Nous sommes en 2277, et cela fait maintenant deux siècles que la guerre nucléaire a atteint son paroxysme mortel, laissant les Etats-Unis à l'état de décombres. En tant que survivant élevé dans l'abri 101, vous ne connaissez pas grand-chose du monde extérieur, encore dangereusement irradié et peuplé de créatures mutantes. Un peu à la manière d'un Fable, Fallout 3 prend d'ailleurs prétexte des premiers pas du héros et de son enfance, pour nous inculquer en douceur les différents principes constituant ce jeu de rôles. La création du personnage et l'apprentissage du système de combat s'effectuent donc en douceur, grâce à un didacticiel qui ne porte pas son nom et nous plonge tout de suite dans une délicieuse ambiance post-apocalyptique. L'univers de Fallout évoque aussi bien l'Amérique des années 50 que Mad Max et ce mélange détonant nous change agréablement des poncifs de l'heroïc-fantasy ou de la science fiction classique.
Faux FPS, vrai RPG
Un coup d'œil aux captures d'écran suffira à vous en convaincre : le jeu privilégie la vue subjective. Passons rapidement sur la disponibilité d'une vue à la troisième personne, qui n'a pour seul mérite que de dévoiler l'animation assez catastrophique de votre personnage, tendance "balai dans le fondement". Pour rester jouable et agréable à regarder, Fallout 3 doit donc impérativement se parcourir à la première personne. Cela n'en fait pas pour autant un véritable FPS, car viser avec précision ne suffit pas pour terrasser l'adversaire. Les adeptes du headshot létal en seront pour leurs frais : l'efficacité des tirs dépend essentiellement des caractéristiques du héros. Heureusement, en cas de difficulté, il est toujours possible d'enclencher le Système de Visée Assistée Vault-Tec, plus communément appelé SVAV. Le jeu se met alors en pause et zoome sur l'ennemi le plus proche, détaillant l'état de santé des diverses parties de son corps et les chances de toucher chacune d'entre elles. A charge ensuite au joueur d'indiquer où il souhaite viser, et d'empiler ainsi plusieurs tirs sur les parties et les ennemis de son choix, dans la limite des points d'action qu'il possède à ce moment précis. Ces tirs seront ensuite automatiquement effectués dans l'ordre choisi et affichés à travers une séquence non-interactive se déroulant au ralenti. Ce système plutôt plaisant nous offre quelques scènes délicieusement gore... à ceci près que la caméra à tendance à se placer aux pires endroits possibles (derrière un poteau, au ras du sol...), compliquant ainsi la lisibilité de l'ensemble. Cette touche tactique vient compléter un tableau déjà fort riche en possibilités. Car aux sept statistiques primaires du personnage (Force, Perception, Endurance, Charisme, Intelligence, Agilité, Chance) viennent s'ajouter de nombreuses compétences (réparation, crochetage, médecine...) et spécialisations (tueur de femmes, voleur, entomologiste...). On peut donc véritablement personnaliser le héros comme on l'entend. Avoir de bonnes compétences en combat reste hélas nécessaire mais, à l'occasion, certaines situations se résoudront tout de même plus facilement par le dialogue ou par le piratage des systèmes informatiques. Signalons au passage que le hacking s'effectue à travers un mini-jeu de type Mastermind, plus intellectuel et moins lassant que le Pipemania de Bioshock.
Heureusement, en cas de difficulté, il est toujours possible d'enclencher le Système de Visée Assistée Vault-Tec, plus communément appelé SVAV. Le jeu se met alors en pause et zoome sur l'ennemi le plus proche, détaillant l'état de santé des diverses parties de son corps et les chances de toucher chacune d'entre elles."
Bethesda oblige, s'il fallait comparer Fallout 3 à un autre jeu, ce serait certainement plus à Oblivion qu'aux premiers épisodes de la série. Aucune raison de s'en formaliser outre mesure, la filiation reste éminemment respectable. Bien entendu, les deux jeux étant basés sur le même moteur 3D il ne faut pas s'attendre à une quelconque révolution technique. En contrepartie, l'affichage reste fluide en toutes circonstances et la distance de vue est agréablement élevée. Les dialogues, tous parlés et convenablement joués en français, ne manquent parfois pas d'humour et on finit même par s'attacher à certains personnages non joueurs. L'ère des PNJ statiques étant définitivement révolue, ces derniers ont le bon goût de se déplacer à leur guise, de fermer boutique la nuit, de dialoguer entre eux, de vous apostropher à l'occasion... L'ensemble de ces paramètres engendre un monde vivant, qui ne semble pas tourner artificiellement autour du joueur. Les nécessaires balades à pied ne sont nullement lassantes, car l'objectif des quêtes n'est jamais exagérément éloigné de leur point de départ. De plus, une fonction de voyage rapide permet de se rendre instantanément d'un lieu déjà visité à un autre. Enfin, les temps de chargement sont rares et toujours très rapides.
Là où le bât blesse...
Qu'on se le dise : Fallout 3 a failli être un très grand jeu, un de ce ceux qui marquent leur époque et dont on reparle avec émotion dix ans plus tard, à l'image de ses ancêtres. Hélas, l'objectif n'est pas atteint. La faute en incombe à différents problèmes plus ou moins irritants, à commencer par un certain manque de cohérence. Alors que l'alcool et la drogue tiennent un rôle primordial (du fait de leurs effets bénéfiques sur les stats) et que les personnages n'hésitent pas à utiliser un langage réellement grossier, payer une prostituée ne vous donnera droit qu'à.... dormir dans son lit. La manœuvre n'apporte strictement rien de plus que n'importe quelle autre sieste, malgré son coût. Comme si les développeurs, pris d'une soudaine frilosité, n'étaient pas allés jusqu'au bout de leurs idées. C'est anecdotique, mais révélateur d'une certaine tiédeur du jeu, qui aurait gagné à être plus radical. En l'état, on sent à plusieurs reprises une hésitation confuse entre la transgression et le politiquement correct. Encore plus gênant : des bugs dans les scripts de dialogues nous amènent de temps en temps à discuter de choses et de gens dont on ne connaît absolument rien. Et parfois, ce sont carrément les événements eux-mêmes qui font preuve d'incohérence. Ainsi, lorsqu'un malfrat abat sans sommation le shérif de Megaton, gardez-vous bien d'ouvrir le feu pour défendre l'honnête homme. Car c'est aussitôt toute la ville qui cherche à avoir votre peau, alors même qu'elle laisse parfaitement tranquille l'assassin. Par ailleurs, l'instruction à charge du jeu ne saurait être complète sans évoquer le manque d'ouverture des décors, maladroitement balisés dès qu'on quitte les étendues sauvages. Washington DC regorge par exemple de débris infranchissables, qui vous obligent à emprunter des couloirs de métro remplis de... débris infranchissables. Et devinez quoi ? Lorsque vous en sortez pour investir un bâtiment, ses escaliers sont généralement bloqués un étage sur deux par... des débris infranchissables, judicieusement placés pour que vous zigzaguiez sur les différents paliers. Bref, le design de certains lieux manque clairement d'inspiration et joue vraiment trop la carte de la facilité. C'est d'autant plus regrettable que l'architecture des villes peuplées de PNJ est à l'inverse très crédible. Enfin, on ne peut que regretter la lourdeur de l'interface qui, si elle a le mérite d'être complète, oblige à passer par de nombreux écrans pour effectuer la moindre action, y compris un simple changement d'arme.