PLUS MIGNON, TU MEURS !
Et contrairement à certains remakes et remasters bâclés qui tiennent plus du gimmick marketing que du véritable travail de restauration ou d'adaptation, la présence de Link's Awakening sur la nouvelle console de Nintendo se voit pleinement justifiée par le nombre d'années séparant la Game Boy de la Switch, et les nombreux progrès technologiques réalisés depuis le siècle dernier. Transformer des sprites 2D en modèles 3D n'est pas forcément une mince affaire, mais les développeurs ont réussi cette épreuve avec brio, en optant pour une direction artistique forte et radicalement différente de ce qu'on a l'habitude de voir ailleurs. Bien sûr les couleurs sont vives comme souvent chez Nintendo, mais les personnages sont plus mignons que jamais. Leur grosse tête ronde les ferait presque passer pour des jouets de type Lego ou Playmobil, et cette impression se voit renforcée par l'utilisation d'un effet de tilt-shift lors des déplacements dans le monde principal. Cette technique issue du monde de la photo consiste en gros à privilégier un angle de vue semi-aérien et à appliquer du flou en haut et en bas de l'écran afin de simuler une très faible profondeur de champ. Ces caractéristiques suffisent à tromper le cerveau et à lui faire prendre une scène de la vie réelle pour une maquette. Appliqué à un jeu vidéo tel que Link's Awakening, cet effet contribue à faire passer l'île de Cocolint pour un théâtre miniature et ses habitants pour de véritables figurines animées.
Et si les donjons, les séquences de plateformes 2D en vue de profil faisant ouvertement référence à Mario, ou encore les quelques mini-jeux qui ponctuent l'aventure font naturellement l'impasse sur le tilt-shift, l'impression d'un monde de jouets persiste grâce à la cohérence et la force de la direction artistique. La bande-son n'est pas en reste, puisqu'elle abandonne la musique de type chiptune pour une orchestration et des effets sonores modernes. L'ergonomie générale a également été améliorée grâce à plusieurs astuces bienvenues. Le statut des différents mécanismes présents dans les donjons est par exemple sauvegardé en permanence, alors qu'il était auparavant nécessaire de les réactiver à chaque nouveau passage dans le coin. La limitation de l'inventaire aux deux boutons de la Game Boy n'a quant à elle plus lieu d'être. On doit donc beaucoup moins changer d'équipement qu'auparavant. Un historique des dialogues permet par ailleurs de plus facilement retrouver le fil de l'aventure, et donc de moins se perdre, tandis que des points de téléportation supplémentaires ont fait leur apparition sur la carte principale. La nouveauté la plus conséquente reste toutefois la possibilité de créer nos propres donjons. Certes, l'étendue des possibilités est loin d'être aussi grande que dans un Super Mario Maker, car on se contente d'assembler des salles pré-existantes. Mais ce pan de gameplay inédit rallonge efficacement la durée de vie du jeu, qui n'a d'ailleurs pas vraiment à rougir à la base.
Non seulement nous avons droit à des graphismes 3D modernes, mais la direction artistique se permet même une fantaisie rarement vue ailleurs : l'effet tilt-shift qui donne l'impression d'observer un monde miniature.
Il faudra entre dix et quinze heures à un joueur n'ayant pas connu la version Game Boy pour réveiller le Poisson-Rêve et dire au revoir à cette aventure extrêmement plaisante. A vrai dire, ce remake frôle carrément la perfection. Une seule véritable ombre vient noircir le tableau et, sans grande surprise, il s'agit de la puissance limitée de la Switch. En mode téléviseur, la console oscille sans arrêt entre les trente et les soixante images par seconde, notamment dans certaines zones extérieures, tandis que certains effets spéciaux scintillent étrangement. La fluidité et la qualité d'image sont toutes deux bien meilleures en mode portable, qui doit donc impérativement être privilégié si l'on est sensible aux fluctuations de performances. C'est forcément regrettable, mais l'aventure étant l'adaptation d'un jeu Game Boy, on ne s'offusquera pas trop de devoir jouer avec la console dans les mains !