termes de rendu visuel. Il était donc impossible pour Sledgehammer de ne pas nous proposer leur nouvelle vision du débarquement en Normandie. Une séquence à laquelle nous avons pu assister et qui nous a immédiatement mis dans l’ambiance.
Du film de Steven Spielberg, Sledgehammer Games ne s’est pas contenté de transposer la séquence du débarquement. En effet, pour que la campagne solo soit la plus mémorable et forte possible, les développeurs ont décidé de suivre le parcours d’un groupe de soldats afin que le joueur puisse à la fois s’identifier et par-dessus tout s’y attacher.
Au-delà d’une mise en scène incroyable, c’est surtout la qualité des textures qui nous ont le plus bluffés. Qu’il s’agisse des vêtements, de la modélisation des visages et leurs expressions, tout, ou presque, a fait l’objet d’un soin particulier. On s’avance un peu, mais il est fort probable que le moteur utilisé dans Call of Duty WW2 est le même que celui d’Advanced Warfare, avec bien évidemment les mise-à-jour nécessaires pour convenir aux exigences actuelles. Autre élément nouveau qui nous a marqué dans cette scène intense du débarquement : la mer. Rouge magenta car maculée du sang des jeunes soldats qui tombent sous les balles des canons allemands bien protégés depuis leurs bunkers. Histoire de pousser le réalisme et l’horreur de la guerre encore plus loin, vous verrez des soldats s’arrêter près des hérissons tchèques, faire le signe de la croix, avant de reprendre leur courage à deux mains et avancer tête baissée sur cette grande plage de Normandie. Avec les moyens techniques déployés aujourd’hui, l’horreur de ce débarquement prend évidemment une nouvelle dimension, d’autant que l’aspect sonore amplifiée est là pour rajouter une couche, avec le son des balles qui fusent, les cris des soldats et toutes les explosions. Là encore, difficile de ne pas y voir une forte inspiration du film Saving Private Ryan, puisque Sledgehammer a également repris la fameuse séquence des Bangalore ("Bangalores ! We need some Bangalores !!") pour faire sauter les lignes ennemies. Intense.
NEW BAND OF BROTHERS
Du film de Steven Spielberg, Sledgehammer Games ne s’est pas contenté de transposer la séquence du débarquement. En effet, pour que la campagne solo soit la plus mémorable et forte possible, les développeurs ont décidé de suivre le parcours d’un groupe de soldats afin que le joueur puisse à la fois s’identifier et par-dessus tout s’y attacher. Il y aura donc ce fameux Red Daniels, mais Glen Schofield nous a aussi confirmés qu’on jouera aussi un deuxième soldat à d’autres moments. A ce sujet, lors de la présentation rapide des quelques personnages clefs du jeu, nous avons pu remarquer la présence de quelques acteurs venus de Hollywood. Josh Duhamel (le militaire qu’on peut voir dans tous les films Transformers de Michael Bay) qui sera l’un des compagnons de route de nos héros, mais aussi Robert Knepper (T-Bag dans Prison Break) qui a hérité du rôle de l’officier nazi. Il a effectivement la gueule de l’emploi. « Contrairement à Advanced Warfare qui avait mis en lumière le grand Kevin Spacey, il n’y aura pas d’acteur de son envergure dans Call of Duty WW2. Dans Advanced Warfare, nous avions besoin d’un acteur fort car il fallait identifier le grand méchant du jeu. C’est pour cela que nous avions fait appel à Kevin Spacey qui correspondait parfaitement à nos besoins. Dans Call of Duty WW2, il n’y a pas de grand méchant à proprement parler. L’ennemi principal, c’est l’armée nazie et elle est partout. Nous avons quand même fait appel à des acteurs que vous reconnaîtrez. » précise Glen Schofield lorsque nous lui avions demandé si des acteurs de renom avait été appelés pour transcender un peu plus l’histoire du jeu.
Puisque Call of Duty WW2 démarre avec le débarquement sur les plages de Normandie, la suite de l’aventure va se dérouler principalement en France. Plus de 50% du jeu auront lieu sur nos belles terres et pour Sledgehammer Games, il était important que la presse française fasse partie des premières à découvrir le jeu.
