Si le jeu respecte la chronologie du premier tome de la saga créée par George R.R. Martin, l'histoire qui nous est contée reste totalement originale. Bicéphale, elle s'articule autour du destin de Mors Westford et d'Alester Sarwick .Le premier est un patrouilleur de la Garde de nuit, chargé comme tous ses pairs de protéger le Mur qui sépare le royaume des Sept Couronnes des terres sauvages du Nord. Héritier d'un seigneur des Terres de l'Ouest, le second a totalement abandonné les siens il y a quinze ans pour devenir un prêtre rouge, dévolu au culte de R'hllor. Tous deux font plutôt figure d'anti-héros que de héros car ils ont une bonne part d'ombre et de mystère. On n'est pas là pour jouer des fillettes, mais plutôt de solides gaillards qui ne s'en laissent pas conter. L'aventure est découpée en différents chapitres, qui nous donnent alternativement le contrôle de l'un puis de l'autre. C'est un peu perturbant pour le testeur obligé de s'infliger de très longues de sessions de jeu histoire de rendre son texte à temps. A peine a-t-on le temps de s'attacher à un personnage qu'on doit en changer. En revanche, c'est une très bonne idée pour les joueurs "normaux" qui peuvent ainsi déguster le jeu par épisodes, comme ils pourraient le faire avec une bonne série télé (tiens, tiens...). Dans ces conditions, le petit résumé textuel précédant chaque chapitre est particulièrement bienvenu puisqu'il permet de ne jamais perdre le fil de l'histoire, même lorsqu'on a laissé le jeu un peu trop longtemps de côté. Cerise sur le trône : les deux embranchements du scénario, a priori déconnectés, finissent par se rejoindre afin de renforcer la cohésion de l'ensemble. Le fait que les héros nous soient imposés n'empêchent par une certaine personnalisation puisque la phase de création de personnage répond, deux fois, à l'appel. A chaque fois, on choisit une classe parmi trois, ce qui influe essentiellement sur le style de combat. Il faut ensuite dépenser des points en force, agilité, chance, endurance et intelligence. Répartir également des points de compétence (épées, haches, projectiles contondants...) et même se choisir des traits. Certains sont positifs (meneur né, art de la médecine, réactif...), d'autres négatifs (maladroit, asthmatique, phobie du sang...) et il faut naturellement équilibrer les uns et les autres. Mieux encore : durant l'aventure certains de nos comportements nous prodigueront des traits supplémentaires sans qu'on puisse le savoir à l'avance. Si par exemple vous décidez de torturer un ennemi afin de le faire parler lors d'une séquence de dialogues, vous gagnerez le trait sadique (dégâts critiques +3%). Enfin, on bénéficie également de différents arbres de talents dans lesquels dépenser des points.
Le Trône de Fer
Tous ces paramètres nous permettent de modeler les héros à peu près comme on le souhaite, malgré leur background et leur apparence prédéfinis. Ils possèdent par ailleurs une sorte de pouvoir spécial, qui leur est propre. Grâce à la vision de R'hllor, Alester peut ainsi révéler des interactions secrètes (interrupteurs, portes, objets...). Mais la spécificité de Mors est encore bien plus intéressante puisqu'elle prend la forme d'un chien. Non seulement ce molosse nous aide dans les combats, mais Mors peut carrément en prendre le contrôle par l'esprit. Dans ces conditions, on peut se faufiler dans des endroits inaccessibles auparavant, espionner certaines conversations qui n'auraient pas lieu en présence d'un humain, et même sauter à la gorge de certains gardes lorsqu'on arrive à les aborder par l'arrière et donc à les surprendre. Cet aspect infiltration est renforcé par le système d'odeurs à pister. Elles sont représentées à l'écran par des volutes de différentes couleurs, que l'on peut suivre pour retrouver la trace de fugitifs ou d'objets cachés. Une idée fort sympathique ! On ne peut également qu'apprécier le système de dialogues, qui se base un système classique de