Qu’il est difficile d’être Roumain aujourd’hui ! Constamment victimes d’amalgames malheureux, les plus latins des Européens de l’Est doivent également défendre l’image de leur pays, toujours présenté comme une contrée violente et sauvage, à jamais marquée du seau fantasmatique des brutaux princes de Valachie. Certes, Rise of Nightmares ne met pas en scène le Comte Dracula, mais il ne fait aucun doute que l’Office du Tourisme roumain n’a pas validé le contenu de ce survival horror caricatural. Forêts maudites, expériences interdites, légendes sanglantes, Sega se vautre dans les clichés pour son premier FPS horrifique personnel depuis… House of the Dead. Tout y passe, jusqu’à la bohémienne mystérieuse et lascive, dans une virée violente qui passe au mixeur Frankenstein, Dracula (malgré tout), Hostel et Saw, Lovecraft et, boucherie à zombies oblige, Romero.
La panoplie du boucher
Prisonnier du domaine d’un savant zinzin passé maître es nécromancie, votre petit héros, alcoolo au grand cœur, cherche sa fiancée perdue au milieu de hordes de morts-vivants suturés. Assemblages grossiers de membres humains et d’éléments mécaniques, les créatures qui l’assaillent font preuve d’un certain mordant, voire de piquant, d’électrocutant ou de tranchant. Alors que le bestiaire manque un poil de variété (goules cracheuses ; soubrettes cadavériques ; esprits hurleurs ; brutasses décomposées), la panoplie d’armes employée par vos adversaires ou utilisable par votre héros est phénoménale. Pour vous inciter à varier les plaisirs, chaque objet ne peut être utilisé qu’un certain nombre de fois avant de disparaître, vous laissant affronter les meutes râlantes de vos seules mimines. Couteaux et lames diverses, marteaux, scies, coup de poing américain, barre de fer, bâton électrifié, hachoir électrique, vases en métal, tronçonneuse (évidemment !) mais également scalpels et autres tubes à essai explosifs à utiliser à distance, il y a largement de quoi s’amuser. Ajoutons à cela que les dégâts sont localisés – vous pouvez donc trancher têtes et bras –, que certains actes du titre vous permettent de goûter à des plaisirs à la fois magiques et explosifs, et l’on tient, en théorie, un titre d’action sanglant réussi. Sega a hélas eu la mauvaise idée de vouloir jouer à fond la carte de Kinect et de pousser le vice jusqu’à débarrasser son produit de toute compatibilité avec la manette. Les possesseurs de la webcam intelligente de Microsoft apprécieront l’effort, en particulier les gamers, qui crient toujours famine depuis la sortie du périphérique, mais regretteront que la compagnie japonaise ne soit pas allée au bout de ses ambitions.
Malgré sa construction très linéaire, le titre n’est pas un rail shooter à la House of the Dead, et vous devez vous déplacer tout seul comme un grand."
Tout ou presque est là : alors que la plupart des titres compatibles ne reconnaissent que quelques mouvements de base, Rise of Nightmares voit les choses en grand. Les mains vous servent à attaquer, à gauche, à droite, de bas en haut, de haut en bas, latéralement, en diagonale, mais également à vous couvrir les oreilles face à des ennemis trop bruyants, à chasser les moustiques ou à vous débarrasser les bras de sangsues. La caméra repère aussi les mouvements du bas de votre corps. Il vous faut parfois, lors de QTE, courir ou faire des pas de côté ou en arrière pour éviter un piège ou l’attaque d’un boss, tandis que durant les phases classiques, un bon coup de pied dans le vide repousse les dévoreurs de cervelle les plus collants. Le mouvement inférieur le plus exploité reste toutefois le pas en avant qui vous fait… avancer. Malgré sa construction très linéaire, le titre n’est pas un rail shooter à la House of the Dead, et vous devez vous déplacer tout seul comme un grand. Il est possible d’automatiser ponctuellement l’exploration, mais le pathfinding n’est pas très heureux et cette option vous jette parfois dans les bras d’un monstre ou carrément contre un mur. En mode manuel, outre le pied en avant, il vous faut évidemment vous orienter, en jouant cette fois des épaules. Le concept n’est pas idiot, mais tout ceci est très mal fichu et parfaitement incompatible avec l’exercice de l’abattage de zombies en chaîne. Pendant les combats comme lors des épisodes de vadrouille dans des décors assez ternes, la reconnaissance des mouvements est trop aléatoire. Les affrontements relèvent ainsi souvent davantage de tentatives de pugilat entre filles ivres mortes qu’entre brutes assoiffées de sang tant tout le monde, héros comme ennemis, brasse de l’air inutilement. Cette prise en main désastreuse rend évidemment l’expérience particulièrement angoissante ("je vais mourir bêtement dans 30 secondes" et monopolise l’attention du joueur, qui devient totalement insensible au potentiel horrifique de ce petit jeu à la direction artistique et à la construction chaotiques mais intéressantes. Du chien à tête d’homme au savant totalement schizophrène, de séquences rêvées en incarnation ponctuelle de PNJ monstrueux, SEGA avait, moyennant un effort technique, de quoi faire un jeu médiocre et modérément flippant à la manette. Il n’a réussi à produire qu’un titre bâclé et crispant sur Kinect.