Editeurs et développeurs de jeux vidéo traditionnels (comprenez, sans fitness, ni poneys et encore moins avec le logo Nintendo) s’interrogent chaque jour davantage sur la viabilité de la Wii. Alors que la petite console s’est installée dans plus de soixante millions de foyers, la plupart de ses produits estampillés gamers, ou qui tentent de séduire une audience n’incluant ni votre petite sœur, ni votre gentille maman, peinent à trouver leur public. Les investissements nécessaires à la conception d’un titre sont évidemment plus faibles que sur les supports HD, mais alors qu’il est possible d’adapter un projet Xbox sur PS3 et PC sans surcoût délirant, un jeu pensé pour la Wii ne peut être directement décliné sur les supports concurrents. Ces considérations n’ont pas totalement découragé certains acteurs majeurs du secteur, qui n’ont de cesse de concevoir des œuvres exclusives et ambitieuses sur la bécane la plus grand public du marché. Pour combien de temps ? Chez Ubisoft, l’avenir du développement sur Wii est peut-être subordonné aux ventes de deux titres : Les Lapins Crétins : La Grosse Aventure, déjà dans les bacs, et Red Steel 2, qui verra le jour en mars prochain. En cas d’échec de ces projets au long cours, qui ont mobilisé des équipes conséquentes durant plusieurs années, le groupe français continuera-t-il de produire autre chose que des produits casual et des portages vite montés sur Wii ? Rien n’est moins sûr.
Remise à plat
Les développeurs d’Ubisoft Paris ne se sentent toutefois nullement l’âme de fossoyeurs, et souhaitent davantage bluffer la concurrence et les joueurs que détourner à jamais leur maison-mère du petit marché des FPS sur Wii. L’équipe basée à Montreuil n’a pourtant pas choisi la voie de la facilité, multipliant les innovations et campant sa nouvelle création dans un décor assez surprenant, qui mêle western, esthétique asiatique et bad guys tout droit sortis de Mad Max. Un choix que les hommes de Jason Vandenberghe justifient habilement, comme vous le découvrirez dans notre reportage, mais qui ne plaira pas forcément à tout le monde. Red Steel 2 ne manque néanmoins pas d’allure : le moteur 3D maison est plutôt efficace, les différents protagonistes sont bien modélisés et l’emploi du cel shading ajoute encore à la singularité de l’univers. Pas échaudés par l’expérience XIII, FPS qui exploitait la même technique graphique et dont les ventes n’ont pas été à la hauteur de leurs espérances, les Français ont eu raison de revenir à leurs premières amours et de délaisser le rendu réalistico-dégueulasse du premier épisode. Plus propre, plus colorée, sans grand lien scénaristique avec son piètre prédécesseur – certains personnages secondaires semblent toutefois amenés à reprendre du service – cette suite n’a donc pas grand-chose à voir avec le premier volet, dont elle reprend cependant la principale mécanique : le combat au sabre et à l’arme à feu.
Lame à la main
Alors que la plupart de ses concurrents ne voyaient pas plus loin que le bout de leur flingue, Ubisoft a eu l’intelligence d’étudier un peu son armurerie avant d’imaginer son premier FPS sur Wii. Mal calibré et donc finalement assez peu jouable, Red Steel n’en permettait pas moins de manier ces deux types d’instruments de mort d’une façon qui se voulait naturelle. Là encore, l’empressement et les limites techniques de la Wii n’ont pas joué en faveur du groupe, qui revoit totalement sa copie et n’hésite pas à exploiter les dernières innovations de Nintendo dans cette suite. Red Steel 2 est ainsi jouable avec le Wii Motion Plus (exclusivement jouable, devrait-on préciser), qui garantit une meilleure détection des mouvements et donc une plus grande finesse d’exécution. Nunchuk et télécommande à la main, nous avons effectivement senti une belle évolution depuis les pénibles approximations de l’opus originel. Si la gestion des flingues évolue peu, avec une simple amélioration de la visée, le maniement des armes blanches est autrement plus fluide et les coups varient selon la force de vos mouvements et le sens de vos gestes. Votre serviteur, accompagné pour l’occasion de Maxime et de Mathieu, a bien noté quelques ratées, notre avatar ne reproduisant pas systématiquement le mouvement escompté, mais le résultat est sans commune mesure avec ce que l’on à pu voir sur Wii jusqu’à présent. La palette d’attaques s’est au passage considérablement enrichie. Toutes ne sont évidemment pas disponibles dès les premières secondes, et vous en débloquerez au fil de votre aventure, soit automatiquement, soit en les achetant auprès du marchand adéquat moyennant quelques piécettes récupérées sur un cadavre ou dans un recoin obscur du décor. La menue monnaie vous permettra également d’améliorer les caractéristiques de votre héros et d’acheter munitions et nouveaux pétards, ce que les amateurs de baston à distance ne manqueront d’apprécier. Loin d’être inintéressant au gun, Red Steel 2 n’en semble pas moins essentiellement pensé comme un gros jeu d’action au katana, la lame permettant de multiplier les coups spéciaux. Les parties s’annoncent d’ailleurs assez physiques, bien qu’il soit possible de régler la sensibilité des commandes. La répétition de mouvements brusques, verticaux ou horizontaux, pourraient en effet raviver vos vieilles crampes adolescentes, au poignet voire au bras tout entier. Bien qu’assez rythmé, le jeu ménage toutefois quelques brèves plages de calme entre deux massacres, pauses généralement consacrées à l’exploration ou au visionnage de cinématiques plutôt bien mises en scène. L’expérience semble toutefois amplement mériter ces menus efforts. Joli, original et réfléchi, Red Steel 2 pourrait bien recevoir un meilleur accueil critique que son piteux prédécesseur. Reste désormais à savoir si les efforts déployés par Ubisoft Paris pour concevoir cette suite exploitant au mieux les spécificités de la Wii leur permettront de décrocher une belle place dans les charts printanniers.