Sorti le 18 avril 2014, uniquement sur PS3, Short Peace : Ranko Tsukigime’s Longest Day n’a pas eu l’accompagnement marketing habituel des autres œuvres de Suda51. On a certes pu apercevoir des trailers sur YouTube de manière très ponctuelle, mais jamais de grosse mise en avant par Bandai Namco Games, qui n’a pas jugé indispensable de créer l’événement pour que Short Peace sorte de l’ombre. C’est pourquoi, nous avons jugé nécessaire de vous éclairer sur ce projet qui regroupe 4 courts-métrages et un jeu vidéo sur le même Blu-ray. Il n’y a d’ailleurs pas vraiment d’ordre précis pour apprécier l’expérience et l’on peut parfaitement commencer par le jeu pour ensuite se taper les 4 péloches d’affilée ; et vice-versa. Dans notre explication, nous préférons vous détailler le contenu des 4 animés, réalisés pour certains par des maîtres de l’animation japonaise. On pense notamment à "Combustible" et "A Farewell to Weapons", créé par le grand Katsuhiro Otomo à qui l’on doit Akira et Steamboy. Si Combustible ne porte pas nécessairement la patte coutumière d’Otomo, il saura marquer les esprits par son propos et son dénouement. En revanche, l’essai "A Farewell to Weapons" regroupe tous les ingrédients qui ont fait d’Otomo le spécialiste des grandes épopées. Ici, on suit les aventures d’un groupe de soldats qui vont devoir s’unir pour vaincre un robot doté d’une intelligence artificielle autonome. C’est le court-métrage le plus long des quatre (30 minutes) et sans nul doute le plus explosif de tous, celui qui fera l’unanimité dans tous les cas. Du caviar sur toast même.
Gloubi-boulga
Plus intimiste, "Possessions" a été réalisé par un auteur méconnu du grand public, Shuhei Morita, mais son œuvre risque de le propulser sur le devant de la scène grâce à son histoire touchante, emprunte de folklore japonais et utilisant une technique plutôt réussie, mélangeant dessins classiques et images obtenues par le biais d’ordinateur. Reste alors Gambo, mis en œuvre par Hiroaki Ando, qu’on connaît pour le surprenant Amer Beton qui avait su marquer l’animation japonaise en 2007, aussi bien pour son style graphique que sa vision désenchantée de l’enfance. Là aussi, Ando frappe fort en plaçant au cœur de son histoire une certaine violence graphique qui fait mouche. Reste alors la cinématique d’intro, réalisée par Koji Morimoto et qui avait participé au projet Animatrix en 2003. Beaucoup trop court pour être considéré comme un cinquième court-métrage, cet essai parvient néanmoins à captiver l’attention grâce à ses couleurs chatoyantes. Non, la véritable cinquième œuvre comprise dans cette expérience ludique n’est autre que le jeu de Suda51, Ranko Tsukigime’s Longest Day, qui prouve une fois encore que le game designer n’est pas tout seul dans sa tête.
Entre réalisation en 3D, particules fait de sprites hyper pixellisés et intégration d’éléments graphiques photo-réalistes, on sent que Suda51 et Crispy’s se font fait plaisir. Le jeu mélange tout et n’importe quoi, sous prétexte d’un délire artistique entre illuminés du jeu vidéo.
L’histoire de Ranko Tsukigime’s Longest Day n’est pas commune pour commencer. On incarne Ranko, une jeune lycéenne de 16 ans qui se distingue par le bandeau qu’elle porte pour cacher son œil droit. Est-elle vraiment borgne ou s’agit-il d’un style vestimentaire pour nous prouver qu’elle fait dans le swag ? La question mérite d’être posée. Toujours est-il qu’au fond d’elle se cache une tueuse expérimentée dont l’objectif principal est de venger sa mère en tuant son père, qui est à la tête de la plus grande société qui gère les ascenseurs des parkings souterrains. Si l’histoire du jeu est complètement barrée, la patte artistique l’est tout autant. On la doit d’ailleurs au studio Crispy’s, les créateurs du tordu Tokyo Jungle, qui n’a pas hésité à placer quelques clins d’œil dans le jeu. Le jeu mélange les genres pour un résultat pas toujours très homogène. Entre réalisation en 3D, particules fait de sprites hyper pixellisés et intégration d’éléments graphiques photo-réalistes, on sent que Suda51 et Crispy’s se font fait plaisir. Le jeu mélange tout et n’importe quoi, sous prétexte d’un délire artistique entre illuminés du jeu vidéo.
Génie incompris ?
Pas très séduisant graphiquement, Ranko Tsukigime’s Longest Day a également du mal à convaindre côté gameplay. Jeu d’action au scrolling horizontal qui rappelle les vieux jeux de l’ère 16-bit, le but est d’avancer le plus vite possible afin de ne pas se faire rattraper par la vague d’ennemis qui se trouvent à nos trousses. Il peut très bien s’agir d’esprits malins repris des contes japonais que du chihuahua féroce de Tokyo Jungle, mais quoiqu’il arrive, il faut à tout prix les empêcher de vous toucher, sous peine d’un Game Over qui vous fera revenir au début du niveau. Là aussi, Suda51 a misé sur la difficulté des premiers jeux vidéo, où les checkpoints n’existent pas et que l’approbation ne peut venir qu’en finissant le niveau d’une seule traite. Bien entendu, pour nous corser la tâche, chaque stage est truffé d’ennemis placés minutieusement pour ralentir votre course. Ce n’est d’ailleurs pas tant leur agressivité qui risque de vous importuner mais plutôt le lieu et la manière dont ils apparaissent à l’écran qui cassent les couilles. Sans compter qu’il faut en plus gérer les sauts hasardeux de Ranko, qui est aussi capable de planer quelques secondes grâce à sa jupe en dentelles. Il y a plusieurs embranchements qui permettent d’avancer sans trop se poser de questions, mais les sauts contre les murs sont un bel exemple du manque de finition du jeu.
Autant vous dire qu’un joueur expérimenté peut faire défiler le générique de fin en moins d’une heure, tandis que les autres auront lâché la manette, agacés par ce manque flagrant de considération.
Mais ce qui plombe le jeu, c’est avant tout sa répétitivité lassante, qu’on retrouve dès le deuxième stage. Sur les 10 niveaux que compte l’aventure, non seulement, l’objectif reste le même mais en sus, les environnements manquent très clairement de variété. Ils sont vides, architecturés de la même façon et se terminent en moins de 5 minutes si on montre suffisamment de skill. Autant vous dire qu’un joueur expérimenté peut faire défiler le générique de fin en moins d’une heure, tandis que les autres auront lâché la manette, agacés par ce manque flagrant de considération. Il n’y a de toutes les façons aucun plaisir ludique à diriger Ranko qui ne progresse aucunement dans le jeu. La progression est en effet nulle puisqu’il n’y a pas de nouvelles armes à récupérer ni de pouvoirs ou d’aptitudes en plus à débloquer, ce qui fait que le plaisir s’estompe au détriment d’une lassitude qui nous pousse à nous demander ce qui est vraiment passé par la tête de Suda51. Un génie incompris ? Pour le coup, carrément oui !