Puisque Call of Duty WW2 démarre avec le débarquement sur les plages de Normandie, la suite de l’aventure va se dérouler principalement en France. Plus de 50% du jeu auront lieu sur nos belles terres et pour Sledgehammer Games, il était important que la presse française fasse partie des premières à découvrir le jeu. Un respect qui pourrait venir contrebalancer avec la polémique engendrée par Battlefield 1 où l’absence de l’armée française avait fait couler beaucoup d’encre. Afin d’ailleurs de nous illustrer le déroulé de la campagne de Call of Duty WWII, Michael Condrey et Glen Shofield nous ont dévoilé un schéma sur lequel on pouvait suivre le parcours de nos soldats américains. L’aventure débutera en Grande-Bretagne, au moment du départ pour les plages de Normandie, pour ensuite s’enfoncer dans les campagnes françaises, pour enchaîner ensuite vers l’assaut sur Paris, la Belgique et ses violentes batailles pour finir du côté de l’Allemagne nazie. Nous avons à ce propos pu assister à un morceau de la Bataille de la forêt de Hürtgen, situé à la frontière entre la Belgique et l’Allemagne. Une bataille dont l’issue s’est soldée par une victoire des Nazis, mais qui nous a permis de nous extasier devant des graphismes d’une grande beauté. Entre les rayons de lumière qui perçaient les arbres, les feuilles qui tombent, et ce ruisseau qui guident le chemin des troupes américaines, il y avait de quoi s’en prendre plein les yeux.
VALEUR SÛRE
S’il nous a été impossible de prendre le jeu en mains, on peut d’ores et déjà vous dire que côté gameplay, Call of Duty restera Call of Duty. Des couloirs donc, des éléments scriptés, des séquences aussi de QTE, la recette ne change pas, car le spectacle doit être au rendez-vous. Toutefois, à la question de savoir si WWII proposera des environnements plus ouverts comme ce fut le cas avec Advanced Warfare et surtout Black Ops III, Glen Shofield nous a répondu que tout dépendait des niveaux. Certains d’entre eux permettent d’offrir un peu plus de liberté aux joueurs, d’autres se contentent de suivre le chemin tout tracé. Quoi qu’il en soit, le joueur CoD ne sera pas dépaysé. Avant d’évoquer le mode multi, Sledgehammer voulait quand même nous dévoiler une séquence de QTE, souvent décriée par les joueurs hardcores qui n’y voient pas beaucoup d’intérêt en termes de gameplay. Outre le besoin de faire appel à cette feature de gameplay pour cinématographier une séquence de gameplay classique, on a pu constater l’envie pour les développeurs de faire évoluer les mécaniques habituelles. A la manière de ce qu’on peut trouver dans les productions Telltale Games et le Beyond Two Souls de Quantic Dream, les QTE de Call of Duty WW2 demandent un peu plus de profondeur que d’appuyer bêtement sur la bonne touche au bon moment. Il faudra par moments réaliser les bons mouvements ou enchaîner plusieurs manœuvres à la fois. A ce propos, sachez que la scène QTE qui nous a été montrée renvoyait encore une fois au film Il faut sauver le Soldat Ryan, puisqu’il s’agissait d’un combat à mains nues entre deux soldats, l’un américain, l’autre allemand, dans une maison abandonnée. Difficile en effet de ne pas y voir la fameuse scène de la mort de Mellish… Là aussi, l’impact visuel était intense.
Après avoir pu voir autant de choses en si peu de temps, la question du multijoueur s’est forcément posée. Dans les plans stratégiques de Sledgehammer, il faudra attendre l’E3 prochain pour tout savoir de l’autre partie de Call of Duty WW2. Néanmoins, histoire qu’on ne reparte pas trop avec des frustrations, Michael Condrey et Glen Schofield nous ont donné quelques premiers détails, en présentant les différents modes de jeu. Il y a pour commencer "Boots on the Ground", qui semble être la partie multi la plus classique du jeu, regroupant tous les "Deathmatchs" et autres "Capture the flag" habituels. La partie intitulée "Divisions" permettra aux joueurs de créer son propre personnage, choisir sa classe et le connecter avec d’autres soldats pour former une équipe cohérente et homogène. Afin d’être fidèle au conflit réel des Alliés face à l’Axe, les développeurs ont pensé à introduire le mode "War" qui permettra aux joueurs de choisir leur camp pour ensuite s’affronter sur le champ de bataille, avec en prime un côté narratif à tous ces affrontements. Enfin, dernier mode qui risque de faire plaisir aux amateurs de FPS connectés, le Headquarter s’annonce comme une zone où les joueurs pourront se réunir entre eux, échanger socialement, un peu à la façon d’un Destiny. Un Call of Duty plus connecté que d’habitude, c’est aussi par-là que passera le changement. Et dire qu’on a hâte de découvrir tout cela est un doux euphémisme…