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La recette Telltale s'est affinée au fil du temps, et elle est désormais bien établie. Pour ceux qui auraient passé les dix dernières années dans une grotte, rappelons que le studio américain propose une vision bien particulière du jeu d'aventures, qui va presque à l'encontre des mécaniques historiques du genre. Absence quasi-totale d'énigmes, déplacements réduits au strict minimum, objets à ramasser en très faible nombre, inventaire quasiment inutile, et scènes d'action à base de QTE sont ainsi des marques de fabrique de la recette Telltale. Cela peut éventuellement déplaire aux aventuriers hardcore, mais force est de constater que le succès est au rendez-vous. La force du concept tient essentiellement à la présence de dialogues à choix multiples, dont les conséquences peuvent être tout aussi bien nulles, anecdotiques, importantes ou extrêmement déterminantes pour la suite de l'histoire. La réussite d'un jeu Telltale tient donc essentiellement à la qualité de l'écriture et, en cela, adapter Game of Thrones semble être une très bonne idée. Mais, alors que l'intrigue majeure de la saga est déjà doublement figée (par les livres, et par la série), comment proposer au joueur de façonner sa propre histoire selon ses choix ? La solution est toute trouvée : le mettre à la tête d'une maison laissée de côté jusqu'à maintenant. Il s'agira donc de la famille Forrester, dont le nom est évoqué de manière anecdotique, et une seule fois, dans les romans de George R. R. Martin. Bannerets de la maison Stark, les Forrester constituent bien évidemment une famille nombreuse. Du coup, le joueur se retrouve à la tête de plusieurs personnages, parmi lesquels Rodrik, Asher, Mira et Ethan, les enfants (petits et grands) de la maison, ainsi que Gared Tuttle, écuyer de Lord Gregor Forrester. Ces héros (ou héros en devenir) étant dispersés au quatre coins de Westeros, on profite de scènes variées, ce qui évite toute lassitude. De plus, le jeu n'hésite pas à nous présenter des têtes, des lieux et des événements connus de tout fan qui se respecte.
MENSONGES & TRAHISONS
On participera ainsi de manière indirecte au fameux mariage rouge, à celui de Joffrey Baratheon ou encore à la libération de Meereen. Et l'on aura l'occasion de dialoguer avec Tyrion Lannister, la Reine Cersei, Ramsay Bolton, Jon Snow, Daenarys Targaryen et Margaery Tyrell. Du bon fan service, qui pousse le bouchon jusqu'à modéliser les visages des personnages en fonction de ceux des acteurs de la série, qui se sont même donné la peine de participer au doublage. Au passage, précisons que le jeu est entièrement en anglais, et qu'il faudra attendre la bonne volonté de la communauté pour disposer de sous-titres français. Mais revenons à nos modélisations, qui sont assez inégales. Parfois très fidèles de profil mais peu de face, ou inversement. Parfois détaillées jusqu'à reconnaître les mimiques habituelles des acteurs, et parfois complètement ratées comme celle du pauvre Iwan Rheon qui, malgré toute la haine que son personnage nous inspire, méritait tout de même mieux. Les graphismes soufflent également le chaud et le froid d'une manière plus générale, puisqu'on se surprend ici à apprécier l'effet de peinture appliqué à l'image, et là à pester contre des textures trop floues ou des modèles 3D trop sommaires. Et puisque nous en sommes à lister les défauts du jeu, signalons que l'aventure est sujette à un bug audio récurrent, qui coupe sans raison certaines pistes musicales (diminuant ainsi l'effet dramatique de certaines scènes), que certaines animations sont loin d'être suffisamment détaillées et que, comme dans beaucoup d'autres jeux Tellate, l'inventaire dont disposent les différents héros ne sert quasiment à rien. Non seulement les personnages utilisent automatiquement le bon objet au bon endroit et au bon moment mais, en plus, les événements de ce type se comptent sur les doigts d'une main de voleur (c'est à dire deux ou trois). Mais on passera assez facilement outre ces problèmes, tant le jeu nous flatte par son respect de l'univers et de l'esprit de Game of Thrones.
Petites et grandes trahisons, mensonges et conciliabules, intrigues de cour, meurtres inattendus, infanticides et décès de personnages importants formeront ainsi votre quotidien.
Petites et grandes trahisons, mensonges et conciliabules, intrigues de cour, meurtres inattendus, infanticides et décès de personnages importants formeront ainsi votre quotidien. Certains de ces événements vous seront imposés, d'autres dépendront de votre attitude lors des séquences de dialogues, et d'autres encore vous seront proposés clairement (par exemple lorsqu'on vous demandera de sacrifier l'un des héros pour en sauver un autre). Mais dans tous les cas, n'espérez pas obtenir une fin heureuse ou amoindrir sensiblement la souffrance de la famille Forrester. Quoi que vous fassiez, son destin sera funeste. En cela, le jeu respecte une nouvelle fois l'esprit des livres et de la série mais, en contrepartie, laisse un certain sentiment d'impuissance au joueur. De même, on pourra tiquer sur la ressemblance un peu trop frappante entre le destin de la famille Stark et celui des Forrester. Mais on pardonnera aisément ces facilités, car elles sont la garantie d'une fidélité absolueà l’œuvre originale. On sera en revanche moins conciliant avec le peu de vraisemblance de certains événements. On pense notamment à l'arc scénaristique concernant Asher, qui est chargé de lever une armée pour venir en aide à sa famille, qui parcoure des centaines de kilomètres pour cela, et dont les sauveurs s'avèrent au final être moins d'une dizaine, sans que cela ne choque personne. Définitivement intimiste plus que spectaculaire, le jeu reste très plaisant malgré ses défauts… à condition d'apprécier particulièrement la licence originale !
