On se souvient tous du 20 février 2009, le jour de la naissance de Street Fighter IV, marquant ainsi le grand retour du Versus Fighting à l’ancienne, celle de la belle époque. Cette date, ancrée définitivement dans le patrimoine de la baston virtuelle, est aujourd’hui célébrée par ses apôtres, ceux-là même qui utilisent un langage unique en son genre, quasi châtié, là où les compléments d’objets directs – ou indirects, c’est selon – se mélangent aux termes barbares que sont les cross up, match up, juggle, dash cancel et autres target combo. Ce vocabulaire, que l’on croise aussi bien dans les forums de sites professionnels que ceux des blogs dédiés, risque de prendre une nouvelle ampleur avec l’arrivée de SUPER Street Fighter IV. Dix nouveaux personnages, cinq décors inédits (si l’on compte le niveau de Seth qui a été retouché), l’ajout d’un nouvel Ultra (l’équivalent d’une furie pour ceux qui débarquent) par combattant, le retour des bonus stages, un mode online plus complet et un rééquilibrage global, voilà en gros ce qui nous attend dans cette version qu’on qualifiera davantage d’extension que de véritable suite. Comme SUPER Street Fighter II en son temps, SUPER Street Fighter IV a pour but de corriger les erreurs de jeunesse, tout en réintroduisant des éléments que les fans souhaitaient en priorité. Si l’on en croit Yoshinori Ono, c’est grâce à la communauté si la baston à l’ancienne est revenu d’entre les morts et savoir être à leur écoute est un leitmotiv que Capcom semble suivre au pied de la lettre. Toutefois, l’absence de local test au Japon (la version Arcade n’arrivant qu’après les moutures sur console) a alarmé les puristes en herbe qui s’imaginaient déjà avoir un jeu plus bancal que l’original. Mais les grands pontes de Capcom veillent au grain et même s’il subsiste encore quelques incohérences, SUPER Street Fighter IV réajuste le tir pour devenir l’épisode le plus abouti.
The Newcomers
Etant donné qu’il ne s’est écoulé que 15 mois entre Street Fighter IV et son descendant, il ne faudra pas s’attendre à des miracles en matière de changement graphique ou de direction artistique. Si vous êtes toujours aussi allergique au look américain des personnages et que leurs grimaces ne vous font pas rire, SUPER Street Fighter IV ne vous réconciliera pas avec la série. Même moteur graphique, couleurs aussi pétillantes et effets visuels à tire-larigot, le titre de Capcom poursuit ce qui a été entamé l’année dernière, avec tout de même un réel effort de faire mieux côté décors. Les cinq nouveaux stages ont sacrément de la gueule, il faut vraiment être miro pour ne pas le constater. Entre les éléphants majestueux de l’Inde, l’éclipse de la savane africaine, le chantier en mouvement de New York City ou bien encore la ruelle animée en Corée, Capcom a compris à quel point les environnements du premier Street Fighter IV faisaient peine à voir. Autre point que Capcom a décidé de revoir : les cinématiques d’intro et de fin de chaque personnage. Face aux moqueries dont a fait preuve Street Fighter IV, il était hors de question pour la société japonaise de bafouer une fois de plus l’honneur de sa série fétiche. Fini les coups de crayon miteux du studio Madhouse, ce sont cette fois-ci les génies du studio Gonzo, à qui l’on doit des œuvres telles que Hellsing, Vandread ou Afro Samurai, qui se sont attelés à la tâche. Et même si l’on a affaire davantage à des planches statiques qu’à de véritables saynètes animées, le résultat graphique est nettement plus probant que celui qu’on pouvait voir dans le premier Street Fighter IV.
Cette date [...] est aujourd’hui célébrée par ses apôtres, ceux-là même qui utilisent un langage unique en son genre, quasi châtié, là où les compléments d’objets directs – ou indirects, c’est selon – se mélangent aux termes barbares que sont les cross up, match up, juggle, dash cancel et autres target combo."
