Conquérants et esclavagistes, les humains ne sont finalement pas les parangons de vertu vantés par les classiques de l'heroic-fantasy. Dans le monde que nous propose Of Orcs and Men, ils paraissent bien plus sauvages que les orcs, certes virils mais relativement corrects. Pour les différents clans, l'honneur est un concept primordial. Finalement il n'y a que les gobelins, bêtes et méchants, qui restent fidèles à l'imagerie classique. A l'exception de Styx toutefois, l'un des deux héros de l'aventure partis ensemble tuer l'empereur humain. Ce gobelin vraiment pas comme les autres est carrément le seul au monde à être doté de la parole et d'une forme certaine d'intelligence. A tel point qu'il est même passé maître dans l'art de la furtivité. En termes de gameplay, cela se traduit par la possibilité de devenir quasiment invisible, pour mieux se faufiler derrière les ennemis et les assassiner en traitre. A contrario, Arkaïl donne plutôt dans le registre de la brute épaisse, qui frappe aussi fort qu'elle cause. Sa capacité spéciale est aux antipodes de l'infiltration et de la discrétion, puisqu'il s'agit d'un bon vieil état de Berserk. Autrement dit, à force de taper et de recevoir des coups, notre géant vert finit par rentrer dans une rage folle, pour le pire comme pour le meilleur. Mais avant de rentrer dans les détails du système de combat, précisons que dans la plupart des niveaux le joueur contrôle à la fois Arkaïl et Styx. On peut passer à loisir de l'un à l'autre, l'intelligence artificielle prenant automatiquement le relais pour déplacer et faire combattre celui qu'on laisse de côté. Cela vous évoque la possibilité d'un mode coopératif ? Perdu, Of Orcs and Men est hélas une aventure purement solo. Heureusement, la narration constitue l'un des points forts du jeu. L'histoire est agréable grâce au renversement des rôles, tandis que les savoureux dialogues ne manquent pas d'humour. Ils réussissent d'ailleurs l'exploit d'être toujours grossiers mais jamais vulgaires. Tout cela est sublimé par un casting vocal pertinent. Et pour une fois, nous parlons bien de la version française ! Les acteurs prêtant leur voix à Arkaïl et Styx tiennent parfaitement leurs rôles et donnent corps à leurs personnages, au lieu de les décrédibiliser comme c'est encore trop souvent le cas.
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Mais revenons à notre système de combat, qui met fortement l'accent sur la tactique. Les différentes compétences doivent être étudiées avec soin afin d'être déclenchées au bon moment. On ne combat pas un lancier comme un épéiste, et il faut savoir déstabiliser les ennemis et interrompre leurs actions pour espérer sortir vivant des affrontements. A mille lieues d'un beat'em all (contrairement à ce que le trailer de lancement pourrait laisser croire), Of Orcs and Men demande une attention de tous les instants. Styx peut choisir d'attaquer au corps à corps ou à distance, Arkaïl peut se placer en posture offensive ou défensive, et les deux peuvent interagir, pour se soigner ou pour propulser le gobelin sur un ennemi. Il faut ajouter à cela la gestion des accès de rage, qu'on peut précipiter ou retarder. Une fois Berserk, Arkaïl tape certes plus fort, mais le joueur en perd le contrôle. L'orc peut alors très bien se mettre à frapper Styx et, une fois la rage épuisée, il reste inconscient pendant quelques secondes, ce qui peut lui être fatal. Pour gérer au mieux tous ces paramètres, le jeu utilise un système de pause active, qui ralentit fortement le temps et permet d'empiler différents ordres qui seront ensuite automatiquement exécutés. L'absence, volontaire et assumée, de toute potion de soin rend les affrontements sacrément difficiles tant qu'on ne maîtrise pas parfaitement la complémentarité des différentes compétences. Pour se faciliter la tâche, il est conseillé de parcourir les niveaux en mode furtif, afin de pouvoir nettoyer au maximum chaque zone avant de déclencher les hostilités avec les ennemis qu'il est impossible d'approcher sans se faire repérer. Petit bémol à propos de l'infiltration : les gardes qui croisent le cadavre d'un de leurs collègues ne bronchent absolument pas. Nous avons donc affaire à de l'infiltration light, bien loin de ce que propose un Dishonored ou un Hitman.
Les différentes compétences doivent être étudiées avec soin afin d'être déclenchées au bon moment. On ne combat pas un lancier comme un épéiste, et il faut savoir déstabiliser les ennemis et interrompre leurs actions pour espérer sortir vivant des affrontements."
Au chapitre des défauts peu importants, on peut également citer l'inégalité des graphismes. Si la modélisation des peaux-vertes est irréprochable (les orcs sont de véritables montagnes de muscles qui en imposent), celle des humains se situe bien loin de la perfection. La mise en scène alterne également entre bonnes idées (les rêves du troisième chapitre) et lacunes (quelques petits soucis de rythme par moments). Plus gênant mais encore supportable : le loot est extrêmement rare. On finit l'aventure en ayant croisé seulement cinq ou six éléments de chaque type (arme, armure, gants, jambières, talisman) pour chaque personnage. Mais le plus gros écueil du jeu, plus difficile à ignorer, concerne le level design. C'est bien simple, quasiment chaque quête se déroule dans un simple couloir ! Et ce n'est pas une façon de parler, il suffit de systématiquement jeter un œil sur la carte pour s'en convaincre. L'exploration s'en trouve réduite à son strict minimum, à tel point qu'on pourrait presque nous balancer les combats à la suite les uns des autres que ça ne changerait pas grand-chose. Même les deux derniers chapitres, qui se déroulent bien plus en extérieur que les autres, n'échappent pas à ce problème. Ce sentiment de manque de liberté est renforcé par l'absence de fonction de saut, qui nous limite encore plus dans nos déplacements. Tout cela gâchera immanquablement l'expérience des amateurs de grands espaces et des allergiques à la linéarité. Seuls ceux qui sauront composer avec ces défauts, ou qui y sont naturellement peu sensibles, tireront du plaisir de ce jeu de rôles imparfait mais sympathique.