Jeune studio madrilène fondé en 2009, Tequila Works s’est surtout fait connaître du grand public grâce à Deadlight, un jeu de zombies qui s’était fait remarquer par son approche atypique, puisqu’il s’agissait d’un sidescroller qui jouait déjà sur les jeux d’ombres et de lumières. A cette époque (nous étions en 2012), le titre prenait déjà en référence bon nombre de jeux phares (LIMBO, Shadow Complex) et de séries télé populaires (The Walking Dead) pour attirer le chaland, mais son manque d’originalité n’avait pas réussi à convaincre suffisamment ni la presse, ni les joueurs. Malgré tout, Tequila Works a décidé de reproduire le même schéma de production avec RiME, un jeu qui puise lui aussi ses inspirations à partir d’autres œuvres majeures. Pêle-mêle, on peut citer des titres tels que Journey, ICO, The Last Guardian aussi, sans oublier cet hommage rendu aux films des studios Ghibli tels que Princesse Mononoke et Le Voyage de Chihiro. Car en prenant part au voyage (initiatique) proposé par RiME, vous allez constater à quel point les jeux de Fumito Ueda ou de thatgamecompany ont influencé les développeurs de Tequila Works, qui ne s’en cachent d’ailleurs pas. C’est à la fois une force et une faiblesse, dans le sens où RiME se doit également de forger sa propre identité pour exister et ne pas être qu’un gloubi-boulga de choses déjà existantes. Et cette personnalité unique, qui a déjà marqué à tout jamais notre esprit, c’est dans l’histoire qu’elle s’est constituée. Un récit au dénouement inattendu, surprenant, mais surtout touchant et plein de bons sentiments.
ENFANT DU SOLEIL
Mais avant de pouvoir connaître la conclusion de cette chouette aventure, celle-ci démarre sur un joli travelling vertical, de haut vers le bas, puisque la caméra suit l’atterrissage d’une mouette sur une plage de sable blanc. A ses côtés git un jeune garçon au look assez primaire qui rappelle d’une certaine manière le Esteban des Mystérieuses Cités d’Or. Habillé d’un simple pagne, d’un turban sur la tête et d’une cape rouge (qui va d’ailleurs servir de fil conducteur), notre jeune héros se réveille difficilement sur cette île qui semble être isolée du reste du monde. Qui est-il ? Que fait-il ici ? Et surtout pourquoi est-il si silencieux, pour ne pas dire muet ? D’aucuns y verront une forme d’économie d’échelle (pas de textes à écrire, pas d’acteurs à embaucher pour le doublage), d’autres un moyen de rester cohérent avec ce minimalisme graphique qui est indéniablement l’une des grandes forces du jeu. Car dans RiME, c’est la simplicité qui prime avant tout, qu’il s’agisse de sa mise en scène, de ses graphismes, de son gameplay, bref, de sa raison d’être. Mais simplicité ne signifie pas forcément que le jeu demeure basique, bien au contraire. Faire simple dans le jeu vidéo alors qu’on a la possibilité de faire dans la surenchère ou dans le spectacle est peut-être même plus compliqué à réaliser en 2017, d’autant que RiME joue beaucoup sur les symboles, les allégories et même les métaphores. En vrai, si RiME se contente peut-être du strict minimum (aucune interface, aucune barre de vie visible ni de jauge de pouvoir), c’est avant tout pour focaliser l’attention du joueur sur l’environnement et ce qu’il doit faire avec.
RiME peut parfaitement se terminer en 6/7h montre en main. C’est court c’est vrai, même s’il est de bon ton de rappeler que le jeu est vendu moins de 35€, quel que soit son support.
Simples, les commandes du jeune héros le sont également puisqu’ils se limitent à des sauts, une roulade (dont on cherche encore l’utilité d’ailleurs), la course, la nage et la possibilité de crier pour interagir avec certains éléments du décor et ainsi activer des mécanismes. La voix du petit garçon sert également de repère au joueur, puisqu’elle traduit son humeur et peut ainsi l’aiguiller dans une action ou un contexte quelconque. Cela dit, le véritable guide spirituel dans le jeu, c’est bel et bien ce petit renard qui n’hésitera pas à guider le joueur avec sa présence bien sûr, mais aussi le son de sa voix. C’est lui qui nous indique en effet le bon chemin à suivre, car il est parfois assez aisé de perdre le fil dans ces environnements ouverts où de nombreux secrets et autres Easter Eggs nous attendent. Car RiME est un jeu qui pousse aussi à l’exploration, sans doute pour gonfler la durée de vie du jeu, assez courte il faut bien l’avouer en ligne droite. Car si vous ne faites pas partie de ces gens qui aiment dénicher les objets cachés (pourtant nécessaires pour une meilleure compréhension de l’histoire et de la personnalité du héros), RiME peut parfaitement se terminer en 6/7h montre en main. C’est court c’est vrai, même s’il est de bon ton de rappeler que le jeu est vendu moins de 35€, quel que soit son support.