Bien sûr, c’est du côté du roster que les regards se tournent automatiquement. Dix nouveaux personnages, ce n’est pas rien, surtout à une époque où certains jeux de baston – encensés par la critique (suivez mon regard) – n’en comptent que douze ! Parmi les nouveaux arrivants, deux seulement sont véritablement inédits, à savoir Juri et Hakan. Hormis tous les jeux de mots foireux que l’on peut faire avec son patronyme, Hakan est sans nul doute l’un des personnages les plus loufoques de la saga Street, dans la même veine que cet éberlué de Dan. Sa grande particularité est d’avoir un goût prononcé pour les huiles essentielles avec lesquelles il s’enduit en plein combat afin de mieux surprendre l’adversaire. Une fois son corps lubrifié, notre Turc peut se permettre des choses inattendues comme chopper ses adversaires avec une distance accrue (se rapprochant ainsi des techniques abusées d’un certain Zangief) mais aussi infliger des dégâts plus importants avec ses coups classiques. Pour contrebalancer, Hakan se déplace avec une certaine lenteur il est vrai et ses sauts bridés le laissent à la merci des zoneurs. Mais c’est sans compter sur la possibilité d’avancer en mode Focus, tandis que son Ultra II anti-air fait systématiquement mouche une fois qu’il est dans l’axe de son adversaire. Bref, un personnage dont il vaut mieux se méfier.
The Real Bout
Même chose pour Juri, qui sera rapidement pris d’assaut par les joueurs en ligne grâce à ses attaques efficaces et ses priorités qui font déjà jaser la communauté. Agile et rapide, la petite Coréenne se paie en plus le luxe d’avoir une excellente distance de frappe, grâce à son jeu de jambes pour le moins terrible, et peut également balancer quelques fourbes projectiles qui font d’elle un personnage insolent sur toute la ligne. Cody, Adon et Guy, les trois personnages repris de l’ère Alpha ne manquent pas non plus d’arguments pour séduire les spécialistes du quart de cercle, avec une petite préférence pour le pratiquant du Muay Thaï qui s’impose comme un personnage à la fois safe (c’est-à-dire possédant des enchaînements de combo souvent imparables) et ultra rapide. Plus proches de certains persos de KOF avec un pressing monstre, il est le candidat idéal pour les joueurs qui préfèrent se la jouer offensif que d’attendre que son adversaire ne fasse une fausse manip’. Dans le même style, on retrouve le père Guy, l’ancienne gloire de Final Fight qui possède une command list pour le moins variée et qui font de lui un personnage imprévisible. Entre ses sprints et ses attaques aériennes et au sol, il ne vaut mieux pas rester figé sous peine d’être à la merci de l’une de ses choppes. Sa vélocité demande tout de même une certaine maîtrise, ce qui n’est pas sans rappeler un certain El Fuerte. Cela dit, on préfèrera nettement plus le côté bad guy / bad ass de Cody qui arbore toujours sa tenue de taulard en carton à faire rire les designers de SNK Playmore. Mais Cody a plus d’un outil dans son sac, avec un excellent rapport attaque/défense qui lui permet de s’imposer comme un combattant, certes sans style, mais qui peut faire très mal quand on commence à le connaître par cœur.
Bien sûr, c’est du côté du roster que les regards se tournent automatiquement. Dix nouveaux personnages, ce n’est pas rien, surtout à une époque où certains jeux de baston – encensés par la critique (suivez mon regard) – n’en comptent que douze !"
Tout le contraire de Makoto, maître en karaté et dont la stance posée lui confère un style pour le moins écarlate. Avec ses valeurs qui prônent l’honneur et le courage, on a aussitôt envie qu’elle s’impose comme l’un des protagonistes phares de ce SUPER Street Fighter IV. Malheureusement, ses attaques tout en rush et en puissance la laissent à la merci de personnages dotés de projectiles. Une command list limitée, des attaques au corps-à-corps peu dangereuses, des priorités inexistantes, même son Focus a été bridée au point de croire qu’on a voulu volontairement la saboter. Ce n’est heureusement pas le cas de Dudley et de Ibuki, les deux autres belligérants issus de l’ère 3rd Strike et qui risquent de faire le bonheur des amateurs de target combo, avec des set up dans tous les sens. Autant vous dire que ces deux personnages plutôt bien équilibrés donnera probablement de l’urticaire aux victimes qui devront davantage opter pour le pressing que pour le zoning. Reste alors DeeJay et T. Hawk, grand absent de Street Fighter IV et qui n’ont pas à rougir face aux autres antagonistes. Alors certes, Joe l’indien n’est pas aussi robuste que le grand Russe mais ses attaques infligent de sacrés dégâts. Mieux, il possède des anti-air avec ses attaques falcon qui font de lui une bonne alternative dans la famille des gros balourds aux priorités de choppes parfois abusives. Quant à DeeJay, difficile de ne pas tomber sous le charme de ce Jamaïcain qui possède une command list à mi-chemin entre celle de Guile et de Chun-Li en caricaturant un peu. Malheureusement pour lui, il ne pourra pas zoner comme pour son ami américain mais dispose d’attaques plus variées et complètes, avec des juggles intéressants et surtout un Super souvent plus efficaces que ses Ultra, pas toujours très simples à placer. Assurément un personnage intéressant à maîtriser.
