"Faire un jeu à licence qui respecte la licence", telle est la ligne de conduite que s'est fixée Cyanide Studio aux premiers jours de Game of Thrones, il y a près de trois ans de cela. Une philosophie partagée par la plupart des équipes de développement qui ont signé un voire plusieurs portages minables de grandes franchises, qu’elles viennent du cinéma ou de la littérature. Pourquoi le petit studio français réussirait-il là où tant de grands ont échoué ? Parce que chez les Nanterriens, on ne respecte pas Le Trône de Fer, on l'adore, au sens religieux du terme. Passionnés, pour ne pas dire carrément exaltés, Thomas Veauclin, chef de projet, et surtout Sylvain Séchi, lead game designer, parlent de leur projet avec une ferveur à la hauteur des difficultés rencontrées par l'équipe pour décrocher les droits de cette adaptation. George R.R. Martin ne leur tient heureusement pas rigueur de la vaste campagne de harcèlement menée durant des mois, et le sorcier à lunettes a même accueilli Sylvain en sa demeure du Nouveau Mexique pour deux jours de brainstorming, de validation et d'échanges d'idées autour d'un jeu inspiré de mais pas calqué sur.
Les ferrailleurs
Plaire aux néophytes et aux fans, intégrer les lieux iconiques de la saga, exploiter quelques éléments visuels et sonores de la série de HBO (le trône, la Reine Cersei, le Lord Commandant du Mur, les thèmes musicaux, entre quelques autres), creuser certains filons sans que rien n'impacte la trame officielle, Cyanide Studio n'a pas vraiment choisi la facilité. Sa dernière production suit ainsi le périple de deux personnages inédits, Alester, un prêtre rouge, et Mors, un garde de nuit. Deux combattants aguerris, au background solide, que vous incarnerez tour à tour au fil d'une aventure divisée en chapitres. En bons fans, les Français voulaient à tout prix éviter le syndrome du "jeune paysan qui est en fait l'Elu et sauve le monde d'un péril immémorial" pas vraiment dans l’esprit des romans et ont donc créé de toutes pièces un duo de vieux loups charismatiques qui se fondent à merveille dans le monde de Martin. Avant que le destin et le titanesque scénario du jeu (270 000 mots, soit davantage que Les Trois Mousquetaires de Dumas !) ne les réunissent pour le plus grand malheur de tous les mauvais coucheurs, les deux compères n'évolueront pas seuls dans cette aventure qui les conduira aux quatre coins du Royaume des Sept Couronnes, Le Mur et Port Réal évidemment inclus. Régulièrement assisté d’un personnage secondaire, que vous pourrez équiper et diriger avant qu'il ne soit éclipsé par un nouveau venu... ou par la mort, vous multiplierez les combats dans des environnements dont les développeurs ont souligné l'agencement cohérent à défaut de pouvoir en promouvoir la splendeur graphique.
Le système de combat à la fois dynamique et tactique devrait contribuer à échauffer les esprits"
Pas mal fait mais peu spectaculaire, Game of Thrones semble, pour le moment et d'un pur point de vue esthétique, aussi froid que Winterfell. Une situation un peu frustrante puisque la production utilise rien de moins que l'Unreal Engine 3, qui a mis le feu à quelques chaumières depuis sa première apparition. Le système de combat à la fois dynamique et tactique devrait toutefois contribuer à échauffer les esprits. Fervent partisan du système de pause active, Cyanide Studio vous invite à ferrailler en temps réel et à ralentir à l'extrême le jeu quand bon vous semble pour vous organiser, distribuer les ordres et préparer vos capacités, des pouvoirs spéciaux dont sont également dotés vos adversaires. La mécanique paraît bien rodée et ça bastonne sec dans les sombres forêts comme dans les forteresses humides. Thomas Veauclin et Sylvain Séchi ont toutefois longuement rappelé que Game of Thrones était un vrai RPG. Très proche de celui de Mass Effect, le système de dialogue vous permet d'opter pour un type de réponse, que votre héros va adapter en fonction de son interlocuteur. Surtout, vos répliques et, de manière plus générale, vos choix, influent grandement sur le cours de vos péripéties. Une décision prise des heures auparavant pourra ainsi vous placer dans une situation délicate ou au contraire vous éviter bien des désagréments. Et les deux compères de citer l'exemple d'un homme en armes qui, si vous le piquez dans son égo, pourrait par la suite commettre l'irréparable et vous mettre à dos une partie de la population de sa cité. Cet aspect éminemment politique, indissociable de la saga, fera sans doute toute la singularité de cet action-RPG prévu pour le premier trimestre sur PC, Xbox 360 et PS3. Il n'en faudra pas moins pour exister face à un certain Mass Effect 3.