18 ANS PURÉE !
Revenons 18 ans en arrière si vous le voulez bien. En 2007, la Wii venait à peine d’exploser les compteurs de vente, et Super Mario Galaxy débarquait pour redéfinir ce qu’un jeu de plateformes 3D pouvait être. Dirigé par Yoshiaki Koizumi — déjà à l’origine de Donkey Kong Jungle Beat et futur visage des Nintendo Direct —, Super Mario Galaxy premier du nom propulsait Mario au-delà de la simple exploration : il le lançait dans l’espace, littéralement. Le concept était aussi fou que génial : des planètes miniatures, chacune dotée de sa propre gravité, et un gameplay basé sur l’attraction. Mario pouvait courir à l’envers, sauter de planète en planète, tourner autour d’un astre en spirale, tout ça sans jamais perdre le joueur. C’était brillant, limpide et surtout magique. Nintendo avait transformé une idée complexe de physique en un ballet intuitif, accessible à tous, sans besoin d’explication. Et puis, il y avait la musique. “Gusty Garden Galaxy”, composée par Koji Kondo et Mahito Yokota, reste aujourd’hui l’un des morceaux les plus célèbres de toute l’histoire du jeu vidéo. Ce thème orchestral, à la fois mélancolique et héroïque, symbolise à lui seul ce que Nintendo sait faire de mieux : de la poésie interactive. Super Mario Galaxy n’était pas seulement une réussite technique ou ludique, c’était une expérience sensorielle, mieux, une démonstration de comment le jeu vidéo peut être pur émerveillement sans une once de cinématique ni de discours.
Trois ans plus tard, Nintendo remet le couvert avec Super Mario Galaxy 2. À l’origine, le jeu devait être une simple extension du premier, un “Galaxy 1.5” pour les fans. Mais le trop-plein d’idées a poussé l’équipe à tout refaire. Résultat : une suite plus dense, plus rythmée et plus ambitieuse. Là où le premier épisode baignait dans une atmosphère poétique, avec son observatoire et la douce présence de Rosalina, Super Mario Galaxy 2 allait droit au but. On y retrouvait les power-ups emblématiques (la fleur de feu, l’abeille), mais aussi de nouvelles transformations comme Mario Nuage, Mario Foreuse, Mario Pierre, et surtout l’arrivée de Yoshi. Ce dernier devient un prolongement du gameplay, avec sa langue qui servait de grappin, de fouet ou de catapulte improvisée. Certes, l’effet de surprise du premier opus n’était plus là, mais chaque niveau était un concentré d’ingéniosité, sans la moindre fioriture. Une idée, un concept, une mécanique et hop, on passe à la suivante. Chose que l’excellent Astro Bot a repiqué pour devenir l’un des fers de lance de la plateforme 3D du moment d’ailleurs. Sous la direction de Koichi Hayashida, avec toujours Yoshiaki Koizumi en production et le duo Kondo/Yokota à la musique, Super Mario Galaxy 2 poussait tout à 200%. Chaque monde était une explosion d’imagination, une leçon de level design.
LE PORTAGE DE LA PARESSE
Comment ne pas voir le baromètre de la hype exploser quand Nintendo annonce l’arrivée de ces deux monuments sur Switch 2 ? La déception est évidemment à la hauteur de l’événement une fois qu’on a lancé les deux titres sur la nouvelle console de Nintendo. Ne mentons pas sur la marchandise : Super Mario Galaxy + Super Mario Galaxy 2 n’est pas un remaster, et encore moins un remake. C’est un portage nettoyé, optimisé pour les écrans modernes, mais qui n’a pas touché à l’essentiel, à savoir le gameplay pourtant adapté aux Wiimote et au motion gaming qu’on a tant conspué à l’époque. Oui, le jeu apparaît bien plus beau aujourd’hui, surtout si vous avez la chance d’avoir un écran ou un téléviseur 4K (la version Switch 2, parce que sur la première Switch, c’est du 1082p uniquement), oui, les textures sont plus nettes, et oui, les 60fps tiennent la route. Mais les modèles 3D, eux, datent toujours de la Wii, et quand la caméra s’approche de ces tous ces éléments, les polygones crient “2007” à plein poumon. Aucun nouveau shader, aucun effet de lumière dynamique, pas de refonte de l’eau, ni même de nouveaux menus animés. On est loin du soin apporté à Metroid Prime Remastered, qui avait redéfini les standards du “remake fidèle”. Alors oui, c’est propre, fluide, stable, mais terriblement dans son jus de l’épique. 
