Suffisamment emblématique pour pousser même ceux qui n'y connaissent rien en RPG à s'y essayer, la série Final Fantasy pousse encore de nombreuses personnes à débattre sur des forums afin de savoir si le 7 est une fumisterie, si le 8 est aussi concon que prévu, ou si le 13 est une infâme trahison punie d'exil. En revanche les esprits s'échauffent beaucoup moins lorsque le sujet de la discussion porte sur la musique. Chacun des épisode possède un ou plusieurs thèmes marquants qui font une sorte de consensus à la fois respectueux et souvent nostalgique. Le thème d'Aerith de Final Fantasy 7, Liberi Fatali de Final Fantasy 8, Dancing Mad de Final Fantasy 6, Rose of May de Final Fantasy 9 ou encore Clash on the Big Bridge de Final Fantasy 5, font partie de cette structure invisible qui tient cette saga en une seule et même forme. L'idée de construire un jeu musical tout autour, si elle est étonnamment tardive, prend donc forme avec Theatrhythm : Final Fantasy. Stradivarius ou kazoo ? Réponse dans notre test.

Avec son titre imprononçable, ce qui est un comble pour un jeu basé sur le son, Theatrhythm : Final Fantasy est une sorte de mélange de concepts fertiles issus de Gitaroo Man, Oendan et Taiko no Tatsujin, dans l'univers classique de la série qui reprend d'ailleurs la thématique Cosmos/Chaos mise en avant sans grande subtilité dans les deux épisodes Dissidia. Car oui, le jeu de Indies 0 dispose d'un scénario. Dans la peau des vaillants combattants de la lumière que sont les personnages principaux de Final Fantasy 1 à 13, il faut restaurer l'aura du Cristal de la Mélodie qui s'éteint peu à peu face aux assaut de Chaos. Voilà.
Ce n'est donc pas pour être immergé dans l'histoire que le joueur se penche sur Theatrhythm : Final Fantasy mais bien pour tomber dans le piège vicieux de Square Enix, philtre composé d'un soupçon de fanboyisme et d'un appel du pied à cette satanée collectionnite. Deux éléments qui se déclenchent dès l'attaque du mode Series, axe principal du titre et correspondant au pan narratif du jeu. Découpé en 13 parties, avant de débloquer les playlists Final Fantasy Encore et Final Fantasy Chaos, ce dernier propose de parcourir chaque épisode via 5 étapes différentes. Outre une introduction et un épilogue qui ne sont soumis à aucun challenge et permettent simplement de récupérer quelques points, ce sont surtout les 3 axes FMS, BMS et EMS qui représentent l'intérêt de fond du titre.
OMG ce BMS est WTF

Simplifiant au maximum la structure d'un Final Fantasy, ces trois étapes peuvent se résumer à de l'exploration (Field Music Stage), du combat (Battle Music Stage), et comme petite récompense la célèbre scène cinématique (Event Music Stage). Des phases de gameplay qui reposent toutes sur le même concept – celui d'un groupe de symboles qui défilent sur un modèle rythmique - avec toutefois une légère spécificité dans chaque cas. Dispensables à cause d'un manque d'intensité, les EMS souffrent également de quelques défauts de lisibilité, les diverses formes à toucher du bout du stylet ne ressortant pas assez au-dessus des jolies cinématiques CG de Square Enix. Le problème est moins marqué dans les premiers épisodes, mais l'idée conserve sa faiblesse de départ, notamment au niveau des thèmes choisis, souvent bien trop pépères pour espérer conserver l'attention du joueur. Dans la veine de Gitaroo Man, les FMS sont un cran au-dessus niveau rythmique avec de longues séquences nécessitant de tenir le stylet pressé contre l'écran tactile, afin de bien passer par tous les points de lignes continues. Des oscillations parfois acrobatiques demandent des réactions anticipées et les coupures assez fréquentes obligent à passer d'un état de concentration à une poussée de stress en quelques secondes.
Un moyen intelligent de casser une très possible monotonie et un exercice d'entraînement pour les vrais morceaux conséquent du jeu, les BMS. Mélangeant courte séquences de notes vertes tenues, symboles rouges frappées et indications jaunes de direction à tracer très rapidement, ces phases sont les plus périlleuses. Non seulement à cause de la cadence soutenue des thèmes de combat mais aussi de la disposition des icônes qui défilent sur 4 axes horizontaux. L'oeil doit parcourir tout l'écran et passer de personnage en personnage, tout en intégrant les changements de forme des symboles. Une gymnastique qui peut se révéler particulièrement difficile tant certains enchaînements poussent à passer en une fraction de seconde d'une pression longue à quelques légères touches complétées par des directions contradictoires.
Si la première approche de Theatrhythm : Final Fantasy peut laisser penser à une énième déclinaison à but très lucratif sans caractère, le titre se développe avec une certaine envergure dès le mode "Series" bouclé. Il se gonfle alors d'un challenge pour les hommes, les vrais, ceux qui écoutent Eyes on Me.
You touch my Shantoto

