Au moment d'entamer la campagne solo, un solennel message s'affiche à l'écran, nous demandant si l'on souhaite pouvoir passer outre la mission la plus dérangeante du jeu. Cette option ne sera évidemment pas retenue par l'immense majorité des joueurs, mais elle nous renseigne d'emblée sur la présence d'un niveau a priori plus choquant que les autres. On se souvient encore de la mission "AC-130" du premier Call of Duty 4 : Modern Warfare, qui nous faisait abattre froidement des soldats ennemis en vision nocturne, à grande distance et sans prendre aucun risque. Cette ellipse qui rappelait à quel point la guerre moderne s'inspire du jeu vidéo (et vice versa) fait aujourd'hui pâle figure face à LA mission choc de Modern Warfare 2, qui arrive très tôt dans la campagne. Si vous vous êtes intéressés un tant soit peu au jeu vous en connaissez certainement déjà la nature : dans la peau d'un agent de la CIA infiltré parmi des terroristes russes, vous avez la possibilité de massacrer des civils dans un aéroport moscovite. Au final, cette mission s'avère plus intéressante que dérangeante puisqu'elle laisse au joueur la possibilité d'exprimer sa véritable personnalité. Certains en profiteront pour se défouler sur les innocents passagers, d'autres resteront en retrait et laisseront les véritables terroristes faire le sale boulot. Quelques grammes de roleplay dans un monde de brutes ! Mais ne nous y trompons pas, nous sommes tout de même dans un shooter ultra-scripté, et s'il vous prend l'envie de décimer les terroristes afin de sauver les civils, c'est le "Game Over" assuré. Modern Warfare 2 reste un Call of Duty et garde donc un contrôle permanent sur le déroulement des évènements. Il serait malvenu de s'en plaindre car le studio Infinity Ward est incontestablement le maître du genre. Des progrès ont même été réalisés en ce qui concerne l'architecture des niveaux, véritablement ouverts pour certains. On pense notamment aux favelas de Rio de Janeiro, qui offrent de multiples options de contournement. Que les adeptes de la linéarité se rassurent tout de même, ils auront leur dose de niveaux-couloirs où la mise en scène des évènements est réglée au millimètre près.
L'homme de main ne meurt jamais
Si le talent global du studio californien force le respect, il faut tout de même reconnaître que la réutilisation permanente de mécaniques de jeu parfois abusives commence à se faire un peu trop ressentir. Encore plus que dans l'épisode précédent, on se retrouve régulièrement confronté à des passages où les ennemis ressuscitent sans arrêt. C'est peu réaliste, et cela nuit franchement à l'immersion puisque, pour progresser, on aura alors meilleur temps de foncer jusqu'au prochain checkpoint sans s'occuper des soldats alentours plutôt que de s'appliquer à éradiquer la menace ennemie, qui respawne à l'infini. Le comble est atteint quand l'objectif consiste à suivre un personnage allié, qui ne se décide jamais à appliquer cette technique de rush. On passe alors plusieurs minutes à combattre sur place, jusqu'au moment où l'on se retrouve à court de munitions et où l'on s'exclame intérieurement "ah oui, il faut que j'avance pour déclencher le script suivant". Du coup, le personnage que l'on est censé suivre devient en réalité un personnage suiveur... L'autre défaut majeur du titre provient de la narration, aussi confuse que décousue. Le fait d'incarner des personnages différents et géographiquement éloignés assure d'une grande variété d'environnements (Afghanistan, Brésil, Etats-Unis, Kazakhstan, Russie...) mais tend à nuire à la compréhension globale des évènements. D'autant que les scènes cinématiques se limitent à quelques dialogues sur fond d'images satellites et que le scénario n'hésite pas à emprunter des raccourcis abrupts. Ces défauts objectivement importants suffiraient à plomber définitivement n'importe quelle production moyenne, mais Modern Warfare 2 brille tellement à côté qu'on lui pardonne tout. Les faiblesses narratives, notamment, ne sont rien face à l'enchainement continuel de situations fortes et de scènes cultes.
