
Deux ans après un premier épisode qui était sorti sans prévenir d'une ruelle sombre, et avait assené un petit coup bien senti dans la nuque des adaptations vidéoludiques de super-héros,
Batman : Arkham City se montre cette fois-ci dans la lumière du bat-signal. Attendu au tournant - notamment au niveau de la frustration du cloisonnement dans le glauque asile de
Batman : Arkham Asylum - le jeu s'est ouvert pour retrouver la devise première de Batman : la menace vient d'en haut. Au sein d'Arkham City, un quartier entier de Gotham City fermé dans le but de devenir une prison à ciel ouvert, le chaos a été instauré par trois grands criminels : le Joker, Double-Face et le Pingouin. Trois factions qui s'entre-déchirent pour le contrôle de la ville, mais unies pour abattre un Bruce Wayne dont seul le
mystérieux Docteur Strange connaît le secret. Une zone de guerre qui va obliger non seulement le vengeur masqué à échapper aux hélicoptères et aux snipers du groupe Tyger de Strange, mais également à tenter de remettre un peu d'ordre dans cette cité lugubre. Un statut de veilleur qui recolle au plus près de la mythologie de ce héros, dont l'environnement tient davantage à des labyrinthes de rues crades et fumantes qu'aux couloirs d'un asile. La verticalité est logiquement devenue un atout et favorise les éliminations silencieuses, tout autant que les mauvaises surprises. Postés régulièrement sur les toits des immeubles d'Arkham City, les hommes de main du trio de psychopathes surveillent la moindre ombre suspecte et sont très prompts à appeler du secours en cas de chauve-souris dans les parages. La liberté nouvellement acquise n'autorise donc pas les balades insouciantes au clair de lune, et il est important d'effectuer des petits repérages en mode détective au préalable pour éviter une balle dans le dos. Des précautions qui ne freinent pas l'aspect grisant des survols du quartier-prison, grâce à un
level-design bien pensé qui offre de nombreuses zones dégagées. Ces dernières permettent de plonger vers le sol afin de prendre de l'élan et de continuer son vol plané sans être coupé dans l'exploration. Le grappin reste bien entendu d'actualité, mais l'ajout de cette possibilité de progression uniquement aérienne apporte donne une saveur grisante à la maîtrise des cieux. Pour autant, la chauve-souris est aussi à l'aise à couvert qu'en frôlant les cimes des buildings.
L'ombre et la proie

Divisée entre l'ensemble des camps présents, l'histoire de
Batman : Arkham City conduit à arpenter la zone criminelle de long en large, que ce soit dans les airs ou en pénétrant dans les divers bâtiments municipaux aux mains de tel ou tel fou furieux. Souvent très étendus et construits sur plusieurs niveaux, ces QG requièrent à chaque fois une bonne connaissance des gadgets pour pouvoir avancer au gré des différents pièges et "énigmes" relativement simples à contourner. Avec un minimum de recherches et d'observation. Bien conçus, ces niveaux, agissant comme des sortes de donjons, se montrent habilement tortueux. Une impression de complexité qui passe par un cheminement fondé sur des détours dissimulés, et le fait d'être orienté en pensant explorer. Il est simplement dommage que la structure reste souvent identique avec le passage obligé par une ou plusieurs phases en mode prédateur, avant la conclusion incarnée par un boss. Un schéma un peu trop systématique qui se montre donc prévisible, sans pour autant casser les effets de surprise et les revirements astucieux mis en place par
Rocksteady. Un constat dû en grande partie à un souci du détail ahurissant, qui fait de chaque lieu visité un témoin vivant des cicatrices de la cité. Que ce soit le musée de Gotham, repris à son compte par le Pingouin, l'ancienne ville ou bien encore le commissariat de police, tous ces endroits poussent à la découverte tant ils imposent un univers fort. Subtil mélange entre les différents films de Burton, oscillant entre le malsain, le burlesque et l'ambiance froide de polar désespéré du Dark Knight griffé Miller, la direction artistique de
Batman : Arkham City se montre encore plus convaincante que dans le précédent épisode. Les atmosphères sont multiples, cohérentes et forment un tout d'une puissance visuelle étonnante, rendant en quelque sorte hommage à ce qu'est Batman ; avec cet aspect de citadelle abandonnée qui légitime immédiatement le personnage. Un respect qui passe également par le rythme du jeu, plutôt posé, et collant bien à la manière de procéder du héros. Ce dernier se fait tout de même régulièrement maraver tout en continuant à avancer coûte que coûte, doucement mais sûrement, avec un aplomb titanesque. Le jeu n'est pas pour autant privé de moments de bravoure intenses, bien au contraire, notamment lors de la traque de l'un des adversaires les plus résistants de Wayne. Des ennemis qui ne sont d'ailleurs pas loin de voler la vedette à ce dernier, tant dans leur excellent doublage français que dans leur intégration au sein de l'histoire.
Je suis la vengeance, je suis la nuit

Le casting des personnages qui en veulent de près ou de loin à Batman est d'une richesse étonnante. Il comprend non seulement les
vilains classiques et réguliers style Edouard Nigma ou Bane, mais également des têtes moins récurrentes comme Deadshot, le Veilleur, voire le Chapelier Fou. Plus ou moins développés, ces derniers sont toutefois tous au centre d'une petite histoire qui s'intègre dans un ensemble de quêtes annexes loin du simple "amène tel objet à telle personne". Elles prennent la forme d'une course contre la montre, d'enquêtes avec recherche de preuves, le tout avec une vraie conclusion qui ne se résume pas à l'obtention d'un Succès/Trophée. Les très nombreuses énigmes de l'Homme
Mystère font aussi partie des activités secondaires, avec pour principale nouveauté l'existence d'hommes de main d'E.Nigma qu'il est possible d'interroger pour activer l'affichage desdites énigmes sur la carte. Des à-côtés qui donnent également accès à des nouveaux gadgets et, surtout, à des points d'expérience bien pratiques pour améliorer certains coups/items de Batman, mais aussi la résistance de son armure aux balles ou aux coups directs. Un système d'évolution très classique qui a pour simple mérite d'éviter les game over face à des groupes d'ennemis parfois très nombreux. Reprenant le système de combat
FreeFlow,
Batman : Arkham City laisse un peu plus de largesses au joueur, avec l'utilisation rapide de gadgets qui temporisent un peu plus les affrontements et surtout un côté davantage acrobatique. Une évolution timide qui passe aussi par la présence d'ennemis à l'agressivité revue à la hausse, qui hésitent moins à se servir de ce qui traîne et surtout d'armes tranchantes obligeant à des esquives multiples à gérer au stick. Même si ce principe demeure perfectible avec toujours un automatisme qui retire une certaine liberté au joueur, les combats victorieux à un contre dix conservent leur puissance et le côté jouissif qui se dégage de la vision des adversaires gisant ça et là. Ne cherchant pas la révolution,
Rocksteady s'est contenté d'améliorer l'excellente recette mise en place dans le premier épisode, perdant en surprise et, en un sens, en efficacité pour privilégier une expérience dense, maîtrisée et surtout un retour aux racines de Batman. Cette ouverture ne risque pas d'amener un nouveau public, mais permet de se rendre compte que
Batman : Arkham Asylum n'était décidément pas un coup de chance.
TEST VIDÉO BATMAN ARKHAM CITY