PARLENT COMME LES HOMMES, ONT LE GOÛT DU CRABE
Tout cela est d'autant plus dommage que South Park : Le Bâton de Vérité est une véritable réussite esthétique. Pendant des années, différents studios se sont pétés les dents en essayant de transposer la série en 3D ou en tentant de lui donner un style visuel différent du sien. Alors que tout ce qu'on demandait, c'était un jeu visuellement cohérent avec la série animée. C'est aujourd'hui chose faite. South Park : Le Bâton de Vérité est bonnement et simplement un épisode interactif, et c'est ce qui le rend tellement kiffant. Si vous avez toujours été hermétiques au style graphique du dessin animé, ça ne devrait pas changer, mais pour peu que vous soyez fans (et c'est essentiellement aux fans que le jeu s'adresse), alors vous serez ravis voire carrément hystériques. Pour la première fois, on peut découvrir librement South Park, dont la géographie exacte a d'ailleurs été définie expressément pour les besoins du jeu par Stone et Parker. Où est l'école primaire par rapport à la maison de Cartman ? Et la mare de Stark ? Y a-t-il d'autres lieux dans la ville qui n'ont jamais eu leur heure de gloire à l'écran ? Rien que pour ça, le jeu vaut le coup. Alors évidemment, on peut toujours trouver à redire, sur le rôle surtout décoratif de la plupart des lieux et des habitants, mais la ville est bien assez vivante et assez grande pour être agréable à visiter sans s'ennuyer. Et puis on revient de tellement loin... Seule ombre au tableau, les versions consoles sont gangrenées par de très vilaines chutes de framerate lors des déplacements en extérieur, proprement inexplicables vu le style graphique du jeu. Un problème qui devient même parfois très désagréable, quand il est couplé à une sauvegarde automatique et que le jeu se met à toussoter comme le papy de Stan (qui ne fait d'ailleurs pas partie de l'aventure, Billy).
KEUUWAA ?! VOUS VOULEZ DIRE... VRAIMENT ?!
On vous parle de fidélité visuelle et c'est une bonne chose, mais il en va de même du côté du scénario, qui pioche surtout dans le côté what the fuck de la série. Un peu dommage, car on se prive de la grande qualité satirique de South Park, même si le monde du jeu vidéo se fait gentiment taquiner. Le Bâton de Vérité reste carrément dans l'esprit, mais son pitch n'est pas à classer parmi les meilleurs que Trey Parker et Matt Stone aient jamais écrits. S'appuyant sur l'épisode "Le Retour de la Communauté de l'Anneau des Deux Tours", le jeu d'Obsidian vous place dans la peau du Nouveau, un enfant tout juste débarqué avec ses parents dans la petite ville du Colorado. En essayant de vous faire de nouveaux amis, vous allez tomber au beau milieu d'un gigantesque jeu de rôles organisé par les garçons de primaire dans le but de s'accaparer le Bâton de Vérité (un bout de bois tout pourri, ou une relique permettant de contrôler l'Univers suivant le point de vue). Vous prendrez donc part, en tant que grand héros, à une lutte sans merci entre les Humains de Cartman, Butters ou Kenny et les Elfes de Kyle, Stan et Jimmy. Comme souvent à South Park, la situation va partir en sucette, à base de crash d'OVNI, d'agence gouvernementale secrète et d'invasion de nazis zombies. Comme dans la série, le jeu pousse le délire très loin et ne se prive pas, pour peu qu'une ridicule censure européenne ne vienne pas s'en mêler (les scènes de sodomie, non, mais un personnage qui empale un cheval dans sa maison, ça ne dérange apparemment pas). Les développeurs ne se sont d'ailleurs pas privés de tourner en dérision les passages qui ont été coupés sur console. Et le jeu de multiplier les références et les clins d’œil très, très appuyés en incluant toutes sortes d'éléments très connus des fans dans le déroulement de l'histoire. Oui, South Park : Le Bâton de Vérité est un immense morceau de fan-service, c'est indéniable. Mais pas que.