Cool guys look at explosions
Ce qui marque le plus et reste en mémoire une fois le jeu terminé, c'est sans conteste l'attaque qui frappe les Etats-Unis et dont on avait eu quelques aperçus dans les vidéos promotionnelles du jeu. Même en tant qu'européen, on ne peut rester insensible à la vision de centaines de soldats parachutés sur le sol américain ou de la Maison Blanche occupée par des forces ennemies. Autre moment fort : le niveau intitulé "Goulag" qui rappelle immanquablement le film The Rock. L'aspect cinématographique du jeu est d'ailleurs renforcé par la bande originale, tout simplement exceptionnelle. La musique a été composée par Hanz Zimmer (The Dark Knight, Pirates des Caraïbes, La Chute du Faucon Noir...) qui confirme brillamment sa bonne réputation. Avec Modern Warfare 2, le grand spectacle est donc assuré en permanence, même dans les missions les plus calmes. Une mission d'infiltration a priori basée sur la discrétion peut ainsi tout à fait se terminer en course-poursuite de moto-neiges. Toutes ces péripéties passent d'autant mieux à l'écran qu'elles sont supportées par un moteur graphique parfaitement maîtrisé. Un œil aussi pointilleux qu'aigri pourra toujours relever ici ou là la présence de quelques textures ou modélisations un peu faibles, mais pour le joueur plongé en pleine action, le compromis entre fluidité, beauté et performances est idéal. Le moteur physique semble même progresser légèrement et n'hésite pas à faire voler à foison les papiers sous l'effet des balles ou du vent. Au chapitre des nouveautés, on notera quelques passages au ralenti bien sympathiques. Ils interviennent lorsque le héros fait sauter une porte afin de surprendre les ennemis qui s'y planquent. Après l'explosion, on dispose de quelques précieuses secondes pour aligner tranquillement et gracieusement les headshots. Parmi les quelques armes inédites, on retiendra surtout le drone Predator, qui permet de balancer depuis le ciel un missile capable d'abattre plusieurs ennemis simultanément. La campagne solo fait par ailleurs du fan service intelligent puisqu'elle n'hésite pas à faire quelques solides références aux évènements du premier Call of Duty 4 : Modern Warfare. Quant aux joueurs qui reprochaient aux Call of Duty leur américanisme primaire, ils risquent d'être surpris par la présence de multiples citations fustigeant le patriotisme, et par un scénario "sous faux pavillon" qui n'incite pas forcément à faire confiance aux thèses officielles en ce qui concerne les évènements du monde réel.
La musique a été composée par Hanz Zimmer qui confirme brillamment sa bonne réputation. Avec Modern Warfare 2, le grand spectacle est donc assuré en permanence, même dans les missions les plus calmes."
En revanche, n'espérez aucune évolution en ce qui concerne la durée de vie de la campagne solo. Une nouvelle fois, six heures suffisent pour en faire le tour dans le mode de difficulté normal. Cependant, les développeurs ont eu la bonne idée d'introduire un mode "Opérations Spéciales" pour compenser ce problème. Constitué de 23 défis indépendants, il allonge considérablement la durée de vie du jeu. Le niveau de difficulté de la plupart de ces missions bonus est en effet très élevé, et certaines ne sont accessibles qu'après avoir remporté suffisamment de victoires. Pour arriver plus facilement à ses fins, on fera donc bien de parcourir ces missions en coop plutôt qu'en solo. Tout en restant suffisamment relevé, le challenge en devient tout de même plus accessible. Et le plaisir est naturellement décuplé par la coopération avec un joueur humain. De plus, les défis ont le bon goût d'être très variés, ce qui évite toute lassitude et garantit de bons moments à tous les types de joueurs. De la course en moto-neige à la mission de sniper en passant par la résistance à des vagues successives d'ennemis, on ne s'ennuie pas une seconde. Le mode multi n'est pas en reste puisqu'il se base sur celui de Call of Duty 4 : Modern Warfare, qui reste à l'heure actuelle l'un des jeux les plus joués en ligne. Seize maps nous attendent pour gagner de l'expérience, choisir ses armes et bonus (les fameux "perks") et créer ainsi le soldat de nos rêves. Si le test du jeu a été réalisé sur la version 360, il convient tout de même de parler de la version PC, qui semble avoir été totalement délaissée par les développeurs. Ainsi, de l'aveu même du studio, il n'est plus possible de se pencher, ni de jouer sur des serveurs dédiés, ni de profiter de mods ou de maps personnalisées. Pire encore, alors qu'un nombre de 32 ou 64 joueurs est devenu la norme depuis des années sur PC (y compris pour Call of Duty 4), le jeu se permet un retour au siècle dernier et limite les parties à 18 joueurs, comme sur console. Voilà qui laisse un sérieux goût amer, alors que le jeu en lui-même est réellement enthousiasmant.