UN GAMEPLAY TOUJOURS STELLAIRE, MAIS…
Si jouer à Super Mario Galaxy a toujours été une question de précision, la version Switch 2 vous rappelle très vite que la gravité, elle, n’a jamais disparu. Car oui, aussi magique que soit le passage à la 4K, il y a un mode qui continue de défier la patience des mortels : le mode portable avec les Joy-Con accrochés. C’est simple : ici, la physique n’est pas seulement dans le jeu, elle s’invite dans vos bras. Le pointeur, remplacé par un curseur gyroscopique, demande un équilibre de moine Shaolin. Baissez les bras d’un centimètre, et le curseur grimpe en haut de l’écran. Levez-les, et il redescend comme une étoile filante. Résultat : on se retrouve à jouer bras tendus, figé comme un épouvantail cosmique, pestant une fois encore contre ce motion gaming qu’on déteste tant. Heureusement, une pression sur la gâchette R recale le curseur au centre, mais l’opération casse le rythme, c’est évident. Et quand on sait que les fragments d’étoiles exigent un pointeur précis pour être ramassés, autant dire que la manœuvre devient vite sportive. Il reste cependant une alternative, en utilisant l’écran tactile pour les ramasser à la main. Pas la config’ la plus smooth, hein… Ce gameplay hybride, mi-flottant mi-précis, garde malgré tout ce charme si particulier de la saga Galaxy si jamais vous êtes adepte de ce type de contrôle. Les Joy-Con font évidemment office de relais spirituel des anciennes Wiimote : on peut toujours les secouer pour exécuter une pirouette salvatrice, attaquer un ennemi ou relancer Mario dans les airs avec la grâce d’un propulseur cosmique. On dirige Mario avec le stick gauche, on vise avec le gyroscope du Joy-Con droit, on attaque en secouant légèrement le contrôleur (ou via un bouton), et tout fonctionne plutôt correctement.
Côté contenu et nouveautés, on fait vite le tour, puisque le pack inclut les deux jeux, installables séparément (ou ensemble sur une cartouche physique), chacun bénéficiant d’un mode assistance, à savoir plus de points de vie, moins de dégâts, récupération automatique. Une bonne idée pour les nouveaux venus ou les enfants surtout. On trouve aussi quelques nouvelles pages dans le storybook de Rosalina, qui s’inscrit comme une sorte de mini-extension narrative racontant l’origine de son observatoire. Sympa, mais anecdotique. Enfin, la bande-son complète est accessible depuis le menu principal, façon jukebox orchestral. Un petit bonus appréciable, surtout pour (re)découvrir les compositions de Yokota et Kondo. Mais à part ça ? Rien. Pas de monde ni de niveau en plus. Aucun concept art ni de galerie interactive, et encore moins un mot des développeurs. Pour un anniversaire censé célébrer 40 ans d’histoire, ça fait tâche quand même A cela, il faut ajouer le prix, qui lui ne fait pas dans la modestie : 70€ pour les deux titres. Alors certes, Nintendo n’a jamais été timide sur ses tarifs, mais ici, le contraste fait grincer des dents. Souvenez-vous : Super Mario 3D All-Stars (2020) proposait trois jeux (Mario 64, Super Mario Sunshine et Super Mario Galaxy 1) pour un prix similaire. Ici, on en a deux, sans véritable refonte, sans bonus majeur. Ça fait réfléchir. Nintendo sait pertinemment que ces titres sont intouchables, cultes, immortels et que la simple évocation de “Galaxy” suffit à rallumer la flamme des fans. Mais on aurait aimé un peu plus de générosité, ne serait-ce que symbolique. Mais ne soyons pas trop sévères : même 18 ans plus tard, Super Mario Galaxy et sa suite n’ont aucun équivalent. Leur level design est un modèle du genre : clair, lisible, inventif, jamais frustrant. Leur rythme, une leçon de progression, chaque minute apportant une idée nouvelle. Et la caméra, pourtant imparfaite pour l’époque, reste un miracle de gestion dans un espace aussi tordu. Aucun autre épisode, pas même Super Mario Odyssey, n’a réussi à retrouver ce mélange de pureté mécanique et de magie enfantine. Et c’est sans doute ce qui sauve cette compilation. Même sans bonus, même sans refonte, elle parvient encore à procurer ce sourire béat qu’on n’a que devant les créations Nintendo. Ce sentiment unique d’être à la fois spectateur et acteur d’un rêve éveillé.
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