N'OUBLIEZ PAS D'EMMENER UNE SERVIETTE
En dessous du gros tampon (en cheveux de cherokee) "FAN SERVICE" se trouve tout de même de solides fondements de gameplay. Le Bâton de Vérité s'avère être un RPG tout ce qu'il y a de plus classique mais aussi tout ce qu'il y a de plus efficace. Le seul héros dont vous devez gérer l'évolution est votre avatar, qui gagne niveaux et compétences en remplissant des quêtes et en éclatant des ennemis. L'exploration et les boutiques vous offrent des armes et des armures par dizaines, de plus en plus puissantes au fur et à mesure de l'aventure, qui renforcent votre attaque et votre défense. Quant aux autres personnages jouables, ils sont là aussi déblocables avec le temps, sachant qu'un seul compagnon peut vous apporter son aide en combat et qu'ils obtiennent de nouvelles capacités quand votre avatar atteint certains paliers de niveaux. Même les combats n'ont rien de vraiment exceptionnels dans leur fonctionnement. Tour-par-tour, barres de vie et de puissance pour déclencher les compétences (plus une jauge de mana pour vos prouts), affinités élémentaires et altérations d'état, et même invocations : tout y est et même si, sur le fond, la recette n'est pas franchement originale, le tout est cohérent et agréable à jouer. Malheureusement, il faudra pousser le jeu en difficile pour avoir un véritable challenge. La relative rareté des capacités de régénération oblige les joueurs à utiliser ses items, mais semble avoir poussé les développeurs à les rendre trop efficaces. D'autant qu'on peut en utiliser un par tour sans pénalité. Ce sont donc les adversaires multiples qui sont les plus coriaces, dans la mesure où votre camp n'aligne que deux combattants. Spéciale dédicace au Vice-Président Al Gore, qui nous a donné un peu de fil à retordre, et au passage aux quêtes annexes nombreuses, qui servent vraiment à faire avancer le gameplay.
Les combats ne laissent jamais le joueur passif derrière sa manette. Les actions de base réclament une bonne dose de timing, que ce soit pour l'attaque ou la défense, tandis que la plupart des compétences nécessitent d'effectuer un QTE parfois exigeant."
MAIS (et c'est un gros mais, vous l'aurez remarqué), Le Bâton de Vérité marque sa différence d'abord par l'utilisation judicieuse de l'univers de South Park mais aussi via toute une série de choix de gameplay qui rendent le joueur plus impliqué. On parle ici des aptitudes et de la magie (ouais, OK, les prouts) que vous pouvez utiliser en dehors des combats pour libérer de nouveaux chemins et découvrir des trésors cachés, pour prendre l'ascendant avant d'engager le combat ou carrément pour étriper vos adversaires en profitant du décor. Une lampe qui pend au plafond ? Tirez dessus, et regardez le pauvre gugus qui traînait en dessous finir embroché. Un peu d'eau par terre ? Cherchez un câble électrique à décrocher du mur. Et dès que vous trouvez une flamme, n'hésitez pas à péter dessus, le résultat vaut globalement toujours la chandelle. Certes, cela facilite encore le jeu vu sous un certain angle, mais ces interactions ne sont pas obligatoires et vous obligent tout de même à faire preuve d'un peu jugeote et d'un certain sens de l'observation. De la même façon, les combats ne laissent jamais le joueur passif derrière sa manette. Les actions de base réclament une bonne dose de timing, que ce soit pour l'attaque ou la défense, tandis que la plupart des compétences nécessitent d'effectuer un QTE parfois exigeant. De plus, la gestion des armes/équipements et leur customisation grâce à des patchs et des ceintures se révèle être plus variée et plus pointue qu'il n'y paraît pour la résolution des combats.
CHINPOKOEXTRAMON
Nan et puis flûte quoi. Ce qui est le plus tripant dans tout ça, c'est quand même l'adaptation de l'univers South Park au jeu vidéo. Tout est une trouvaille. Le kiffe, c'est de collectionner les Chinpokomon (J'AI TROUVE CHAUSSURE !), d'entendre les zombies-nazis parler avec des enregistrements issus des bandes sonores de la Deuxième Guerre Mondiale. Ici, pas de poison ou de mutisme dans les altérations d'état. Soit on saigne abondamment, soit on brûle, soit on gerbe d’écœurement après avoir reçu des œufs pourris ou même un bel étron en plein visage. Les invocations ont pour nom Jésus, M. Esclave ou M. Hankey, le Caca de Noël, qui se la joue Mickey dans Fantasia, avec d'immenses vagues de merde. On soulignera là encore un problème d'équilibre de la difficulté, qui rend ces personnages surpuissants, mais qui les rend inutilisables contre les Boss ! Pire : il ne sont utilisables qu'une fois par jour dans le jeu (sachant qu'il n'y a que trois jours) et qu'il faut à chaque fois aller rechercher l'objet d'invocation auprès du perso concerné. Les objets de pacotille que vous ramassez à droite à gauche, quant à eux, ne servent à rien d'autre qu'à la revente, et on peut franchement le regretter, mais on ne peut s'empêcher de se marrer en trouvant un jagon déjà sucé dans un coffre, la collection de godes de Madame Cartman dans un tiroir ou encore la Grenouille mexicaine hypnotique du Sud du Sri Lanka, planquée dans un sac. Et comment ne pas évoquer ces niveaux géniaux : dans le cul de M. Esclave avec la chanson de Lemmiwinks en fond sonore, le voyage au Canada en mode 8-bit ou encore ces combats épiques contre des Gnomes Voleurs de Slips au beau milieu des ébats de vos parents ?