L’époque où les jeux asiatiques (entendre chinois et coréen) se limitaient aux MMORPG sur PC ou aux free-to-play mobiles semble bel et bien révolue. Après le coup de maître Black Myth Wukong, la percée inattendue de Lies of P et de Stellar Blade, la scène asiatique confirme son virage vers des productions premium destinées à rivaliser avec les blockbusters japonais et occidentaux. Dernier exemple en date : Swords of Legends, anciennement annoncé comme Gujian 4 en 2021. Car la série Gujian existe depuis plus de dix ans, mais reste confidentielle en dehors de la Chine, malgré une localisation anglaise tardive de ses épisodes sur Steam. Avec Swords of Legends, le studio Aurogon Shanghai fait un choix clair : couper le cordon avec une numérotation qui aurait limité sa portée internationale et présenter le projet comme une nouvelle franchise. L’idée est double : séduire un public neuf qui n’a pas besoin d’avoir joué aux précédents volets, et capitaliser sur un nom plus « universel » pour le marché global.
Première chose que les développeurs n'hésitent pas à clamer haut et fort : Swords of Legends n’est pas un free-to-play, n’a aucune déclinaison mobile et se destine uniquement aux consoles et au PC. Un positionnement qui aurait semblé suicidaire en Chine il y a encore quelques années, mais qui reflète une volonté de monter en gamme, de démontrer que les studios chinois peuvent rivaliser avec les AAA narratifs japonais et américains. On sent clairement l’influence de Black Myth Wukong, qui a ouvert la voie en prouvant que le modèle premium avait de l’avenir sur ce marché. Le jeu nous entraîne dans un monde inspiré de la mythologie et du folklore extrême-oriental, un matériau que l’industrie locale n’hésite plus à revendiquer comme sa marque de fabrique. Le joueur y incarne un Exécuteur du Monde Souterrain, chargé d’accompagner les âmes des défunts et de résoudre leurs regrets. Le bestiaire et les personnages sont directement empruntés à la culture chinoise, comme les gardiens Ox-Head et Horse-Face qui viendront épauler le héros. Là encore, la démarche rappelle Black Myth Wukong, à savoir exporter la culture chinoise sous un emballage technique et narratif calibré pour l’international.
Contrairement à ce que la mode actuelle pourrait laisser croire, Swords of Legends ne cherche pas à marcher dans les pas des Souls-like. Le studio revendique une structure dite wide linear, c'est-à-dire un monde relativement vaste, mais guidé, qui mise sur la narration et la progression scénarisée plutôt que sur la liberté totale. Le système de combat se veut accessible, loin de la punition des soulslike. L’originalité vient du système de capture d’âmes : certains monstres vaincus peuvent être invoqués en combat pour créer des synergies, voire des attaques combinées spectaculaires. Le but est clair : offrir un RPG immersif et gratifiant sans exclure les joueurs moins aguerris.
Le passage à l’Unreal Engine 5 permet à Aurogon Shanghai de viser un rendu visuel proche des standards occidentaux actuels, avec une mise en scène cinématographique et des environnements inspirés par l’art et l’architecture traditionnelle chinoise. Le gap est immense par rapport aux précédents épisode de la série Gujian, preuve d’une montée en compétence accélérée des studios chinois, désormais capables d’afficher des productions au niveau des plus gros AAA mondiaux. Cela dit, même si Swords of Legends avait été annoncé dès 2021, le développement effectif n’a réellement commencé qu’en 2023, une fois les financements sécurisés. Le trailer diffusé aujourd’hui ne s’accompagne donc pas d’une date de sortie : il s’agit avant tout d’une vitrine pour rassurer le public et attirer de nouveaux talents dans l’équipe. Une stratégie fréquente dans l’industrie chinoise, où la communication sert aussi d’outil de recrutement.