SINGIN' IN THE RED
Les qualités premières du jeu de SuperGiant sautent immédiatement aux yeux et aux oreilles. Transistor, c'est avant tout une ambiance. Comme pour Bastion donc, la direction artistique fait immédiatement mouche, malgré une caméra éloignée et une fausse 3D en vue isométrique nécessaires au gameplay. Le rendu peinture à l'huile et les couleurs chatoyantes le disputent à l'urbanisme glacial de certains quartiers et aux éclairages aux néons. Le titre joue avec la profondeur, plaçant assez habilement des éléments au premier plan, appuyant sur les contrastes, créant parfois des parallaxes. En bref, le tout est carrément somptueux et racé. On regrettera simplement le manque de renouvellement dans les décors (dans un souci d'homogénéité de la ville de Cloudbank probablement), et le manque de variété dans la réalisation. On aurait aimé plus de gros plans, plus de cut-scenes pour articuler tout ça et en profiter d'un peu plus près, se lier davantage à nos deux héros. Mais Transistor c'est aussi une sacrée bande-son, comme son nom l'indique. Là encore, les accents jazz et groove des morceaux sélectionnés participent très largement à l'ambiance feutrée, satinée, parfois mélancolique du titre, qui évoque celle d'un minuscule café-concert dont les trois ou quatre clients se murmurent des choses à l'oreille derrière le son occasionnel d'une cymbale de batterie. Vous l'aurez compris, c'est très réussi, et les quelques passages chantés par Red (interprétés en réalité par Ashley Barrett, qui était déjà là pour Bastion) viennent sublimer l'ensemble. Cerise sur le gâteau, la voix de Logan Cunningham, qui joue le rôle du compagnon de Red enfermé dans le Transistor, vous accompagne tout le long de l'aventure afin de vous aiguiller sur la direction à prendre et de vous aider à comprendre le déroulement des événements, exprimant parfois à haute voix ses pensées et ses doutes. C'est d'ailleurs quasiment la seule voix que vous entendrez durant les 5 à 7 heures de jeu qui vous attendent. Le jeu n'étant vendu qu'un peu moins de vingt euros, on est loin du scandale.
Là où le jeu devient vraiment intéressant, c'est quand Red active le mode Turn() : le monde s'arrête, vous pouvez planifier vos actions, prendre le temps de viser manuellement et de calculer le timing de l'enchaînement
Sous cette apparence aguicheuse se cache néanmoins un gameplay épineux, voire carrément velu à appréhender et à prendre en main. Vous me direz, à l'heure où il faut rendre les jeux vidéo accessibles à bébé, ce n'est pas forcément un mal d'avoir un peu de changement ; mais le curseur est peut être poussé un peu loin dans le sens opposé ici. Transistor est un action-RPG qui a la particularité de mélanger temps réel et phases de planification. Quand Red débarque dans une zone de combat, elle peut se déplacer et utiliser les capacités/attaques du Transistor normalement. La visée se fait plus ou moins automatiquement, ce qui n'est pas sans provoquer quelques soucis de précision, mais on réussit tout de même à se faire respecter. Là où le jeu devient vraiment intéressant, c'est quand Red active le mode Turn() : le monde s'arrête, vous pouvez planifier vos actions, prendre le temps de viser manuellement et de calculer le timing de l'enchaînement. Chaque action et déplacement consomme une partie plus ou moins importante de la jauge de Turn() ; il faut donc ajuster au mieux, rentabiliser l'espace de la jauge, corriger, effacer puis déclencher l'enchaînement qui se déroulera en une seconde de temps réel. Red ne pourra ensuite plus attaquer pendant quelques instants, le temps que la jauge de Turn() se remplisse. Attention donc aux erreurs de calcul, si vous manquez votre coup, elle sera exposée. Et si votre vie tombe à zéro avant que la jauge ne revienne à son maximum, vous perdrez une de vos quatre capacités, et ce jusqu'au game over.
GOGO Gadgeto Transistor
Cette feature donne évidemment une dimension stratégique importante au soft de SuperGiant, renforcée par les capacités variées du Transistor, qu'il est possible d'associer. Régulièrement dans le jeu (peut-être trop régulièrement d'ailleurs), des bornes d'accès vous laisseront configurer votre arme. La dizaine de capacités à débloquer au fil du jeu peut être répartie entre les slots de capacités actives (quatre, à utiliser au combat), mises à niveau (deux par capacité active, elles améliorent cette dernière en lui donnant des effets supplémentaires) et capacités passives (au nombre de quatre au maximum, elles boostent l'ensemble des capacités actives). La montée de niveau vous permettra de débloquer et utiliser de nouvelles capacités. A vous donc, suivant votre style, de créer des combinaisons qui seront tournées vers la puissance brute ou la discrétion par exemple. Très bien pensé dans ses mécaniques de jeu, Transistor n'est malheureusement pas très fun manette en main et les menus austères vous laissent un peu seul au moment de faire vos premières armes, avec des explications rikiki et parfois un peu vagues... Ça fonctionne hein, attention, mais on a du mal à dégager un véritable plaisir de jeu, des bonnes sensations. La faute peut-être à une maniabilité un peu rigide et à un côté trop cloisonné, sachant que les zones de combat se ferment une fois que les ennemis apparaissent.