choix multiples, mais qui ne surligne jamais les "bonnes" et les "mauvaises" réponses. A vous de jouer comme vous l'entendez et d'assumer ensuite les conséquences de vos choix . Certains RPG modernes ayant tendance à oublier que c'est bien ça qui fait tout l'intérêt du genre, on se réjouit de la voie empruntée par Game of Thrones. D'autant plus que l'univers se prête bien plus aux "nuances de gris" qu'au manichéisme en noir et blanc. C'est d'ailleurs l'un des points fort du jeu que d'avoir réussi à retranscrire l'atmosphère de l’œuvre originale. On croise d'ailleurs quelques personnages connus (Varys l'eunuque, la reine Cersei Lannister...), ce qui ne peut que faire plaisir aux fans. D'autre part, les combats sont également intéressants puisqu'ils font appel à une pause active. Grâce à elle, on peut mettre en file trois ordres différents par personnage (on évolue souvent en équipe de deux) et ainsi élaborer des tactiques variées et subtiles, telle que l'interruption des sorts en préparation chez l'ennemi ou encore la combinaison de talents complémentaires. En contrepartie, on est à mille lieux du dynamisme des combats d'un Dragon Age II ou d'un Reckoning. Il faut croire qu'on ne peut pas tout avoir...
D'la bonne ferraille ?
D'ailleurs, n'allez surtout pas croire que Game of Thrones est dénué de défauts. Il en est au contraire rempli. Mais "heureusement" ceux-ci sont essentiellement d'ordre technique. Parlons tout d'abord des graphismes, assez inégaux. Si certaines textures, notamment celles des visages, paraissent très détaillées, la modélisation des décors laisse parfois à désirer. La direction artistique étant assez rustique, il ne faut vraiment pas s'attendre à en prendre plein les mirettes. Hormis certaines gueules cassées plutôt réjouissantes, il y a bien peu d'éléments graphiques qui suscitent l'enthousiasme. On retrouve par ailleurs de nombreux clones parmi les habitants des villes, dont un nombre un peu trop important restent désespérément muets. Question de budget, sans doute. La mise en scène et les animations manquent également de vitalité, tandis que des bugs se font jour régulièrement. Par exemple lorsqu'une porte s'ouvre vers lui, le héros passe tout simplement à travers. Et si vous amenez Mors et son chien au même endroit, tout en incarnant le chien, vous entendrez les dialogues qui se mélangent (ceux censés être prononcés en présence de Mors et ceux censés être prononcés en présence du chien). Bug ou choix de design douteux, la mini-map affichée dans un coin de l'écran signale la localisation des objectifs mais oublie d'afficher le plan des lieux. Pour avoir un aperçu des chemins, il faut ouvrir la carte en plein écran. D'une manière générale, l'interface est largement perfectible. Pensée à la fois pour les PC et les consoles, elle s'avère parfois bancale. Exemple avec l'interface de vente aux marchands : il faut naviguer entre deux onglets différents pour afficher les inventaires, double-cliquer pour vendre un objet et enfin confirmer l'action. On se demande vraiment pourquoi les développeurs ont fait l'impasse sur un système plus standard, qui afficherait sur le même écran l'inventaire du héros et celui du marchand, avec un simple clic ou déplacement pour transférer les objets de l'un à l'autre. Les icônes indiquant la présence de zones interactives sont assez disgracieuses et manquent de constance. Il faut parfois cliquer sur l'icône elle-même et parfois sur le personnage ou l'objet qu'elle surplombe. De plus, certains messages d'interface restent en anglais, même lorsqu'on joue tout en français. Bref, le jeu manque clairement de finition. On regrette également qu'il ne s'agisse pas d'un monde plus ouvert, les différents lieux accessibles étant totalement séparés les uns des autres (un clic sur la map, et nous voilà téléportés à l'endroit voulu). Enthousiasmant sur le fond mais guère convaincant sur la forme, Game of Thrones risque donc de diviser les joueurs.