L'installation du jeu donne déjà une bonne idée de son manque d'ambition puisqu'il ne pèse que 150 Mo et semble utiliser la technologie Flash. Cependant, il faut se garder de tout jugement hâtif puisque des titres comme World of Goo ou Machinarium présentent des caractéristiques techniques à peu près semblables et sont pourtant de véritables bijoux, indispensables à toute ludothèque digne de ce nom. Mais les premières minutes passées sur Shutter Island suffisent à dissiper toute malentendu éventuel sur sa nature : il s'agit bien d'un jeu développé à la va-vite pour coller à la sortie du film. Sur ce point précis, on peut d'ailleurs lui reconnaître une certaine fidélité à l'oeuvre originale puisqu'il reprend dans les grandes lignes le scénario du long-métrage et nous plonge donc dans la peau de Teddy Daniels, incarné au cinéma par Leornardo DiCaprio. Le beau gosse n'apparaît pas à l'écran puisqu'on vit l'aventure à travers ses yeux, mais l'image des autres acteurs a bien été utilisée. On peut ainsi croiser les visages de Ben Kingsley, Mark Ruffalo ou encore Emily Mortimer. Pas de modélisation 3D ni de séquences vidéos à l'horizon, il faut se contenter de leurs portraits affichés de temps à autre lors de brèves séquences de dialogues non interactives. D'une manière générale, la réalisation technique est extrêmement sommaire puisqu'elle repose sur une succession d'écrans fixes et se contente de quelques bruitages pour installer l'ambiance sonore. Les voix répondent en effet aux abonnés absents et les passages musicaux sont extrêmement rares. En ce qui concerne la progression du joueur, tout est fait pour que les novices ne se sentent jamais perdus. Ainsi, un halo vert indique les zones de transition entre les différents décors (une porte, la plupart du temps....) tandis qu'un halo bleu signale les rares zones interactives où déposer les objets de l'inventaire. Zones interactives ? Inventaire ? Aurions-nous affaire à un jeu d'aventures ? Hélas, pas vraiment...
Où est Charlie ?
L'essentiel du gameplay repose en réalité sur le concept d'objets cachés. Chaque scène est constellée de plusieurs dizaines d'objets et il suffit de cliquer sur ceux que le marshall Daniels recherche pour débloquer l'action et faire avancer le scénario. Les variations de taille, les superpositions ou encore le positionnement sur des fonds de couleur proche amplifient la dissimulation mais ne suffisent jamais à rendre la tâche insurmontable. Ce principe basique, voire enfantin, n'est pas foncièrement désagréable mais finit rapidement par lasser. Les développeurs ont bien tenté d'injecter un peu de variété en nous demandant par moments de retrouver des nombres dissimulés dans le décor (sous le prétexte que les schizophrènes de l'établissement psychiatrique "traduisent les nombres et les symboles en codes pour les aider à maintenir leurs délires"), en représentant les scènes de cauchemar du héros par un passage de l'image en négatif qui complique légèrement la recherche, ou encore en alternant une présentation visuelle avec une description nominative des objets à retrouver. On nous demande même à un moment de deviner la nature des objets à partir d'une définition élusive et poétique, à la manière d'une énigme orientale. Mais cette idée n'est hélas pas assez exploitée. De même, le jeu se dote de quelques casse-têtes que ne renierait pas le professeur Layon (cinq exactement) mais ils sont toujours très simples (engrenages, fils emmêlés, calcul, serrure, jeu des différences) et, surtout, s'avèrent en réalité totalement facultatifs. Si vous passez un peu trop de temps à tenter de les résoudre, une option "passer le mini-jeu" apparaît et son utilisation n'entraîne strictement aucune pénalité. Plus casual, tu meurs ! Dans le même ordre d'idées, une lampe-torche qui se recharge en quelques dizaines de secondes vous permettra de mettre en lumière la position d'un objet trop bien caché que vous n'auriez pas réussi à dénicher. Et le pseudo-inventaire que nous évoquions dans le chapitre précédent ne sert qu'au stockage automatique d'objets à déposer quelques secondes plus tard sur une zone interactive bien déterminée et indiquée de manière très voyante (linéarité maximum garantie). Conséquence de cette absence totale de challenge : un joueur aguerri mettra moins de deux heures à boucler l'aventure !