Final Fight ?
Avec un total de 35 personnages, le casting de SUPER Street Fighter IV est aujourd’hui riche et complet, d’autant que la variété des techniques est suffisamment importante pour combler chaque style de joueur. Bien sûr, difficile d’en vouloir à Capcom de ne pas avoir fait évoluer le système de combat, bien que l’ajout d’un second Ultra, renforce la stratégie avant de choisir son personnage et se lancer à l’assaut du LIVE ou du PlayStation Network. A contrario, Capcom n’a pas menti quand il s’agit de rééquilibrage. Les top tiers tels que Sagat et Ryu ont été revus à la baisse avec des dragon punch qui ont nettement moins la priorité à la relévée et surtout des doubles touches qui ont carrément disparu pour Sagat. D’un autre côté, ces deux lascars restent tout de même des killer-characters qui ne feront qu’une bouchée des joueurs hésitants. Pas de grands changements au niveau des modes de jeu. Supression du "Time Attack" mise à part, l’équipe de Yoshinoro Ono a repris les grandes lignes de Street Fighter IV en débloquant d’emblée (ouf !) l’ensemble des personnages et de leurs défis respectifs. Un gain de temps dont on est aujourd’hui reconnaissant. L’introduction des bonus stages, réclamés à cors et à cris mettront sans nul doute du baume au cœur aux joueurs nostalgiques, même si l’on aurait aimé tout de même un peu de fraîcheur de ce côté-là, avec pourquoi pas des nouveaux défis ou mieux, des bonus stages inédits. Même rancœur en ce qui concerne les menus de navigation. Ils sont toujours aussi cheaps mais ne manquent pas en revanche de clarté ; ce qui tombe plutôt bien car les modes de jeu en ligne doivent être suffisamment limpides pour ne pas s’emmêler les pinceaux.
A contrario, Capcom n’a pas menti quand il s’agit de rééquilibrage. Les top tiers tels que Sagat et Ryu ont été revus à la baisse, avec des dragon punch qui ont nettement moins la priorité à la relévée et surtout des doubles touches qui ont carrément disparu pour Sagat. D’un autre côté, ces deux lascars restent tout de même des killer-characters qui ne feront qu’une bouchée des joueurs hésitants."
D’ailleurs, en attendant que le DLC consacré au mode "Tournoi" ne soit disponible en téléchargement, on peut toujours enchaîner les combats sur le Net, aussi bien de façon amicale que de manière agressive en accumulant les points. De nouveaux détails ont d’ailleurs fait leur apparition côté profil des joueurs et savoir si son adversaire est un spécialiste du "j’me déconnecte du réseau avant de perdre mes points" est une info pour le moins intéressante. Dorénavant, il est possible de consulter la fiche complète de son opposant avant de lancer le match, sous peine parfois de se voir éjecter du défi si l’on a tendance à traîner dans les menus. Ceux qui préfèrent jouer à plusieurs, comme ces rédacs qui se mélangent, il est préférable d’aller faire un tour du côté du "Team Battle", autorisant jusqu’à quatre joueurs de prendre part à la rixe de circonstance. Ceux qui poireautent avant leur tour sont invités à regarder le match, ce qui permettra d’étudier les techniques de fourbes de chacun. Bref, des nouveautés suffisantes pour repartir sur de longues soirées où les pizzas et les bières sont les bienvenues. A moins que l’on préfère le plateau de sushis/makis/sashimis accompagné de son petit thé vert. Que voulez-vous, nous n’avons pas les mêmes valeurs…