Variation intelligente sur les affres de la création sous haute influence de Stephen King, Alan Wake a réussi à se faire un nom sur une Xbox 360 qui ne manque pourtant pas de héros. Alors que la parution tardive de sa folle aventure sur PC n'a pas terni sa légende, l'écrivain happé, littéralement, par son œuvre et confronté à de dangereuses forces issues des ténèbres est autrement moins convaincant dans ce premier stand-alone, qui conserve pourtant un attrait narratif certain. Nouvelle mise en abyme, la brève campagne plonge l'auteur dans l'univers de Zone X, inquiétante série télévisée sur laquelle il a eu l'occasion de travailler. Plongé dans un monde fictionnel dans lequel il rencontre des personnages convaincus de leur réalité, le brun à la chemise de bucheron croise également ses vieux copains les Possédés ainsi qu'un nouvel adversaire de taille, son double malfaisant, M. Grincement. Totalement barré, ce maléfique séducteur souhaite maintenir Alan prisonnier d'une dimension au doux parfum d'ouest poussiéreux. Divisée en trois zones, la petite production XBLA met ainsi en scène l'Amérique des Rocheuses, des derricks, des motels perdus dans le désert et des drive-in. Ce décor de western moderne a visiblement bien mal inspiré les Finlandais, qui transforment leur singulier thriller horrifique en jeu d'action simpliste aussi plat que la grande prairie.
Finnish Failure
A l'origine du formidable diptyque Max Payne, les Nordiques ont-t-ils voulu réaffirmer leur maestria dans le domaine du gunfight ? La réussite n'est en tous cas pas au rendez-vous. Coincée par ses mécaniques basiques (de l’action-aventure à la troisième personne hyper rigide) et son univers très cérébral (les PNJ sont rares mais incroyablement bavards), tiraillée entre une volonté de démontrer ses talents d'écriture et un désir d'encourager la baston, l'équipe échoue à la fois à restituer la frénésie des Max Payne et à retrouver l'angoisse sourde d'Alan Wake. La simple construction du jeu est aberrante: alors que les trois cartes affichent des superficies respectables, il n'y a quasiment rien à y faire si ce n'est de jouer au coursier maladroit, Alan étant toujours une buse lorsqu'il s'agit d'escalader un bête rocher. Seule incitation à l'exploration, la collecte des pages d'un manuscrit vous permet simplement de débloquer certaines armes puissantes mais non-indispensables et, à ceux qui s'accommoderont de l'épouvantable interface de lecture, de mieux comprendre la trame de cet épisode. Paradoxalement, aussi bons conteurs soient-ils, les petits gars de Remedy ose le twist narratif le plus minable du moment : la boucle temporelle. Un artifice pathétique qui vous conduit à jouer trois fois dans chaque environnement et à y vivre des expériences assez proches, à quelques allers-retours et monstres près. En outre, tous les personnages croisés manquent singulièrement d'épaisseur et, tout méchant soit-il, M. Grincement tient davantage du figurant que du tout-puissant adversaire. Vous verrez d'ailleurs plus souvent votre double ricaner dans des vidéos diffusées sur les postes de télévision éparpillés dans le jeu que venir vous titiller sur le terrain. Un sacré paradoxe pour un titre qui lorgne si franchement vers l'action. Pour autant, Alan Wake's American Nightmare n'est pas une œuvre ratée de bout en bout. Très bien fini, fluide, le titre affiche en outre une qualité graphique très raisonnable, témoigne une nouvelle fois du soin apporté par Remedy à l'environnement sonore (sacré casting de voix, en VOST dans le texte) et se pare d'un mode Arcade assez rigolo quoique vite lassant, dans lequel vous devez survivre en flinguant le plus de Possédés possible. Les Finlandais affirment n'en avoir pas terminé avec Alan Wake. Espérons juste que cet American Nightmare marque la fin de leur attachement aux mécaniques de jeu archaïques.