C'est en furetant dans les modes "Challenge" et "Chaos Shrine" que les systèmes d'expérience et d'objets à équiper montrent enfin leur utilité.
Subissant la dure loi du level-up, les personnages qui composent l'équipe type du joueur voient leurs stats augmenter régulièrement au fur et à mesure des points d'exp gagnés, plus ou moins nombreux selon les performances accomplies. Davantage de HP permet par exemple de mieux résister aux erreurs et ne de ne pas voir sa barre de vie réduite à néant, signe de game over. Tout comme une agilité plus importante autorise un Cloud, Squall ou autres guerrier à avancer plus loin dans les FMS et ainsi rencontrer des mogs, fournisseurs officiels d'items. Ces mêmes items qui, équipés, participent aussi à la variation des statistiques lorsqu'ils s'agit de pièces d'armure. D'autres, comme les potions, les grimoires, ou les pierres d'invocations, sont automatiquement utilisés dans certaines circonstances et disparaissent alors définitivement du stock. L'intérêt de cette gestion de l'équipe est de pouvoir modifier la difficulté en fonction de ses choix d'équipement. Jouer le mercenaire en Challenge et aller au contact d'un béhémoth tout nu rapporte justement un sacré bonus de points et augmente par conséquent le score final, la note (de E à SSS) obtenue et par extension plus de Rhythmia Points. Une monnaie très rare qui est le sésame pour accéder à de nouveaux personnages et musiques. Chaque palier de 500 points est synonyme d'un élément débloqué et cette construction est à la fois la force et la faiblesse du jeu.
Un pousse-au-crime qui donne la motivation nécessaire pour jouer le mieux possible et ramasser le maximum de points, mais avec une progression extrêmement lente. Même avec toute la bonne volonté du monde, les meilleures sommes reçues sont de l'ordre de 150 points et il est nécessaire de s'acharner sur les mêmes pistes pour espérer décrocher la première nouvelle tracklist à... 10 000 points. Un côté répétitif se greffe sans trop forcer sur cette mécanique et seul le Chaos Shrine autorise un peu de fantaisie avec une succession de pistes, certes déjà entendues mais qui bénéficient d'enchaînements de symboles aléatoires. L'autre alternative est tenter le scoring en terminant de la meilleure des façons les diverses musiques en Ultimate, mais réécouter et rejouer pour la énième fois un thème similaire, même culte, reste l'apanage des seuls fans hardcore de la licence.
Ils disposent en tout cas d'un contenu conséquent, certes assez artificiel, mais qui entretient au moins une bonne quinzaine d'heures avant de tourner en boucle. Pour tout le reste, il y a le DLC. Une extrémité qui est habilement préparée par Square Enix avec l'absence – très voyante
– de certains des morceaux les plus marquants de la saga. Et pour le coup, le contrepoint est un peu dans la gueule.