L'HÉRITAGE FUMITO UEDA
Qu’importe. Comme vous le savez, ce n’est pas la durée qui prime, mais le voyage. Et celui de RiME (en plus d’être initiatique) vaut largement le détour, ne serait-ce pour la variété de ses décors et surtout de ses énigmes. A ce niveau-là, le jeu de Tequila Works fait indéniablement penser aux productions de Fumito Ueda. On y trouve pas mal d’affiliations à ICO, mais aussi à The Last Guardian puisqu’on vous rappelle que RiME narre les aventures d’un jeune garçon mystérieux (dont on ne sait rien au départ) aux animations incroyablement détaillées et évoluant dans des ruines antiques. Sans indication aucune, il va devoir résoudre tout un tas d’énigmes et de casses-têtes qui vont lui permettre d’avancer et d’en apprendre davantage sur lui-même. D’ailleurs, à l’instar de The Last Guardian, RiME se distingue par la qualité et surtout la variété de ses énigmes. On est en effet amené à jouer avec des perspectives qui rappellent The Witness, avec le temps aussi (le cycle jour-nuit), mais aussi les ombres et différents objets à placer à des endroits stratégiques. Rien n’est insurmontable et si par moments, il arrive qu’on reste bloqué pendant plusieurs dizaines de minutes, c’est surtout par manque d’observation. Chaque énigme se résout d’ailleurs dans un espace assez restreint, délimité en sus par des murs invisibles parfois.
Car contrairement à The Last Guardian où certains casses-têtes trouvaient leur solution dans le bon vouloir d’un Trico pas toujours très obéissant, tout a été en effet pensé dans RiME pour séduire le grand public.
Car contrairement à The Last Guardian où certains casses-têtes trouvaient leur solution dans le bon vouloir d’un Trico pas toujours très obéissant, tout a été en effet pensé dans RiME pour séduire le grand public. A ce propos, sachez que dans la deuxième partie de l’aventure, le héros de RiME se retrouve lui aussi en compagnie d’une – deuxième – créature (antique en revanche) qui va le suivre et l’obéir au doigt et à l’œil, qui prend ici l’allure d’une boule de lumière. On ne vous en dit pas plus pour ne rien gâcher de la surprise. Cependant, là où Fumito Ueda avait réussi à créer une énorme empathie avec le personnage de Trico, RiME ne parvient en revanche pas à réitérer l’exploit, la faute sans doute à la trop courte durée de vie du jeu. Non seulement le bipède arrive un peu tard dans l’aventure et ce dernier n’a pas de scènes suffisamment fortes pour créer un lien affectif avec le petit garçon à la cape rouge. Il y a bien quelques cinématiques et des moments forts dans le jeu, mais on aurait tellement aimé que cette relation entre les deux personnages soit plus approfondie.
OPTIMUS RIME
Si RiME ne cache pas son héritage issu des productions de Fumito Ueda, il est une autre série qui a fortement inspiré la production espagnole. On pense bien évidemment à la saga Zelda, et spécialement aux épisodes The Wind Waker et Breath of the Wild qui partagent sa patte artistique et le choix d’un cel-shading qui lui confère un côté dessin animé à l’esthétisme léché. RiME multiplie d’ailleurs les paysages magnifiques (extérieurs comme intérieurs) et il n’est pas rare de s’arrêter plusieurs minutes pour contempler les splendides panoramas. A l’image de Breath of the Wild, RiME a beaucoup joué sur les sonorités, sans aucune fioriture. Ici aussi, on prend le temps d’écouter le bruit de la mer, de l’eau qui coule des fontaines, du vent qui souffle en haut des collines ou bien encore le chant des oiseaux. Il est vrai qu’arriver après Zelda Breath of the Wild peut être handicapant dans le sens où l’open world organique et totalement cohérent de Nintendo a considérablement changé la donne, et dépoussiérer certains mécanismes de gameplay. Combien de fois a-t-on eu envie de grimper cette falaise pourtant facile d’accès ? Combien de fois as-tu eu envie d’escalader ce muret pourtant pas bien haut ? Malheureusement, dans RiME et comme dans beaucoup d’autres jeux à l’ancienne dira-t-on, les interactions avec le décor sont soumises au bon vouloir d’un game design à l’ancienne. C’est là qu’on se rend vraiment compte qu’il y a un avant et un après Zelda Breath of the Wild ; sans compter cette furieuse envie de sortir sa paravoile. Mais là, c’est aussi parce qu’on a dépassé les 300h de jeu sur le GOTY 2017.
Malheureusement, dans RiME et comme dans beaucoup d’autres jeux à l’ancienne dira-t-on, les interactions avec le décor sont soumises au bon vouloir d’un game design à l’ancienne. C’est là qu’on se rend vraiment compte qu’il y a un avant et un après Zelda Breath of the Wild.
Vous l’aurez compris, là où Deadlight ne parvenait pas à sortir du spectre de l’inspiration et de l’héritage de ses mentors, RiME réussit le pari d’imposer sa touche personnelle, grâce notamment à la justesse de sa mise en scène qui a fait le pari de l’épuré et du minimalisme. Cette simplicité, on la retrouve aussi dans sa prise en main, simple d’accès, compréhensible et sans réelle fausse note. Même la caméra ne nous a jamais fait faux bond, à l’exception peut-être de certains passages confinés où les sauts n’ont pas été toujours évidents. Mais ces moments compliqués, on ne les compte même pas sur les doigts d’une main amputée. En revanche, il n’a pas été rare d’avoir affaire à de sérieux baisses de frame-rate sur une PS4 standard, sans que cela n’impacte véritablement l’expérience de jeu, on tient à vous rassurer. Une perte de fluidité qui s’explique d’ailleurs lors des sauvegardes automatiques ou lorsqu’on passe d’une pièce intérieur aux environnements extérieurs. Car même le niveau le plus chargé visuellement (le dernier, celui de la pluie, qui restera d’ailleurs gravé à tout jamais dans notre mémoire) n’a eu aucune incidence sur le frame-rate. Comme quoi…